La réglementation de l'UE relative à la santé des végétaux a pour objectif de protéger le territoire européen face à l'introduction et à la dissémination d'organismes nuisibles aux végétaux. Cette protection vise les espèces cultivées et la flore sauvage, quel que soit le milieu (terres cultivées, forêts, espaces publics, environnement naturel...). Ces dernières décennies ont toutefois été marquées par d'importantes évolutions qui ont accentué les facteurs de risque pour les végétaux (mondialisation des échanges commerciaux, changement climatique, élargissement de l'Union européenne...). Il était donc nécessaire de réviser cette réglementation.
Un nouveau cadre juridique européen
Deux règlements
Le régime juridique en vigueur en France repose surtout sur la directive 2000/29/CE qui elle-même reprend les dispositions d'une directive datant de 1977. Sous l'impulsion de la Présidence française et au regard de ces enjeux, le Conseil de l'UE a conclu à la nécessité de réviser le système actuel de protection de la santé des végétaux. Cette démarche s'inscrit dans un processus de révision plus large qui concerne également le régime des contrôles officiels. Les règlements (UE) 2016/2031 et 2017/625, adoptés en 2016 et 2017, seront applicables à compter du 14 décembre 2019. Ils établissent des règles communes à tous les États membres de l'UE en ce qui concerne :
- la production, l'inspection, l'échantillonnage, les contrôles, l'importation, la mise en circulation et la certification du matériel végétal ;
- la détection, la notification et l'éradication des organismes de quarantaine.
Une application directe
Dans la mesure où il s'agit de règlements et non de directives, l'application de ce nouveau cadre juridique dans les États membres se fait de manière directe. Une adaptation du droit français est en revanche nécessaire. Le gouvernement travaille donc à la mise en conformité du code rural et de la pêche maritime, et plus particulièrement de son livre II « Alimentation, santé publique vétérinaire et protection des végétaux ».
Une nouvelle classification des organismes nuisibles
Organismes de quarantaine
Le règlement (UE) 2016/2031 introduit une nouvelle classification des organismes nuisibles aux végétaux qui permet une meilleure priorisation des actions et des mesures à prendre contre ces organismes nuisibles, et donc une meilleure allocation des ressources. Les deux catégories principales d'organismes réglementés sont les organismes de quarantaine et les organismes réglementés non de quarantaine (Figure 1).
Un organisme peut être classé organisme de quarantaine (OQ) pour l'ensemble du territoire de l'UE ou bien pour une zone particulière appelée zone protégée. Les OQ correspondent à des organismes nuisibles qui sont soit absents du territoire concerné, soit présents mais non largement disséminés. Ils sont susceptibles d'entrer, de s'établir ou de se disséminer sur ledit territoire et d'y avoir une incidence économique, environnementale ou sociale inacceptable. Par conséquent, des mesures très strictes doivent être prises pour empêcher leur entrée ou leur dissémination sur lesdits territoires.
Les obligations des autorités compétentes au sein des États membres se trouvent renforcées. Par exemple, la mise en place obligatoire de programmes pluriannuels spécifiques de surveillance permet d'assurer une meilleure surveillance des OQ et donc de détecter au plus tôt la présence de ces organismes. En cas de foyer d'OQ, des mesures d'éradication immédiates doivent être prises. Le règlement prévoit aussi le cas d'organismes nuisibles émergents, peu ou mal connus. Pour pouvoir agir sans délai dans l'attente d'une analyse de risque plus complète, ces organismes peuvent être considérés comme OQ provisoires au niveau UE ou national, avant un statut définitif.
Le règlement prévoit également une meilleure coopération entre les différentes parties prenantes pour prévenir l'introduction et la dissémination d'OQ sur le territoire de l'UE. Les États membres sont tenus de notifier à la Commission européenne et aux autres États membres la présence d'un OQ sur leur territoire et doivent fournir aux opérateurs professionnels concernés les informations utiles concernant la présence de cet OQ. De manière générale, l'accent est mis sur la sensibilisation et la responsabilisation de l'ensemble des acteurs. Ainsi, toute personne (y compris les particuliers) qui soupçonne ou constate la présence d'un OQ doit informer immédiatement l'autorité compétente dont elle relève. Les opérateurs professionnels sont également tenus de prendre des mesures de précaution immédiates afin d'empêcher l'établissement ou la dissémination d'OQ (voir ci-dessous).
Parmi les OQ sont considérés comme prioritaires ceux dont l'incidence économique, environnementale ou sociale potentielle est la plus grave pour le territoire de l'UE. Ces organismes de quarantaine prioritaires (OQP) doivent faire l'objet de mesures supplémentaires à la charge des États membres, telles que le renforcement de la surveillance, l'élaboration de plans d'urgence, la mise en place d'exercices de simulation de la mise en oeuvre de ces plans, ou encore l'adoption d'un plan d'action en cas de foyer. Certaines de ces actions ont par exemple été mises en place pour lutter contre la bactérie Xylella fastidiosa(1).
Organismes réglementés non de quarantaine
La seconde catégorie d'organismes réglementés est celle des organismes réglementés non de quarantaine (ORNQ) : ils correspondent à des organismes nuisibles présents sur le territoire de l'UE et transmis principalement par des végétaux destinés à la plantation sur lesquels ils ont une incidence économique inacceptable. Le règlement interdit aux opérateurs professionnels de les introduire ou de les déplacer sur le territoire de l'UE lorsqu'ils sont présents sur certains végétaux. Des mesures peuvent être fixées afin de maintenir la présence de ces ORNQ en deçà de seuils d'acceptabilité fixés sur les végétaux destinés à la plantation concernés. Les organismes nuisibles actuellement listés dans les directives de commercialisation des semences et des plants(2) deviendront des ORNQ au titre du règlement (UE) 2016/2031.
Des listes européennes harmonisées
Les listes d'OQ (150 à 200 organismes nuisibles), d'OQP (environ une quinzaine d'OQ) et d'ORNQ (plus de 250, toutes filières et usages confondus) doivent être établies par la Commission européenne, par acte d'exécution ou par acte délégué. Ces actes secondaires sont en cours d'élaboration et devront être adoptés avant le 14 décembre 2019, jour de l'entrée en application des deux règlements. Il s'agira donc de listes harmonisées pour l'ensemble des États membres.
La stratégie préventive à l'importation
Un certificat phytosanitaire obligatoire pour presque toutes les plantes
La stratégie préventive à l'importation adoptée par les deux règlements représente une réelle avancée pour la protection du territoire de l'UE. En particulier, le règlement (UE) 2016/2031 introduit un dispositif global de prévention gradué et basé sur le niveau de risque que présentent différentes marchandises importées pour le territoire de l'UE (Figure 2).
Tout d'abord, la Commission européenne peut continuer à interdire l'importation de certains végétaux, produits végétaux et autres objets provenant de pays tiers déterminés lorsque ces marchandises représentent un risque inacceptable d'introduction d'OQ. Elle a par ailleurs introduit une liste de « végétaux à haut risque »(3), interdits d'importation tant qu'une analyse de risque phytosanitaire n'a pas été menée pour montrer que l'importation de ces végétaux en provenance d'un pays tiers donné présente un risque acceptable si certaines conditions sont respectées.
Enfin, alors que seuls certains végétaux et produits de végétaux devaient jusqu'à présent être accompagnés d'un certificat phytosanitaire et répondre à des exigences particulières, ce certificat devient obligatoire pour l'importation de toutes les plantes ou parties de plantes vivantes. Seuls certains fruits (ananas, noix de coco, banane, durian et datte)(3) pourront être importés sur le territoire de l'UE sans certificat phytosanitaire.
Exigences pour les voyageurs et la vente à distance
Enfin, la stratégie préventive à l'importation couvre également désormais le risque d'introduction d'OQ dans les bagages des voyageurs ou via le commerce à distance. Ainsi, les voyageurs ne sont pas autorisés à introduire en UE, dans leurs bagages, des végétaux et produits de végétaux ne respectant pas les exigences phytosanitaires à l'importation de l'UE. Certains végétaux, autres que ceux destinés à la plantation, et produits végétaux, importés dans les bagages personnels de voyageurs, pourront cependant être exemptés de l'exigence de certificat phytosanitaire pour de petites quantités et s'ils ne sont pas destinés à un usage professionnel ou commercial.
Par ailleurs, afin de sensibiliser le public, les États membres, les ports maritimes, les aéroports, les transporteurs internationaux, ainsi que les services postaux et les opérateurs professionnels qui effectuent des ventes à distance devront fournir aux voyageurs ou à leurs clients des informations sur les règles applicables en ce qui concerne l'introduction et la circulation des végétaux sur le territoire de l'UE.
La responsabilisation des opérateurs professionnels
Information et mesures immédiates
Le règlement (UE) 2016/2031 prévoit une meilleure responsabilisation des opérateurs professionnels (voir Encadré 1). Ces derniers sont tenus d'informer immédiatement les autorités compétentes lorsqu'ils soupçonnent ou constatent la présence d'un OQ ou d'un organisme nuisible émergent préoccupant. En cas de confirmation officielle de la présence d'un tel organisme sur des végétaux, produits végétaux ou autres objets, et en consultation avec l'autorité compétente, les opérateurs professionnels doivent prendre des mesures immédiates telles que :
- retirer du marché les végétaux sur lesquels l'organisme nuisible pourrait être présent ;
- prendre les mesures nécessaires pour éliminer l'organisme nuisible des végétaux ;
- informer les opérateurs commerciaux auxquels ces végétaux ont été fournis ;
- rappeler immédiatement les végétaux concernés.
Traçabilité et registre officiel
Pour faciliter les enquêtes permettant d'identifier l'origine des foyers, chaque opérateur doit tenir des dossiers lui permettant de retrouver, pour chaque unité commerciale de végétaux, les opérateurs professionnels qui les lui ont fournis ainsi que ceux auxquels il les a fournis. Les opérateurs professionnels doivent aussi disposer d'un système de traçabilité permettant de suivre la circulation des végétaux sur et entre leurs propres sites.
Enfin, afin d'assurer la bonne application du règlement (UE) 2016/2031 et notamment des règles mentionnées ci-dessus, le règlement prévoit la mise en place d'un registre officiel qui recense la plupart des opérateurs professionnels soumis à des obligations, notamment ceux qui introduisent ou déplacent dans l'UE des végétaux pour lesquels un certificat phytosanitaire ou un passeport phytosanitaire est exigé. La procédure d'inscription sur le registre est harmonisée par le règlement qui fixe un certain nombre d'éléments devant figurer dans la demande d'enregistrement. L'opérateur doit notamment déclarer les types d'activité qu'il exerce et renseigner les sites, les types de marchandises et les végétaux concernés par son activité.
Passeports phytosanitaires : renforcement des règles
Le règlement (UE) 2016/2031 prévoit de nouvelles dispositions en lien avec la circulation des végétaux, produits végétaux et autres objets sur le territoire de l'UE, et notamment la délivrance du passeport phytosanitaire (PP). Ainsi, le règlement étend l'exigence de PP à tous les végétaux destinés à la plantation, sauf certaines semences. Cependant, il exempte de PP les végétaux et produits végétaux fournis directement aux utilisateurs finaux, sauf lorsque ces derniers sont vendus dans le cadre d'une vente à distance ou à destination de certaines zones protégées ou lorsque le PP est requis dans le cadre d'autres actes secondaires publiés par ailleurs. Les actes secondaires du règlement permettant de définir la liste exacte des végétaux, produits végétaux et autres objets soumis à PP doivent être votés au cours de l'année 2019.
Par ailleurs, le contenu et le format du PP seront harmonisés, ce qui permettra de garantir leur crédibilité, de vérifier plus aisément leur présence et de s'assurer ainsi que les marchandises reçues répondent aux exigences relatives à la santé des végétaux. L'article 83 et l'annexe VII du règlement (UE) 2016/2031, ainsi que le règlement d'exécution (UE) 2017/2313, définissent le nouveau contenu et format des PP. Ces derniers devront être apposés sur l'unité commerciale(4) des végétaux, produits végétaux ou autres objets (par exemple sur le pot ou la plante) ou sur l'emballage (par exemple la palette), la botte ou le conteneur, lorsqu'ils sont transportés dans ces conditions. L'apposition du PP sur le document d'accompagnement (bon de livraison, facture...) ne sera donc plus autorisée à partir du 14 décembre 2019.
Les PP seront délivrés par les opérateurs professionnels autorisés par les Draaf/SRAL. Cette autorisation remplacera notamment les contrats d'autoédition signés actuellement entre les Draaf/SRAL et certains opérateurs professionnels. Cependant, de nouvelles conditions et obligations seront associées à cette autorisation. Par exemple, les opérateurs professionnels autorisés devront posséder les connaissances nécessaires à la réalisation des examens des végétaux et produits végétaux qui sont requis pour la délivrance du PP, et ils devront disposer d'un système permettant d'assurer la traçabilité amont et aval pour tous les échanges entre opérateurs professionnels de produits soumis à passeport phytosanitaire. Les opérateurs professionnels autorisés seront également soumis à de nouvelles obligations de surveillance de leurs processus de production ou de déplacement de végétaux, et ils devront assurer, si nécessaire, une formation appropriée à leur personnel. Par dérogation, des PP pourront être délivrés par les Draaf/SRAL. Un règlement d'application qui définira plus précisément les règles à respecter par les opérateurs professionnels sera publié au cours du premier semestre 2019.
Vers une harmonisation et un renforcement des contrôles officiels
Le règlement (UE) 2017/625 concernant les contrôles officiels et les autres activités officielles vise à moderniser et améliorer l'efficacité des systèmes de contrôles dans les États membres. Il vise également une harmonisation entre les différents États membres. Il établit des règles communes concernant la réalisation de ces activités, leur financement, l'assistance et la coopération administratives entre États membres, et la gestion de l'information et des données relatives aux contrôles officiels.
En ce qui concerne les contrôles officiels dans le domaine de la santé des végétaux, et à titre d'exemple, le règlement d'exécution (UE) 2019/66 établit des modalités uniformes pour la réalisation des contrôles officiels sur les végétaux, produits végétaux et autres objets. Il définit notamment les fréquences minimales des contrôles officiels chez les opérateurs autorisés à apposer le passeport phytosanitaire ou la marque NIMP15 sur les emballages en bois.
Et dans les départements et régions d'outre-mer (DROM) ?
Le règlement (UE) 2016/2031 ne s'appliquera pas dans les DROM, en raison des spécificités des problématiques sanitaires de ces territoires. Le gouvernement travaille par conséquent à l'adaptation du code rural, afin de trouver un régime juridique qui se rapproche le plus possible de celui prévu pour la métropole, tout en tenant compte de leurs spécificités.
(1) https://agriculture.gouv.fr/xylella-fastidiosa-une-bacterie-mortelle-pour-200-especes-vegetales(2) 66/401/CEE, 66/402/CEE, 68/193/CEE, 2002/54/CE, 2002/55/CE, 2002/56/CE, 2002/57/CE, 2008/90/CE.(3) La liste des végétaux à haut risque et la liste des végétaux qui ne sont pas soumis à apposition du certificat phytosanitaire pour être introduits sur le territoire de l'UE sont disponibles à l'annexe I et II du règlement d'exécution (UE) 2018/2019 du 18 décembre 2018.(4) Selon le règlement : « Plus petite unité commerciale ou autre unité utilisable applicable au stade de commercialisation concerné qui peut constituer un sous-ensemble ou l'ensemble d'un lot. »
RÉSUMÉ
CONTEXTE - Avec pour objectifs de mieux protéger la santé des cultures, des forêts et des zones non agricoles et de garantir la qualité des végétaux et des produits végétaux commercialisés sur le territoire de l'Union européenne (UE), deux nouveaux règlements européens ont été adoptés en 2016 et 2017. Le règlement (UE) 2016/2031 du 26 octobre 2016 relatif aux mesures de protection contre les organismes nuisibles aux végétaux et le règlement (UE) 2017/625 du 15 mars 2017 concernant les contrôles officiels et les autres activités officielles seront applicables à compter du 14 décembre 2019.
Ils adoptent une nouvelle approche, proactive, pour empêcher l'introduction et la dissémination d'organismes nuisibles sur le territoire de l'UE, et pour permettre leur détection et leur éradication rapide en cas de foyers dans les États membres. Ils mettent en place notamment une nouvelle classification des organismes nuisibles, une stratégie préventive à l'importation, la responsabilisation des opérateurs professionnels, et le renforcement du dispositif de délivrance du passeport phytosanitaire.
MOTS-CLÉS - Réglementation, règlement (UE) 2017/625, règlement (UE) 2016/2031, organismes nuisibles, organismes de quarantaine, certificat phytosanitaire, prévention, responsabilisation.
1 - Les opérateurs professionnels concernés
Les règlements entendent par « opérateur professionnel » toute personne de droit public ou privé participant à titre professionnel à une ou plusieurs activités liées aux végétaux, produits de végétaux et autres objets et juridiquement responsable à cet égard :
- plantation ;
- amélioration génétique ;
- production, y compris la culture, la multiplication et la maintenance ;
- introduction et circulation sur le territoire de l'Union et sortie dudit territoire ;
- mise à disposition sur le marché ;
- stockage, collecte, expédition et transformation.
2 - À retenir : à compter du 14 décembre 2019...
Une nouvelle classification européenne des organismes nuisibles afin de mieux prioriser les actions des États membres dans la lutte contre ces organismes.
La mise en place d'une stratégie préventive, avec notamment l'extension de l'obligation d'un certificat phytosanitaire pour l'importation de l'ensemble des végétaux, excepté certains fruits (ananas, noix de coco, banane, durian et datte) et un meilleur encadrement de la vente à distance.
L'extension du passeport phytosanitaire à l'ensemble des végétaux destinés à la plantation, sauf certaines semences, et la mise en place d'un format harmonisé du passeport phytosanitaire.
La responsabilisation des opérateurs professionnels via le renforcement de leurs obligations.
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACT : bsv.sdqspv.dgal@agriculture.gouv.fr