Lutte biologique

Les mésanges se nourrissent-elles dans les vergers ?

JEAN-CHARLES BOUVIER*, CLAIRE LAVIGNE*, CÉCILE THOMAS*, RAPHAËL MUSSEAU**, BENOÎT POSS* ET THOMAS DELATTRE* *Inrae PSH - Avignon. **BioSphère Environnement - Mortagne-sur-Gironde. - Phytoma - n°738 - novembre 2020 - page 51

Le suivi par radio-tracking de mésanges charbonnières qui se reproduisent dans les vergers de pommiers permet de vérifier où s'alimentent ces prédateurs potentiels du carpocapse.
Mésange charbonnière équipée d'un émetteur (modèle Pip AG317 Biotrack Ltd) positionné sur son dos grâce à un harnais en caoutchouc placé entre les fémurs. Cet oiseau est prêt à être relâché.  Photos : émetteur : J.-C. Bouvier - Mésange :T. Delattre

Mésange charbonnière équipée d'un émetteur (modèle Pip AG317 Biotrack Ltd) positionné sur son dos grâce à un harnais en caoutchouc placé entre les fémurs. Cet oiseau est prêt à être relâché. Photos : émetteur : J.-C. Bouvier - Mésange :T. Delattre

Fig. 1 : Deux exemples de zones d'alimentation des mésanges charbonnières en vergers de pommiers     Ces zones sont matérialisées par des kernels présentant un dégradé de couleurs allant du rouge (partie de la zone de nourrissage qui est très exploitée par les oiseaux) au bleu (partie la moins exploitée par les oiseaux). Le point blanc sur chaque photo représente le nichoir de la  mésange suivie par radio-tracking. En agriculture biologique, le verger de pommiers fait toujours partie intégrante de la zone d'alimentation des mésanges (A), ce qui n'est pas le cas en agriculture conventionnelle où elles se nourrissent presque exclusivement en dehors des vergers, ici dans une haie (B). Photos : T. Delattre

Fig. 1 : Deux exemples de zones d'alimentation des mésanges charbonnières en vergers de pommiers Ces zones sont matérialisées par des kernels présentant un dégradé de couleurs allant du rouge (partie de la zone de nourrissage qui est très exploitée par les oiseaux) au bleu (partie la moins exploitée par les oiseaux). Le point blanc sur chaque photo représente le nichoir de la mésange suivie par radio-tracking. En agriculture biologique, le verger de pommiers fait toujours partie intégrante de la zone d'alimentation des mésanges (A), ce qui n'est pas le cas en agriculture conventionnelle où elles se nourrissent presque exclusivement en dehors des vergers, ici dans une haie (B). Photos : T. Delattre

Fig. 2 : Paramètres obtenus par radio-tracking permettant de caractériser les zones d'alimentation des mésanges      A. Pourcentages de positions correspondant à des femelles en train de s'alimenter à l'intérieur des parcelles où elles nichent suivant les modes de production.      B. Distances moyennes parcourues depuis leurs nichoirs par les mésanges charbonnières pour aller s'alimenter suivant les modes de production.      C. Surfaces moyennes des zones d'alimentation des mésanges charbonnières suivant les modes de production.      Des lettres différentes indiquent que les résultats sont statistiquement différents.

Fig. 2 : Paramètres obtenus par radio-tracking permettant de caractériser les zones d'alimentation des mésanges A. Pourcentages de positions correspondant à des femelles en train de s'alimenter à l'intérieur des parcelles où elles nichent suivant les modes de production. B. Distances moyennes parcourues depuis leurs nichoirs par les mésanges charbonnières pour aller s'alimenter suivant les modes de production. C. Surfaces moyennes des zones d'alimentation des mésanges charbonnières suivant les modes de production. Des lettres différentes indiquent que les résultats sont statistiquement différents.

Nichoir à mésanges charbonnières dans un verger de pommiers en agriculture biologique. Photo : J.-C. Bouvier

Nichoir à mésanges charbonnières dans un verger de pommiers en agriculture biologique. Photo : J.-C. Bouvier

Fig. 3 : Préférences d'habitat des mésanges charbonnières lors de la recherche de nourriture      Un rang plus élevé indique que l'habitat est sélectionné préférentiellement. Des lettres différentes indiquent que les résultats sont statistiquement différents.

Fig. 3 : Préférences d'habitat des mésanges charbonnières lors de la recherche de nourriture Un rang plus élevé indique que l'habitat est sélectionné préférentiellement. Des lettres différentes indiquent que les résultats sont statistiquement différents.

Fig. 4 : Relation entre la distance des zones de nourrissage des mésanges charbonnières suivies par radio-tracking et leur nombre de jeunes sortis du nichoir

Fig. 4 : Relation entre la distance des zones de nourrissage des mésanges charbonnières suivies par radio-tracking et leur nombre de jeunes sortis du nichoir

En s'appuyant sur le contrôle des ravageurs par des organismes auxiliaires des cultures, la lutte biologique par conservation est une composante de l'agroécologie qui pourrait permettre d'alléger la pression phytosanitaire dans les agroécosystèmes. Les mésanges charbonnières pourraient ainsi faire office d'auxiliaires de protection dans les vergers de pommiers en y consommant surtout des chenilles, mais aussi des adultes de lépidoptères comme le carpocapse.

La pomme, le carpocapse et la mésange

Une lutte contre le carpocapse de plus en plus contraignante

Quel que soit le mode de production, conventionnel ou biologique, la pomiculture se trouve de plus en plus contrainte par les dégâts du carpocapse des pommes (Cydia pomonella) en raison de plusieurs facteurs. La pérennité de la culture favorise une présence ininterrompue des carpocapses pendant plusieurs dizaines d'années. Ce ravageur montre désormais des résistances aux insecticides chimiques et biologiques (Siegwart et al., 2017 ; voir aussi p. 45 dans ce numéro). La modification de la réglementation sur les produits phytopharmaceutiques réduit le nombre de matières actives disponibles en lutte chimique. L'efficacité de la confusion sexuelle des mâles de carpocapse décroit avec l'augmentation des niveaux de population même lorsqu'elle est complémentée d'insecticides chimiques. Enfin, le réchauffement climatique permet une augmentation du nombre de générations annuelles de ce ravageur.

Dans un contexte de distribution (voir encadré ci-contre) et de protection des pommes contraint, la lutte biologique par conservation contre le carpocapse se place comme une méthode complémentaire d'intérêt.

Les mésanges, auxiliaires potentiels des vergers

La mésange charbonnière (Parus major) est un oiseau cavernicole commun en France qui niche dans différents types de milieux, dont les vergers (Géroudet, 1984). Pour se reproduire, cette espèce s'installe très volontiers dans les nichoirs artificiels mis à son intention, d'autant que les cavités naturelles disponibles dans les vieux arbres font défaut, car ceux-ci sont souvent arrachés pour des raisons de sécurité. La mésange charbonnière est un oiseau principalement insectivore, en particulier pendant la période de reproduction. L'essentiel de son régime alimentaire est constitué de larves de lépidoptères (chenilles) qu'elles recherchent dans le feuillage et sous l'écorce des arbres. Appartenant à ce groupe d'insectes, le carpocapse des pommes est donc susceptible d'être consommé au dernier stade larvaire lorsqu'il n'est plus dans les fruits. Les mésanges feraient ainsi office d'auxiliaires de protection des vergers. Pour remplir ce rôle, il faut cependant que les mésanges recherchent leur nourriture au sein même des vergers plutôt qu'en dehors, ce qui reste à ce jour à documenter et confirmer.

Des oiseaux suivis par radio-tracking

Afin de caractériser les zones d'alimentation des mésanges charbonnières dans l'agroécosystème « verger de pommiers », nous avons suivi par radio-tracking des oiseaux se reproduisant dans des nichoirs installés dans des vergers de pommiers conduits en agriculture conventionnelle et biologique dans le sud-est de la France. Le radio-tracking consiste à placer des émetteurs d'ondes radio sur des animaux pour connaître leurs déplacements dans un environnement où le suivi visuel en continu n'est pas possible. C'est donc un outil particulièrement approprié pour déterminer où les mésanges charbonnières recherchent leurs proies dans des milieux très fermés comme les vergers.

Cadre de l'étude

Quatorze femelles dans huit vergers

Cette étude a été réalisée au cours des printemps 2017, 2018 et 2019 dans huit vergers de pommiers situés au nord des Alpilles dans la basse vallée de la Durance (départements des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse). C'est une zone de production de fruits à pépins, essentiellement pommes et poires, où les parcelles cultivées sont généralement entourées de haies brise-vent qui confèrent au paysage un aspect bocager.

Nous avons étudié les déplacements des mésanges dans quatre vergers en production conventionnelle et quatre vergers en agriculture biologique. En production conventionnelle, les maladies sont traitées essentiellement avec des fongicides chimiques. Les insectes phytophages sont également régulés avec des insecticides de synthèse qui ne sont pas sélectifs et souvent associés à la confusion sexuelle des mâles contre le carpocapse. En agriculture biologique, les maladies sont traitées avec des fongicides minéraux, tels que le soufre et le cuivre, et le carpocapse des pommes est contrôlé spécifiquement à l'aide de la confusion sexuelle complémentée du virus de la granulose.

La superficie des parcelles étudiées est d'environ 1 ha. Ces parcelles sont toutes équipées de cinq nichoirs à mésanges posés dans les pommiers. Ces nichoirs sont distants de 30 m les uns des autres et placés en ligne sur une rangée de pommiers située à 20 m d'une haie. Ils sont contrôlés une fois par semaine chaque année de mars à août pour déterminer le succès reproducteur des mésanges charbonnières (nombre de couples nicheurs par hectare, dates des pontes, nombre d'oeufs par ponte, taux d'éclosion, nombres de jeunes à l'envol par couple et par hectare).

Radio-tracking

Les zones de nourrissage des mésanges charbonnières qui se reproduisent dans les nichoirs ont été caractérisées grâce au suivi par radio-tracking de quatorze femelles nichant dans les vergers sélectionnés (sept femelles en agriculture conventionnelle et sept femelles en agriculture biologique). Pour cela, nous les avons capturées dans les nichoirs lorsque leurs poussins étaient âgés de dix jours afin d'éviter tout risque d'abandon. Nous les avons ensuite équipées d'un émetteur d'ondes radio positionné sur leur dos à l'aide d'un harnais (photo p. 51) et relâchées sur place le plus rapidement possible. Après une période d'adaptation à leur équipement de 24 heures, deux observateurs ont suivi les déplacements des oiseaux sur leurs zones d'alimentation grâce à des récepteurs, couplés à des antennes directionnelles, et des compas magnétiques. Nous avons ainsi pu déterminer la position des oiseaux qui correspond au point d'intersection des directions obtenues simultanément par les deux observateurs. Le suivi des mésanges équipées s'est déroulé pendant trois jours consécutifs, en prenant soin de localiser aussi souvent que possible les zones où chaque oiseau recherchait des insectes après chaque nourrissage des jeunes. Le suivi terminé, les oiseaux ont de nouveau été capturés dans les nichoirs afin de leur retirer les émetteurs et de les relâcher.

Caractérisation du paysage

Afin d'identifier les différents types d'habitats utilisés par les mésanges pour rechercher des proies, le paysage a été caractérisé dans un rayon de 400 m autour des nichoirs colonisés par les quatorze femelles suivies. Cette surface est plus grande que la plupart des zones d'alimentation de ces oiseaux. L'occupation du sol dans ces surfaces a été numérisée à l'aide d'un système d'information géographique, de photos aériennes et d'enquêtes de terrain. Nous avons ensuite analysé quels habitats étaient préférentiellement choisis par les mésanges parmi ceux qui se trouvaient autour de leur nichoir.

Des résultats différents selon la conduite du verger

Des ressources suffisantes en verger bio

En agriculture biologique, le radio-tracking a montré que les mésanges recherchent leur nourriture majoritairement à l'intérieur de la parcelle de pommiers où elles nichent, et minoritairement à l'extérieur (Figure 1, Figure 2A). C'est l'inverse en agriculture conventionnelle où les mésanges prospectent davantage à l'extérieur de la parcelle où elles nichent (Figure 1, Figure 2A). Cela suggère qu'il y a suffisamment de nourriture pour subvenir aux besoins de ces oiseaux insectivores dans les vergers en agriculture biologique, et que ces ressources sont insuffisantes dans les vergers en production conventionnelle. Cette hypothèse est confirmée par la distance moyenne parcourue entre les nichoirs et les zones d'alimentation, qui est deux fois plus grande en production conventionnelle qu'en agriculture biologique (Figure 2B). On peut penser que cela représente un surcoût énergétique non négligeable pour des oiseaux qui ne transportent qu'une seule proie à la fois et dont la fréquence de nourrissage des nichées atteint en moyenne trente becquées par heure (Naef-Daenzer et Keller, 1999), 9 heures par jour pendant 18 jours en moyenne (Géroudet, 1984).

Un critère de sélection : la densité de larves dans les arbres

Alors que le mode de conduite des vergers influence directement les distances parcourues pour la recherche de proies, les surfaces des zones utilisées par les mésanges des deux modalités sont en revanche similaires entre production conventionnelle et agriculture biologique, soit 1,5 ha en moyenne (Figure 2C). Cela laisse supposer que ces oiseaux exploitent pour se nourrir des habitats où les densités d'insectes dont ils ont besoin sont les mêmes, et que le paysage étudié offre de telles zones à la périphérie et non au sein des parcelles conventionnelles. La caractérisation de l'occupation du sol autour des nichoirs a permis d'identifier les habitats sélectionnés par les mésanges pour s'alimenter. Ce choix est conditionné par au moins deux facteurs. Le premier facteur est une forte abondance d'insectes d'une taille adéquate, en particulier de larves de lépidoptères, pour maintenir une balance énergétique positive entre le gain de nourriture et le coût de sa recherche (Ricklefs et Miller, 2005). Le deuxième facteur est la disponibilité de ces larves précisément dans les arbres qui constitue le terrain de chasse de prédilection des mésanges charbonnières. L'analyse des espaces exploités par les mésanges a montré que ce sont les vergers en agriculture biologique, incluant pommiers, poiriers, oliviers puis les haies brise-vent, qui répondent préférentiellement à ces exigences écologiques. En effet, ces milieux ont été exploités en premier lieu par les mésanges pour s'alimenter, devant les autres habitats dont les vergers conventionnels (Figure 3).

Une mortalité des jeunes oiseaux dans les vergers conventionnels

Parallèlement au suivi des femelles par radio-tracking, le succès reproducteur de l'ensemble des couples de mésanges charbonnières qui ont niché dans les huit vergers de pommiers a été étudié. Les nombres moyens de poussins qui ont pris leur envol par couple et par parcelle sont respectivement trois et quatre fois plus faibles dans les vergers conventionnels que dans les vergers en agriculture biologique (tableau ci-contre). Cette différence significative s'explique par une plus forte mortalité des jeunes au nid avant l'envol dans les vergers de pommiers conventionnels, les autres composantes du succès reproducteur étudiées (nombre de couples à l'hectare, nombres d'oeufs et taux d'éclosion) n'étant pas différentes entre les deux modalités.

Chez les mésanges, les périodes de ponte sont déterminées par des facteurs génétiques (Blondel et al., 1990) et environnementaux tels que la température, l'abondance et les stades de développement des insectes (Naef-Daenzer et Keller, 1999). Il en résulte une synchronisation entre les périodes d'éclosion des poussins et l'abondance des larves de lépidoptères dont ils ont besoin. Ces périodes coïncident également avec les premiers risques de dégâts sur fruits des carpocapses et les traitements insecticides associés. En agriculture biologique, les traitements contre ce ravageur s'appuient sur des produits très sélectifs, tels que le virus de la granulose et la confusion sexuelle des mâles, qui ne semblent pas avoir d'impact négatif sur les mésanges charbonnières. En effet, leur succès reproducteur en agriculture biologique est comparable à celui observé dans les milieux naturels sans pesticide. Dans les vergers en production conventionnelle, le carpocapse est aussi régulé à l'aide de la confusion sexuelle, mais qui reste complémentée de traitements insecticides chimiques avec des produits neurotoxiques à large spectre d'action, et de ce fait à fort impact environnemental. Ces produits sont connus pour affecter les oiseaux par leurs effets directs (toxicité par contact), et indirects par une raréfaction des insectes qui sont les proies des oiseaux (Walker, 2002). Chaque printemps, des nichées mortes ont été trouvées à plusieurs reprises dans les vergers en production conventionnelle à la suite de traitements insecticides, ce qui confirme le potentiel de toxicité directe de ces produits comme par exemple ceux qui appartiennent à la famille chimique des néonicotinoïdes (Li et al., 2020). Par ailleurs, nous avons mis en évidence une corrélation négative entre les distances effectuées par les quatorze femelles suivies par radio-tracking et le nombre de jeunes qu'elles ont engendrés (Figure 4). Cela signifie que les femelles qui ont dû se déplacer plus loin pour collecter des proies (cas de la plupart des femelles en parcelles conventionnelles) ont aussi eu plus de difficultés à nourrir leurs jeunes (effet indirect des insecticides). Les résultats présentés dans cette étude peuvent donc s'expliquer par ces deux types d'impacts des pesticides sur le comportement et la reproduction des mésanges charbonnières en période de nidification.

Mieux connaître le contrôle des larves par les oiseaux

Dans cette étude, les habitats exploités par les mésanges charbonnières pour s'alimenter sont préférentiellement les vergers en agriculture biologique, quelle que soit la culture (pommier, poirier, olivier), puis les haies brise-vent. Ces résultats sont bien tranchés malgré le relativement faible nombre d'oiseaux suivis. L'absence de traitements insecticides chimiques dans ces milieux est à la faveur des communautés d'arthropodes qui les peuplent, dont l'abondance et la diversité sont une source de nourriture majeure pour les mésanges charbonnières et un grand nombre d'espèces d'oiseaux. En comparant ces deux modes de production de pommes en basse vallée de la Durance, les travaux suggèrent que les vergers en agriculture biologique sont les habitats à privilégier pour l'installation de nichoirs utilisables par les mésanges charbonnières. Ils semblent effectivement être en mesure de répondre aux exigences écologiques de cette espèce et de lui assurer des succès reproducteurs équivalents à ceux estimés dans des milieux naturels. Les vergers conventionnels sont au contraire à déconseiller compte tenu du risque de mortalité important des poussins.

En installant des nichoirs pour des oiseaux insectivores qui manquent généralement de cavités naturelles pour se reproduire, il est possible de favoriser leur présence au sein de vergers dans lesquels ils peuvent jouer le rôle d'auxiliaire de protection des cultures contre les insectes ravageurs. Cela concerne a fortiori la mésange charbonnière qui consomme essentiellement des larves de lépidoptères, dont celles du carpocapse des pommes dans les vergers (Mols et Visser, 2007). Nous projetons à présent de disposer des caméras dans les nichoirs pour identifier les proies apportées au nid par les oiseaux et pour évaluer le niveau de prédation exercé par les mésanges charbonnières sur les populations d'insectes ravageurs des vergers de pommiers. Ces nouvelles connaissances permettront de préciser le service de contrôle des ravageurs que ces oiseaux insectivores peuvent rendre dans ces agroécosystèmes.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Les vergers de pommiers nécessitent un nombre important de traitements en particulier contre le carpocapse. Les mésanges charbonnières qui consomment essentiellement des lépidoptères pourraient faire office d'auxiliaires de protection contre ce ravageur à condition que les vergers de pommiers fassent partie de leurs zones de nourrissage.

ÉTUDE - Afin de caractériser les zones d'alimentation des mésanges charbonnières se reproduisant dans des nichoirs installés dans des vergers, quatorze femelles ont été suivies par radio-tracking (émetteurs d'ondes radio placés sur les animaux). L'étude a été menée au cours des printemps 2017, 2018 et 2019 dans huit vergers de pommiers en agriculture biologique (AB) et conventionnels situés dans le sud-est de la France.

RÉSULTATS - Les mésanges qui nichent dans des vergers en AB recherchent leur nourriture majoritairement à l'intérieur de la parcelle de pommiers où elles nichent. En agriculture conventionnelle, les mésanges sortent des parcelles où elles se reproduisent pour se nourrir ; le trajet des oiseaux pour aller se nourrir est deux fois plus important (environ 100 m en moyenne) qu'en AB, mais les surfaces des zones de nourrissage prospectées sont identiques (1,5 ha en moyenne). Les vergers en AB de pommier, poirier et olivier, puis les haies brise-vent sont les habitats choisis préférentiellement par les mésanges pour se nourrir. Par ailleurs, le succès reproducteur des oiseaux en termes de jeunes à l'envol par couple et celui par hectare sont respectivement trois et quatre fois plus faibles en production conventionnelle qu'en AB. L'installation de nichoirs pour les mésanges charbonnières est à favoriser dans les vergers de pommiers en AB où elles pourraient jouer le rôle d'auxiliaire de protection des cultures contre les insectes ravageurs. L'installation en vergers conventionnels est au contraire à déconseiller.

MOTS-CLÉS - Vergers de pommiers, modes de production, mésange charbonnière, radio-tracking.

Une tolérance zéro vis-à-vis de dégâts sur pomme

Les vergers de pommiers sont des agroécosystèmes intensifs qui nécessitent un nombre important de traitements dirigés essentiellement contre deux maladies cryptogamiques, la tavelure (Venturia inaequalis) et l'oïdium (Podosphaera leucotricha), et contre deux insectes ravageurs, le carpocapse des pommes (Cydia pomonella) et le puceron cendré (Dysaphis plantaginea). En France, ces vergers reçoivent en moyenne 36,3 traitements chaque année, dont 63 % de fongicides et 25 % d'insecticides (Agreste 2019). Cette situation s'explique en partie par la quasi-absence de tolérance de la distribution et du consommateur vis-à-vis des dégâts sur les fruits, et en particulier des piqûres de carpocapses sur les pommes qui ne sont alors pas commercialisables.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT :

jean-charles.bouvier@inrae.fr

BIBLIOGRAPHIE : - Agreste 2019, Statistique agricole annuelle ; Agreste chiffres données 4: 5-64.

- Blondel J., Perret P., Maistre M., 1990, On the genetical basis of the laying date in an island population of blue tit, J Evol Biol 3: 469-475.

- Géroudet P., 1984, Les Passereaux d'Europe, tome II : des mésanges aux fauvettes, La mésange charbonnière Parus major L. p. 14-22. Delachaux & Niestlé, Neuchâtel, Suisse.

- Li Y., Miao R., Khanna M., 2020, Neonicotinoids and decline in bird biodiversity in the United States. Nat. Sustain. doi.org/10.1038/s41893-020-0582-x.

- Mols CM, Visser M. E., 2007, Great Tits (Parus major) reduce caterpillar damage in commercial apple orchards, PLoS One 2: e202. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0000202

- Naef-Daenzer B. et Keller L. F., 1999, The foraging performance of great and blue tits (Parus major and P. caeruleus) in relation to caterpillar development, and its consequences for nestling growth and fledging weight, Journal of Animal Ecology 89: 708-718.

- Ricklefs R. E., Miller G. L., 2005, Ecologie, De Boeck Université, Bruxelles.

- Siegwart M., Graillot B., Crabos L., Besse S., Feber-Lopez M., 2017, Résistance du carpocapse au virus de la granulose, Phytoma 708, p. 44.

- Walker C. H., 2002,Neurotoxic pesticides and behavioral effects upon birds, Ecotoxicology 12:307-316.

REMERCIEMENTS

Nous remercions tous les arboriculteurs qui ont mis leurs parcelles de pommiers à disposition pour conduire ces travaux. Nous tenons également à remercier la direction scientifique « Environnement » d'Inrae pour son soutien financier et le Centre de recherches sur la biologie des populations d'oiseaux du Muséum national d'histoire naturelle de Paris qui nous a délivré les autorisations sans lesquelles nous n'aurions pu conduire ce projet. Nous remercions également Philippe Perret du CNRS/CEFE de Montpellier pour son aide technique précieuse et Thomas Boivin pour ses commentaires pertinents.

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