DOSSIER - Qualité des grains récoltés veiller, prévenir, lutter

Gestion agronomique des sols et résidus : quel impact ?

ÉMILIE DONNAT*, LAURENCE DENAIX**, EMMA VIVIEN**, OLIVIER CROUZET*** ET LAETITIA PINSON-GADAIS**** *Acta - Paris. **Inra UMR ISPA - Bordeaux. ***Inra UMR Ecosys - Versailles-Grignon. ****Inra UR MycSA - Bordeaux. - Phytoma - n°726 - septembre 2019 - page 19

Les pratiques agronomiques (labour, traitement, fertilisation...) et la gestion des résidus de culture influent-elles sur la contamination des grains récoltés ? Éléments de réponse avec le projet Quasagro.
Fig. 1 : Différentes sources de contaminants en grande culture      Une gestion globale est essentielle afin de tenir compte des interactions.

Fig. 1 : Différentes sources de contaminants en grande culture Une gestion globale est essentielle afin de tenir compte des interactions.

Fig. 2 : Activités enzymatiques extracellulaires (-glucosidase (-glu), phosphatase (Phos), aryl-sulfatase (Aryl_S), aryl-amidase (Aryl_N), uréase (Ure) et nitrification potentielle (PNA)) dans les sols de parcelles sous conduite « conventionnelle » et en « agriculture biologique », selon la saison d'échantillonnage      Les activités sont exprimées en mU.g-1 de sol sec.

Fig. 2 : Activités enzymatiques extracellulaires (-glucosidase (-glu), phosphatase (Phos), aryl-sulfatase (Aryl_S), aryl-amidase (Aryl_N), uréase (Ure) et nitrification potentielle (PNA)) dans les sols de parcelles sous conduite « conventionnelle » et en « agriculture biologique », selon la saison d'échantillonnage Les activités sont exprimées en mU.g-1 de sol sec.

En relation avec la qualité sanitaire des produits de la récolte, le projet Quasagro (2015-2018) a cherché à valider des éléments de gestion globale des risques multicontaminants : mycotoxines, éléments-traces métalliques (ETM) et résidus de pesticides, associés à des facteurs environnementaux et aux pratiques agronomiques en grandes cultures. L'étude a porté sur les effets du pédoclimat, des résidus de culture, des intrants, dont les apports de matière organique (Encadré 1).

Le réseau de parcelles Quasaprove

Un observatoire de la contamination des sols et cultures

Le projet Quasagro a permis de consolider le réseau de parcelles Quasaprove(1) et d'en faire un observatoire de la contamination des sols et grandes cultures. Il se compose de parcelles distribuées sur le territoire français métropolitain issues de fermes expérimentales de lycées agricoles, d'exploitations gérées par des particuliers, ou supportant des essais des instituts techniques agricoles (Arvalis-Institut du végétal, Terres Inovia, Itab) et des parcelles d'unités Inra. Les cultures suivies au cours du projet ont été le blé tendre, le blé dur et le tournesol.

Contaminants et autres paramètres suivis

Les contaminants suivis au cours des campagnes ont été :

- dans les sols ; douze éléments-traces (As, Cd, Cs, Cr, Co, Cu, Mo, Ni, Pb, Tl, Zn, U) et, depuis 2016, les résidus de pesticides ;

- dans les plantes ; onze éléments-traces (As, Bo, Cd, Cs, Cr, Co, Cu, Ni, Pb, Zn, U), et les mycotoxines (déoxynivalénol (DON) et déoxinivalénol acétylé (15 A-DON et 3 ADON), nivalénol (NIV) et fusarénone (FX)) sur les grains de blé dur et blé tendre.

Les caractéristiques physicochimiques des sols (pH, CEC, MO, CaCO3) et les éléments majeurs pour les sols et les plantes sont également analysés. Les analyses ont été réalisées par le Laboratoire d'analyses des sols (LAS) d'Arras pour les sols, l'Unité de service et de recherche en analyses végétales et environnementales (Usrave) pour les éléments majeurs et traces dans les plantes et l'Unité de recherche mycologie et sécurité des aliments (MycSA) pour les mycotoxines dans les plantes. Elles ont été complétées par une enquête annuelle sur les pratiques.

Contaminations dans les sols et les cultures

Une contamination diffuse des sols agricoles

Les engrais azotés apportent très peu d'éléments-traces. Les engrais phosphatés ont les concentrations les plus élevées en arsenic, cadmium, chrome, cuivre, cobalt, nickel, plomb et zinc. Les engrais et amendements organiques peuvent avoir des concentrations élevées en zinc et des concentrations non négligeables en arsenic, cuivre et plomb.

Pour tous les éléments analysés, la médiane obtenue sur le réseau est légèrement supérieure à la médiane du RMQS(2) (obtenue sur la totalité des sols nationaux), montrant une contamination diffuse sur les sols agricoles.

Éléments-traces dans les sols

Sur la plupart des sites, la concentration en arsenic du sol est strictement corrélée à la concentration en fer. Cela suggère une origine géogène de l'arsenic, le fer provenant essentiellement des roches constitutives des sols. Par ailleurs, certaines parcelles analysées sont d'anciennes parcelles viticoles. Il est ainsi probable que l'arsenic provienne des traitements contre les maladies du bois (arsénite de soude ou de plomb), interdits depuis 2001.

Le cadmium est connu pour être présent dans les roches carbonatées et phosphatées, notamment les craies et calcaires jurassiques, avec des concentrations variables selon les dépôts sédimentaires. Il est apporté dans les sols agricoles avec les engrais phosphatés, et avec les boues et composts. Dans les parcelles du réseau, les concentrations les plus élevées sont effectivement observées sur les sols développés sur roche calcaire. L'hypothèse d'une origine géologique de cet élément est réaliste.

Les parcelles conduites en viticulture, arboriculture ou maraîchage peuvent recevoir plusieurs kilogrammes de cuivre par hectare et par an pour lutter contre le mildiou. Le cuivre est également présent en forte concentration dans les lisiers, car il entre dans la ration alimentaire des porcs et l'absorption gastro-intestinale de ces animaux est faible. Le cuivre ayant une forte affinité pour la matière organique (MO), il se fixe dans les horizons de surface des sols et migre généralement peu. Les parcelles du réseau présentant des concentrations élevées en cuivre - au-delà des valeurs de la réglementation sur l'épandage des boues de station d'épuration - sont toutes d'anciennes parcelles viticoles ou arboricoles. Le plomb est naturellement présent dans certaines roches magmatiques. À cette origine naturelle s'est ajoutée une contamination atmosphérique diffuse, liée à l'utilisation, jusqu'en 2000, du plomb comme antidétonant dans les essences. Le plomb a également été utilisé, avec l'arsenic, comme produit de traitement dans la vigne et les vergers, jusqu'en 2001. Enfin, le plomb se retrouve en quantité parfois importante dans les composts urbains, dans les boues de stations d'épuration des eaux usées (Step)et dans les fumiers. Sur le réseau, des parcelles fortement contaminées au plomb ont été identifiées sur une exploitation autrefois conduite en maraîchage. Cette contamination est vraisemblablement liée à des épandages anciens de composts urbains et a conduit à un dysfonctionnement de la minéralisation dans ce sol, avec un C/N élevé.

Pour la plupart des parcelles, il apparaît une corrélation positive entre la teneur en plomb et la teneur en fer. Ainsi certaines concentrations élevées en plomb dans les sols sont liées à de fortes concentrations en fer, et pourraient donc être d'origine géogène.

Éléments-traces dans les plantes

Sur l'ensemble du réseau, 130 échantillons de blé tendre ont été analysés. Seuls deux échantillons de grains cultivés sur deux parcelles différentes dépassaient les valeurs règlementaires en plomb (sans que les teneurs des sols en Pb soit forcément élevées).

Vingt-sept échantillons de blé dur ont été analysés sur le réseau. Le blé dur est connu pour être une espèce accumulatrice de cadmium. Cela se confirme sur le réseau. Seuls trois échantillons de grains dépassaient les valeurs réglementaires. Ces lots de blé dur ont été cultivés sur la même parcelle, trois années différentes. Par comparaison avec les différentes parcelles cultivées en blé dur, celle-ci a une teneur en cadmium non excessive (juste un peu plus élevée que la moyenne) mais présente un pH plus faible que les autres parcelles. L'année où le pH de sol était le plus faible correspond aussi à l'année où la concentration dans le grain a été la plus élevée. Le pH, qui est connu pour jouer fortement sur la biodisponibilité du cadmium, semble donc être un facteur explicatif des valeurs élevées de cadmium dans le blé dur dans ce cas. Un chaulage de la parcelle, induisant une hausse de pH, pourrait permettre de tester cette hypothèse et de proposer un mode de gestion simple de la contamination. Trente-cinq parcelles en tournesol ont été suivies et analysées jusqu'à la récolte. Les valeurs sont conformes à la réglementation animale (il n'y a pas as de seuil en Cd pour le tournesol en alimentation humaine) mais des valeurs se rapprochant de la limite ont été enregistrées.

Les flux d'éléments-traces à la parcelle

Une influence prépondérante de la fertilisation

La récolte des grains et/ou des pailles conduit à une exportation nette de matière, et donc d'éléments-traces. Selon la teneur dans les parties récoltées et le rendement, les flux exportés par les récoltes varient donc. Comme il n'y a pas eu sur le réseau d'apports d'oligoéléments ou d'utilisation de produits phytosanitaires contenant des métaux, les seuls apports à la parcelle proviennent de la fertilisation.

Quelle que soit la culture, une fertilisation minérale uniquement azotée conduit à un bilan (apports d'ETM par les intrants - exportations d'ETM par les grains ou graines et les pailles) négatif. Les pratiques agricoles ne conduisent pas à une accumulation d'éléments-traces dans les sols dans ce cas. À l'opposé, une fertilisation organique conduit systématiquement à un bilan positif, avec une accumulation dans les sols pour tous les éléments-traces analysés.

La fertilisation minérale phosphatée, quel que soit l'engrais utilisé, entraîne une accumulation dans le sol d'éléments-traces non essentiels (As, Cd, Pb) et un déficit d'oligoéléments (Cu, Zn). Plus que la nature de la culture, c'est le type de fertilisation qui aura une influence sur les flux d'éléments-traces à la parcelle. La reproduction des mêmes pratiques plusieurs années de suite sur la même parcelle ne peut qu'exacerber ces tendances.

Pédoclimat et pratiques agricoles

Peu d'effets sur la contamination

Il n'y a aucune relation entre la teneur totale en un élément dans le sol et la concentration dans les grains ou graines, les pailles et les végétaux au stade jeune ; plus que la teneur totale, il faut considérer la teneur biodisponible (Encadré 2).

En cherchant s'il existait une relation entre le rendement et la teneur dans le grain ou la graine, un effet de dilution a été mis en évidence pour le cuivre et le zinc : plus le rendement est élevé, plus la concentration dans les grains et graines est faible. Cette observation est également valable pour les éléments majeurs P, K et Mg. Pour les autres éléments-traces, il n'y a aucune relation entre le rendement et la concentration dans les grains ou graines.

Aucun effet du labour n'a été observé. De même, aucune relation entre la fertilisation azotée ou potassique et la teneur en ETM dans le grain de blé n'a été mise en évidence au champ. Aucune différence significative n'a été mise en évidence entre le niveau de contamination des récoltes dans les parcelles fertilisées avec des fertilisants minéraux ou organiques. La présence d'une interculture n'a pas d'effet sur les niveaux de contamination du blé tendre. Le précédent cultural est apparu sans effet.

Effet d'un apport de MO issue de résidus de culture

L'influence de la minéralisation des résidus de culture sur la disponibilité des métaux a été étudiée en conditions contrôlées. L'activité microbienne (respiration du sol, activité de la <03B2_7>-glucosidase), la chimie de la solution du sol (pH, concentration en carbone soluble, sulfate, nitrates, cadmium, cuivre, plomb et zinc) et la disponibilité des cations métalliques (à l'aide de la technique DGT, diffusive gradient in thin films) ont été suivies à partir d'un sol agricole cultivé depuis plus de 10 ans en agriculture biologique, incubé en présence de résidus de culture différents pendant deux mois. Après cette période d'incubation, 18 % du carbone de la moutarde et 40 % du carbone des autres résidus ont été minéralisés. L'activité de la <03B2_8>-glucosidase varie selon les résidus : elle augmente rapidement pour le maïs, le blé et le tournesol et seulement après un mois pour la moutarde. Les résultats montrent une modification importante du pH du sol et de la solution du sol, variable selon les résidus. Le carbone organique dissous augmente rapidement pour tous les résidus dès le premier jour d'incubation et revient à la valeur du sol témoin après 2 mois.

Pour tous les métaux, un pic de concentration en solution est observé après la première journée d'incubation. Ensuite, le comportement des métaux est variable, selon le résidu et le métal. La concentration en zinc reste élevée pendant deux mois alors que la concentration en cuivre revient au niveau de la valeur du témoin après un jour. Ces différences sont vraisemblablement liées aux différences d'affinité des métaux vis-à-vis de la MO.

Cette étude préliminaire démontre que l'incorporation de résidus de culture dans un sol agricole modifie rapidement les équilibres géochimiques et influe sur la disponibilité des métaux dans les sols. En particulier, l'enfouissement de résidus de moutarde a un effet important sur la biodisponibilité des métaux. Cette étude est à valider dans d'autres sols et en conditions de terrain afin de vérifier cette modulation de la disponibilité des métaux en fonction de la dégradation des MO incorporées aux sols.

Cependant, cet effet à court terme ne semble pas avoir de répercussion dans la durée, puisqu'aucune relation n'est apparue entre le niveau de contamination du végétal à la récolte et le précédent cultural.

Analyse des mycotoxines et de la flore fusarienne

Les faibles niveaux de contamination n'ont pas permis d'aboutir à des conclusions. Durant les trois années d'échantillonnage du projet Quasagro, très peu ou pas de trichothécènes de type B ont été prélevés. En 2015 et 2016, Microdochium majus puis M. nivale étaient majoritairement présents par rapport à la population fusarienne (F. poae et F. graminearum) sur blé. En 2017, les grains étaient peu contaminés en Fusarium et en Microdochium. Les denrées non céréalières (pois, tournesol, moutarde...) comportaient peu ou pas de contamination fusarienne. Les résidus de maïs étaient les plus contaminés, avec la plus grande diversité d'espèces fusariennes, et la présence de M. majus et M. nivale.

Activité microbienne et systèmes de culture

Une activité renforcée en AB

D'une manière générale, il apparaît que les systèmes en agriculture biologique (AB) et zéro pesticide favorisent l'activité microbienne des sols, par rapport aux systèmes conventionnels (conv) (Figure 2). Ces effets bénéfiques sont d'origine multifactorielle et ne peuvent se réduire à la seule diminution des intrants pesticides. Ainsi, en AB et zéro pesticide, il y a souvent allongement des rotations et diversification des couverts, avec inclusions de cultures intermédiaires, et usage de fertilisation organique. La forte variabilité des contextes pédoclimatiques locaux induit par ailleurs une très forte hétérogénéité entre les activités microbiennes de sites. Quel que soit le système de culture, certains sols offriront toujours un habitat plus favorable à la vie microbienne.

Pour les activités phosphatase, glucosidase et nitrifiante, peu de différences sont observables entre les différents systèmes étudiés. Une activité glucosidase plus élevée est uniquement observée au printemps dans les systèmes de culture en AB. En revanche, les activités aryl-sulfatase, uréase et aryl-amidase sont supérieures en AB par rapport au conventionnel, aux différentes saisons.

Influence du sol, de la température et du labour

Les paramètres du sol et la température influencent le plus les niveaux d'activité microbienne. Parmi les paramètres édaphiques majoritaires identifiés pour plusieurs activités, il y a l'azote total et le pH, suivi par la texture des sols et certains des éléments majeurs (calcium, potassium ou manganèse). Les teneurs en carbone n'ont pas ici une forte influence.

Concernant les pratiques différenciant les systèmes zéro pesticide, AB et conventionnel, ce sont principalement le labour (effet négatif) ou le travail superficiel du sol (effet positif) qui influencent les activités.

Influence de la fertilisation, de l'IFT et des rotations

La pratique de fertilisation organique (fumier, lisier, compost) favorise l'activité microbienne particulièrement dans les parcelles conventionnelles. Les intrants organiques favorisent plus particulièrement la glucosidase, la phosphatase, l'aryl-amidase et l'uréase. En revanche, les apports de fertilisants minéraux azotés en système de culture conventionnel et zéro pesticide (ammonitrate) favorisent la nitrification.

L'IFT, indicateur de fréquence de traitements pesticides, la diversité de la rotation des systèmes de culture et l'occurrence de légumineuses dans la rotation, n'influencent pas significativement les activités microbiennes, dans le lot de parcelles étudiés.

Minéralisation du 2,4-D et de l'isoproturon

La fraction de pesticide minéralisée par la vie microbienne est un indicateur essentiel de la capacité d'un sol à dissiper un produit chimique toxique. Les minéralisations plus importantes du 2,4-D et de l'isoproturon observées en système conventionnel sont corrélées aux fréquences d'usage de ces pesticides sur les sols. À l'inverse, ces résultats ne sont pas reliés aux biomasses et activités microbiennes plutôt supérieures en système AB ou zéro pesticide. Cela traduit que les pesticides ont induit une adaptation de populations au sein des communautés microbiennes, entretenant un potentiel de dégradation. Ces résultats sont d'autant plus emblématiques pour l'isoproturon qui est connu comme plus persistant que le 2,4-D et souvent détecté dans les eaux de surface (l'approbation de l'isoproturon n'a pas été renouvelée le 1er juillet 2016 ; les AMM des produits ont été retirées en France en 2016, avec une fin d'utilisation en 2017).

Les communautés microbiennes des systèmes de culture en AB et zéro pesticide n'ont pas perdu totalement leurs capacités de minéralisation du 2,4-D et de l'isoproturon, même sur une parcelle où il n'y a pas eu de traitement depuis 18 ans. Cela montre que les capacités fonctionnelles des micro-organismes peuvent persister et être réactivées.

Dans ce jeu de données (pesticides/sols), il n'y a pas de tendance globale entre les fractions minéralisées (part de pesticide « respiré » par le métabolisme microbien) et les fractions de résidus non extractibles (qui pourraient être la part de pesticide « assimilé » dans la biomasse microbienne). Cependant, en prenant les cas du 2,4-D et de l'isoproturon, il ressort une très forte corrélation négative entre ces deux fractions, laissant supposer une compétition entre les processus sous-jacents : soit les micro-organismes minéralisent fortement les molécules et utilisent d'autres sources de carbone pour croître, soit ils utilisent le carbone des molécules de pesticides qu'il dégrade pour croître et d'autre sources de carbone comme énergie (respiration).

Bilan et valorisation

Si le projet Quasagro a permis d'aboutir à certains résultats (Encadré 3), il n'a cependant pas permis de dégager de pratiques « à risques » concernant la contamination des récoltes par les éléments-traces, ni de trouver de facteurs explicatifs des niveaux de contamination élevés observés dans les grains et graines récoltées.

Un plus grand nombre d'analyses est nécessaire pour accroître la puissance statistique et mieux analyser les variabilités pédoclimatiques et/ou agronomiques. Le faible nombre de parcelles en AB n'a pas permis de bien comparer les effets selon le type d'agriculture. De même, si le nombre de parcelles en blé tendre a été important, le nombre de parcelles en blé dur et tournesol s'est révélé trop faible pour une analyse statistique sans a priori. Par ailleurs, il serait important de réaliser l'analyse de la flore fusarienne sur un plus grand nombre d'échantillons de résidus par type de plante et des échantillons de grains de blé plus fortement contaminés, pour permettre de compléter la base de données.

Ce projet confirme que les sols agricoles conservent de manière indéniable des communautés microbiennes actives et dynamiques capables de dégrader les pesticides. Le manque de données actuel sur les molécules de pesticides rémanentes dans les systèmes de culture est emblématique du manque de recul et de connaissance des sources potentielles de contamination des productions agricoles et de l'environnement.

Enfin, le projet a permis de finaliser une base de données rassemblant toutes les informations quantitatives et descriptives des parcelles et de leur contamination. Cette base de données est liée à une plateforme internet participative(3) qui permet l'interrogation des données et le renseignement d'enquête. De plus, cette plateforme permet de sensibiliser et informer sur les thématiques de contamination via l'élaboration de fiches thématiques et de documents supports sur les contaminants et leur mise à disposition. Elle permet aussi l'échange de données et la diffusion des résultats à l'ensemble des acteurs (agriculteurs, enseignants, chercheurs, instituts techniques...). Une vidéo de présentation de la plateforme a été réalisée(4). Le projet Quasagro a restitué ses travaux lors des 8es Rencontres « Recherche appliquée formation et transfert » du RMT Quasaprove en septembre 2018 à Bordeaux Sciences Agro. Les exposés ont été filmés et sont disponibles sur le site du RMT(5).

(1) Labellisé fin 2008, le réseau mixte technologique (RMT) Quasaprove a pour objectif d'améliorer la situation sanitaire en pré- et post-récolte des grandes productions végétales françaises.(2) Réseau de mesures de la qualité des sols : outil de surveillance des sols à long terme, piloté par le GIS Sol.(3) http://quasaprove.inra.fr(4) http://quasaprove.inra.fr/Files/Video/VideoPresentation.mp4(5) www.quasaprove.org

RÉSUMÉ

CONTEXTE - La problématique de la contamination des récoltes par les éléments-traces ou les mycotoxines, et de la persistance des résidus de pesticides dans les sols, se pose quels que soient le mode de conduite et le type d'agriculture. Il est indispensable de disposer de références techniques et scientifiques pour accompagner les filières dans la gestion des contaminations de leurs cultures en garantissant la qualité et l'innocuité des produits. Il est essentiel de les gérer de manière conjointe afin d'éviter que des solutions pertinentes pour un type de contaminant conduisent à des effets négatifs pour un autre.

ÉTUDE - L'objectif principal du projet Quasagro (2015-2018) était d'affiner la compréhension des niveaux de contamination élevés en mycotoxines, éléments-traces métalliques (ETM) et résidus pesticides des sols agricoles et/ou des productions végétales de grande culture en plein champ, en fonction des pratiques culturales et des facteurs environnementaux.

RÉSULTATS - Le projet Quasagro, s'appuyant sur le réseau de parcelles Quasaprove, a permis de recenser les niveaux de contamination des sols et des cultures en contexte agricole réel, de calculer les flux d'éléments à la parcelle et d'identifier les pratiques conduisant à une accumulation d'ETM dans les sols. Il n'a cependant pas permis de dégager de pratiques « à risques » concernant la contamination des récoltes par les éléments-traces ni de trouver de facteurs explicatifs des niveaux de contamination élevés observés dans les grains et graines récoltées.

MOTS-CLÉS - Éléments-traces métalliques (ETM), mycotoxines, 2,4-D et isoproturon, activité microbienne, labour.

1 - Les suivis réalisés dans le cadre du projet Quasagro

Le projet Quasagro (2015-2018) a étudié l'effet de différents facteurs sur la contamination des sols agricoles et/ou des productions végétales de grandes cultures (Figure 1).

• En analysant l'effet des propriétés pédoclimatiques et des historiques de traitements phytosanitaires sur le potentiel de dégradation des pesticides et sur la biodisponibilité des ETM dans les sols : effet du pédoclimat.

• En caractérisant les résidus de culture vis-à-vis de leur potentiel infectieux sur la fusariose des épis, de leur concentration en résidus de pesticides et de leur effet sur la biodisponibilité des éléments-traces pour une meilleure gestion du risque en amont : effet résidus de culture.

• En intégrant le calcul du flux d'ETM à la parcelle (entrant/sortant) pour évaluer l'impact des intrants sur leur biodisponibilité : effet intrants.

• En étudiant l'effet des apports de matières organiques sur la biodisponibilité des ETM, la persistance de résidus de pesticides : effet matière organique.

Pour mieux comprendre les déterminismes agro-pédologiques des multicontaminations en grande culture, le programme associait une approche sans a priori à une approche expérimentale.

• L'approche sans a priori a permis, en s'appuyant sur le réseau de parcelles du RMT Quasaprove, de recenser les niveaux de contamination du blé tendre, du blé dur et du tournesol (pour les mycotoxines et les ETM) et des sols agricoles (pour les résidus de pesticides et les ETM) cultivés en agriculture conventionnelle et biologique.

• Parallèlement, le projet s'est intéressé aux itinéraires techniques en focalisant le questionnement sur l'effet de l'apport de matières organiques exogènes ou issues du recyclage des résidus de cultures et du passif d'intrants phytosanitaires sur :

- la biodisponibilité des ETM ;

- la rémanence et la biodégradation des pesticides ;

- le potentiel infectieux et la contamination par Fusarium.

• Enfin, il a cherché à comprendre l'effet de paramètres du sol et de paramètres climatiques pour expliquer les observations sur différents sites de la rémanence des résidus de pesticides ou de la diversité de biodisponibilité des éléments-traces. Pour cela, ont été testés sur des sols différents, mais en conditions contrôlées :

- la capacité de biodégradation microbienne des pesticides ;

- l'effet de la dégradabilité des matières organiques, évaluée au travers de l'activité microbienne, sur la dynamique de biodisponibilité des ETM.

Des actions de valorisation et de transfert des connaissances étaient aussi prévues en direction de la profession.

2 - Biodisponibilité des éléments-traces

Pour qu'un élément-trace soit absorbé par un végétal (c'est-à-dire être biodisponible), il doit être libéré de la matrice solide du sol et passer en solution. Des paramètres tels que le pH ou les matières organiques (MO) jouent un rôle primordial : l'acidification des sols accroît la mobilité et biodisponibilité des métaux, alors qu'une augmentation de la teneur en MO va les limiter. Ainsi, l'épandage de produits organiques, particulièrement utilisés en agriculture biologique, conduisant à augmenter la teneur en MO des sols et potentiellement les teneurs en éléments-traces, pourra jouer sur la dynamique des flux d'éléments-traces dans les systèmes de culture. L'effet du précédent cultural a également été mis en évidence, mais la raison n'est pas clairement identifiée : s'agit-il d'un effet sur le pH, sur les propriétés du sol, sur le flux revenant au sol ? Le relargage d'éléments-traces sorbés par les matières organiques particulaires, au cours de leur dégradation (voie microbienne) dans les sols, demeure un processus très débattu. Une chose est sûre : la seule teneur totale en métal dans les sols reste insuffisante pour prédire la concentration accumulée dans les plantes.

3 - Principaux enseignements de Quasagro pour la qualité sanitaire des grains

• Les sols ont des niveaux de contamination comparables au panel des sols agricoles français analysés dans le cadre du Réseau de mesure de la qualité des sols.

• De manière générale, le tournesol et le blé dur présentent des teneurs en éléments-traces plus élevées que le blé tendre.

• Il n'y a pas de relation entre les teneurs dans les végétaux collectés au stade jeune et les teneurs mesurées dans les plantes arrivées à maturité. L'analyse du stade jeune, pour les trois espèces suivies, n'est pas un indicateur précoce du niveau de contamination des récoltes.

• Il n'y a, pour aucun des éléments ni aucun des végétaux testés, de relation proportionnelle entre la teneur en élément-trace dans le sol, et la teneur en éléments-traces dans les végétaux, que ce soit pour le stade jeune ou pour les grains ou les tiges prélevés à la récolte. D'autres facteurs doivent jouer pour expliquer les transferts sol-plante.

• Il n'y a pas de différence entre les parcelles labourées et non labourées, en fonction du type de fertilisation, ou en fonction du précédent ou de l'usage d'un Cipan. Aucune différence n'apparaît non plus entre les parcelles conduites en agriculture biologique ou en agriculture conventionnelle.

• Quelle que soit la culture, le bilan entrées-sorties des éléments-traces est déterminé par le type de fertilisation. L'utilisation répétée de NPK et de fertilisation organique sur plusieurs années induira une accumulation dans les sols. Par exemple, la concentration de cadmium pourrait doubler dans les sols à faible concentration initiale, après 120 ans d'application annuelle d'engrais phosphatés. Toutefois, comme il n'y a pas de relation directe entre la teneur dans le sol et la teneur dans les organes récoltés, la conséquence sur la qualité des récoltes n'est pas avérée.

• La gestion des résidus de culture ainsi que la nature du précédent cultural ont été identifiées comme principaux facteurs du risque DON (déoxynivalénol). La présence dans le sol de résidus de la récolte précédente est déterminante pour la contamination en mycotoxines de la culture céréalière suivante étant donné que les Fusarium sont capables de survie saprophyte.

• Le potentiel de biodégradation microbienne dépend : des molécules (toxicité intrinsèque, capacité d'adsorption au sol), de facteurs pédoclimatiques (type d'argile, matière organique, température et humidité), de facteurs microbiens (biomasse globale et présence de micro-organismes adaptés à certaines molécules (ex. : isoproturon, 2,4-D), des historiques de traitement (IFT et fréquence de traitement).

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : emilie.donnat@acta.asso.fr

LIENS UTILES : www.quasaprove.org

http://quasaprove.inra.fr/Files/Video/VideoPresentation.mp4.

http://quasaprove.inra.fr/

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