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dossier - Bonnes pratiques phytosanitaires

Des gants aux adjuvants, tout est dans la manière

Marianne Decoin* - Phytoma - n°626 - octobre 2009 - page 26

Qu'il s'agisse d'EPI ou de couples buses/adjuvants, certains outils ne sont utiles qu'avec leurs bonnes pratiques d'utilisation
S-Protec (ph. Syngenta)

S-Protec (ph. Syngenta)

Le port des gants est une bonne pratique... à certaines conditions ! Choix du modèle d'abord : il faut des gants nitriles comme ceux ci-dessus. Mais ce n'est pas tout. ph. Tecnoma

Le port des gants est une bonne pratique... à certaines conditions ! Choix du modèle d'abord : il faut des gants nitriles comme ceux ci-dessus. Mais ce n'est pas tout. ph. Tecnoma

Ci-contre, une photo extraite du guide d'accompagnement de l'opération « gestes pro » de Bayer CSF.      Extraits de sa légende :      « Laver les gants avant de les enlever. »      « Si les gants ne sont pas lavés, les produits pénétreront doucement à l'intérieur des gants et pourraient contaminer les mains. »      « Laver les gants en position debout pour éviter que l'eau contaminée ne rentre à l'intérieur. » ph. Bayer CropScience France

Ci-contre, une photo extraite du guide d'accompagnement de l'opération « gestes pro » de Bayer CSF. Extraits de sa légende : « Laver les gants avant de les enlever. » « Si les gants ne sont pas lavés, les produits pénétreront doucement à l'intérieur des gants et pourraient contaminer les mains. » « Laver les gants en position debout pour éviter que l'eau contaminée ne rentre à l'intérieur. » ph. Bayer CropScience France

L'usage de buses anti-dérive durant le traitement est-il une bonne pratique pour l'environnement ? Oui... s'il n'entraîne pas de ruissellement au sol, c'est-à-dire s'il ne remplace pas la pollution à côté du champ par celle du sol du champ (même si ce dernier a un rôle épurateur).

L'usage de buses anti-dérive durant le traitement est-il une bonne pratique pour l'environnement ? Oui... s'il n'entraîne pas de ruissellement au sol, c'est-à-dire s'il ne remplace pas la pollution à côté du champ par celle du sol du champ (même si ce dernier a un rôle épurateur).

Après les bonnes pratiques phytosanitaires d'avant le traitement, les moyens à leur service et leur réglementation, voici des pratiques à initier tout juste avant le traitement pour continuer pendant voire après. Et là, le fait d'utiliser des moyens ne suffit pas. Il faut aussi bien les utiliser. Deux exemples : le port des équipements de protection individuelles (EPI) pour la sécurité des applicateurs, et les outils anti-dérive (buses, adjuvants) pour la préservation de l'environnement. Plaidoyer pour les bonnes pratiques... d'utilisation de ces outils de bonnes pratiques.

La dernière fois qu'un dossier de Phytoma consacré aux bonnes pratiques phytosanitaires comportait un article sur les EPI, équipements de protection individuelles, c'était en 2003 (1). Et depuis, quasiment rien. Par un fait exprès.

En effet, la conviction de l'auteur(e) de ces lignes est que « le port d'EPI n'est pas, en lui-même et à lui seul, une bonne pratique »... Provocation de journaliste ? Pas tant que cela.

D'abord parce que des praticiens de la sécurité écoutés avec attention et des études sérieuses ne disent pas autre chose (2). Ensuite parce qu'il faut ajouter : «... à moins de mettre en œuvre des bonnes pratiques d'utilisation de ces mêmes EPI ». Alors, plutôt que de vanter tel ou tel type d'EPI, parlons des pratiques associées.

Pourquoi les EPI ne sont pas la panacée

Le sentiment de sécurité peut être un piège

Quand un agriculteur utilise un produit phyto, en général il a conscience de ne pas manipuler une savonnette. Mais s'il porte des gants, une combinaison, des bottes, des lunettes, a fortiori un masque, il se sent protégé. Ce sentiment de sécurité peut être un piège : il entraîne le risque de faire moins attention même si l'EPI, pour diverses raisons, ne protège pas tant que ça... et de se retrouver plus contaminé qu'attendu !

Quelques exemples à ne surtout pas suivre

Voici quelques exemples à ne pas suivre :

– des gants mal choisis ; s'ils sont perméables à l'eau et/ou aux substances actives et solvants, cas des gants en coton, laine et même cuir, ils ont tout faux ;

– des EPI (gants, combinaisons, bottes) en mauvais état : s'ils sont déchirés mais aussi usés, imbibés et chimiquement attaqués, la bouillie voire le produit concentré entrent en contact avec la peau et y mijotent bien au chaud ;

– des gants mal portés... alors, dessus ou dessous la manche de la combinaison ? Aux dernières nouvelles, dessus mais avec un rabat formant gouttière ;

– des combinaisons souillées en préparant la bouillie puis portées trop longtemps après, la plupart deviennent perméables aux produits peu de temps après avoir été imbibées (3) ;

– des EPI (gants, bottes ou combinaison) portés au mauvais endroit ; par exemple dans une cabine de tracteur fermée s'ils ont été souillés lors de la préparation de la bouillie ou d'une réparation en cours de traitement ;

– des gants, bottes ou combinaisons mal lavés ou pas lavés après le traitement précédent (Ah ! Les hommes !), et remis sales ;

– un masque à cartouche filtrante périmée ou saturée ;

Sans compter les EPI très performants si on les portait... mais pas confortables (masque estimé trop lourd, etc.) Donc, tout simplement, pas portés.

Face à cela, quelques exemples de solutions.

Quelques solutions

Bayer CSF ne prend pas de gants, il les donne

Certaines sociétés fabricantes de produits phytos ont décidé d'offrir ou de promouvoir des équipements bien choisis. Ainsi Bayer Crop-Science France, qui gère les Phytobacs depuis des années (voir p. 36), a lancé au printemps 2009 une opération pilote sur les « gestes pro » en arboriculture. Elle insiste sur le port des gants pendant la préparation de la bouillie et le remplissage du pulvérisateur.

La société explique qu'à ce moment-là, 90 % des contaminations ont lieu par les mains et que le port des gants permet de diminuer de 95 % ces contaminations. Mais à condition qu'il s'agisse de bons gants bien choisis, bien portés, bien enlevés et bien entretenus.

Bien choisis : elle fait distribuer par une vingtaine de ses distributeurs 3 200 paires de gants nitriles : la matière et la forme sont adaptées à la manipulation des produits phytos.

Bien portés, bien enlevés, etc. : chaque paire est accompagnée d'une fiche laissée à chaque agriculteur ; pour les curieux, c'est la publicité en p. 25. La rédaction de Phytoma encourage sa lecture et autorise sa reproduction ! Du reste, Bayer CSF en re-fabrique à la demande de ses distributeurs.

De plus, cette fiche existe aussi en affichette format A3 (double page) à punaiser dans le ou à côté du local phyto, et un dossier technique d'accompagnement de 20 pages est fourni aux distributeurs. La prochaine opération « gestes pro » est prévue sur les combinaisons.

Syngenta « stewardshipe » en tablier

L'autre géant de l'industrie phyto, à savoir Syngenta Agro, rassemble ses activités liées aux bonnes pratiques dans sa division Stewardship.

Rien à voir avec le transport aérien. Quoique... un peu comme le steward dorlotant le voyageur, il s'agit bien de service d'accompagnement. Il se préoccupe de gérer les effluents (voir p. 36) mais aussi d'emballages : il a mis au point pour les produits liquides un modèle dit S-Pac, certifié mais pas breveté (on peut l'imiter) qui minimise les risques de débordement et éclaboussures lors de la préparation de la bouillie.

Et, donc, il s'occupe d'EPI. Il travaille ainsi sur un tablier de préparation de la bouillie nommé S-protec. L'idée découle de deux constats :

– pendant cette préparation, il est souhaitable de mettre des EPI à enlever ensuite avant de traiter afin de ne pas contaminer la cabine ni se contaminer par perméation ; il est facile d'ôter ses gants sitôt la bouillie prête, mais les combinaisons risquent d'être gardées (« s'il faut se changer toutes les 10 mn... ») ou encore pas mises du tout (« je ne vais pas porter un vêtement complet par dessus les autres, on ne peut pas remuer, il fait chaud... ») ;

– les contaminations qui ne passent pas par les mains ont lieu à l'avant du corps, entre gants, col et bottes ; une combinaison totale n'est pas indispensable à ce moment-là.

D'où l'idée d'un tablier de forme adaptée c'est-à-dire muni de manches. Comme ce n'est pas un vêtement fermé, on n'a pas le même impératif de souplesse et de finesse « façon tissu » que pour les combinaisons qui ne sont pas portées si elles ne sont pas confortables. Ce tablier est donc taillé dans un matériau spécifiquement testé vis-à-vis d'une large palette de formulations.

Ce tablier, déjà nommé S-protec, est officiellement homologué... Une AMM ? Non, ce n'est pas une autorisation de mise sur le marché donnée par le ministère chargé de l'Agriculture ! Il s'agit, citons le site de Syngenta, d'une « attestation d'examen CE de type PB contre les projections de produits chimiques liquides de type phytopharmaceutiques ». Cette attestation a été délivrée par l'IFTH, Institut français du textile et de l'habillement, habilité pour ce faire par le ministère chargé du Travail. Le tablier sera bientôt disponible chez des distributeurs.

Axe Environnement, tablier aussi, entre autres EPI

Une autre société, PME celle-ci, propose également des tabliers de préparation de bouillie. Il s'agit d'Axe Environnement, spécialisée dans les équipements de sécurisation des postes de remplissage et de lavage de pulvérisateurs, elle aussi citée p. 36 à propos de traitement des effluents, l'Osmofilm en l'occurrence. Elle propose désormais une « blouse de préparation phytosanitaire », elle aussi à manches et facile à mettre, fermer et enlever.

Cet équipement fait partie de la nouvelle gamme d'EPI proposée par la société depuis début 2009. Y figurent bien entendu des gants, nitrile comme il se doit, des combinaisons, bottes chimiques, lunettes, masques et même des casquettes ventilées, plus des rince-œil, douchettes d'urgence et armoires vestiaires.

Car, rappelons-le, les EPI neufs (ou bien lavés pour ceux à usages multiples) ne doivent pas être stockés dans le local phytosanitaire lui-même mais dans un lieu à part.

Et les EPI usagés ? Adivalor réfléchit à leur récupération mais ce n'est pas encore au point.

Après la sécurité des utilisateurs, parlons maintenant d'environnement avec la lutte contre la dérive.

Buses et adjuvants, la dérive en question

Décrypter la loi

On sait que celle-ci est source de pollution des eaux voire de l'air. Voyons « ce que dit la loi ». La réglementation française reconnaît en effet des moyens anti-dérive dans deux cas distincts qui pourraient se recouper.

Certains adjuvants reconnus anti-dérive dans leur AMM

D'abord, par le biais des autorisations de mise sur le marché (AMM) des adjuvants. Ce sont des « produits phytopharmaceutiques et assimilés », précisément des « assimilés ». Ils ne prétendent pas avoir d'effet phytopharmaceutique si on les utilise seuls mais ils améliorent d'une façon ou d'une autre l'effet des spécialités phytos auxquelles on les associe. Ils peuvent avoir des utilités variées et la plupart d'entre eux ne les ont pas toutes.

Ces fonctionnalités possibles sont :

– l'amélioration de la qualité de la bouillie (dit parfois « effet dispersant »),

– celle de la qualité de pulvérisation,

– celle de la rétention sur le végétal,

– celle de l'étalement sur le même végétal,

– la réduction du lessivage (certains parlent d'effet « fixant », « fixateur » voire « collant » ou encore « anti-rebond »),

– celle de la dessiccation (effet « humectant »),

– l'amélioration de la pénétration.

L'effet « limitation de dérive », qui fait partie de l'amélioration de la qualité de pulvérisation, est nommément signalé dans certains cas.

Les buses reconnues, ou plutôt les couples buses-conditions

L'autre reconnaissance légale de rôle anti-dérive est l'inscription par le ministère chargé de l'Agriculture sur une liste de moyens anti-dérive permettant de diviser par trois l'ampleur de la dérive. Cela permet de diminuer la ZNT des produits appliqués sans risque pour l'environnement, donc facilite le respect des ZNT qui peut être un casse-tête en pratique.

L'an dernier (4), 83 couples buses anti-dérive/conditions d'utilisation étaient déjà reconnus. Depuis lors, des avis ont été donnés par le CEMAGREF sur d'autres couples avec des nouveaux modèles de buses améliorés, mais le 2 octobre, aucune reconnaissance officielle n'avait encore été donnée.

Il faut insister sur un point : ce ne sont pas des buses en elles-mêmes qui sont reconnues mais bien des couples buses-conditions d'utilisation. Ces dernières sont surtout des plages de pression, parfois des orientations. Les vendeurs ont la liste.

Buses et adjuvants anti-dérive, ensemble ou séparément ?

Et là se posent deux questions.

D'abord : si on a un jeu de buses anti-dérive, est-ce qu'on a intérêt à utiliser quand même un adjuvant ? La réponse se donne au cas par cas, et elle peut être oui.

Adjuvants plus buses, parfois c'est oui

En effet, les buses anti-dérive tendent à augmenter le volume des gouttes de pulvérisation car plus ces dernières sont fines, plus elles risquent de voler au vent. Ces buses sont donc souvent accusées de poser un problème pour les traitements sur végétation en place : celui du rebond et du ruissellement depuis les végétaux jusqu'au sol où le produit sera perdu.

Dans ces cas-là, on peut recommander des adjuvants à effets officiellement reconnus de rétention, étalement et/ou lutte contre le lessivage (les fabricants parlent d'effet anti-rebond).

Tant mieux s'ils améliorent la pénétration par la même occasion (cas de l'association huile de pin/acides gras végétaux de l'Actilandes TM ou du triglycéride éthoxylé d'origine végétale du tout nouveau Cantor).

Cela peut dépendre aussi du volume d'eau. Michel Flament, de la société A2D, précise : « Notre adjuvant pour bouillie herbicide Phyteco est particulièrement apprécié avec les buses à induction d'air dès que le volume de pulvérisation est inférieur à 130 l/ha. Dans ces cas-là, il améliore grandement l'efficacité des produits. » En clair, cet adjuvant, qui associe la triéthanolamine et un polymère complexe d'éthylène et de propylène, compense la baisse d'efficacité reprochée aux buses anti-dérive pour des pulvérisations à bas volume.

Et à plus grand volume, l'adjuvant n'agit-il plus ? Bien sûr que si ! Mais à ces volumes, l'efficacité avec ces buses est suffisante sans adjuvant.

Adjuvants plus buses, parfois c'est non... quoique...

Deuxième question : est-ce que l'on peut utiliser simultanément des buses anti-dérive et des adjuvants autorisés comme limiteurs de dérive ? La réponse se donne au cas par cas car elle peut souvent être non. La question est donc à poser lors de l'achat du jeu de buses et/ou de l'adjuvant.

Par exemple, M. Flament précise encore : « Notre adjuvant Biofix est rétenteur adhésif avec un effet anti-rebond ; même s'il n'est pas reconnu comme anti-dérive sur l'AMM, il joue bien ce rôle-là. »

Mais si on a déjà des buses anti-dérive, l'utilisation de cet adjuvant a-t-elle encore un intérêt ? « Absolument ! Mais pas pour des questions de dérive. Ce produit est rétenteur, nous disons même adhésif. Il est particulièrement intéressant avec les produits de contact car il s'oppose au phénomène de lessivage redouté avec ces produits. »

C'est particulièrement intéressant en agriculture biologique pour laquelle cet adjuvant est autorisé. En effet de nombreux produits phytos utilisés en « bio », notamment le soufre et les produits cupriques (bouillie bordelaise, etc.), sont précisément des produits de contact.

Mais cela peut intéresser les conventionnels aussi : eux aussi utilisent des « contacts ».

Quoi qu'il en soit et comme pour le port des EPI, l'utilisation des buses et adjuvants limiteurs de dérive est une bonne pratique phytosanitaire si, et seulement si, on met en œuvre des bonnes pratiques de leur utilisation !

<p>* Phytoma.</p> <p>(1) Article <i>Moyens de protection de l'applicateur</i>, p. 31 à 33 de <i>Phytoma</i> n° 560, mai 2003, dans le dossier <i>Produits phytosanitaires, Réglementation et Bonnes pratiques</i> signé par la CIETAP (Commission interprofessionnelle des techniques d'application des produits phytosanitaires) de l'AFPP (Association française de protection des plantes).</p> <p>(2) Et (3) Alain Garrigou, Isabelle Baldi &amp; Philippe Dubuc, 2008 - <i>Apports de l'ergotoxicologie à l'évaluation de l'efficacité réelle des EPI devant protéger du risque phytosanitaire : de l'analyse de la contamination au processus collectif d'alerte.</i> Cette étude a notamment établi le fait que la plupart des combinaisons étaient perméables aux produits phytos au bout de quelque temps. Elles pouvaient jouer un rôle de barrière temporaire durant la phase de préparation de la bouillie, mais ensuite, si on les gardait tout au long d'un traitement, la perméation avait lieu donc la contamination de la peau.</p> <p>(4) Article <i>« Au champ, quelques outils des bonnes pratiques »</i>, p. 32 à 37 du dossier Bonnes pratiques dans Phytoma n° 614 d'avril 2008.</p>

Résumé

Les bonnes pratiques phytosanitaires ne se limitent pas à l'utilisation d'outils de ces bonnes pratiques mais comprennent leurs propres bonnes pratiques d'utilisation.

C'est le cas en particulier, pendant la préparation immédiate du traitement et durant celui-ci, pour le port des EPI et l'utilisation de moyens anti-dérive.

Concernant les EPI, des exemples sont donnés de choix ou d'utilisations inadaptés diminuant la sécurité des applicateurs au lieu de l'augmenter. Sont donnés aussi des exemples de bonnes pratiques de choix et d'utilisation des gants et tabliers de protection.

Concernant les buses et adjuvants, sont rappelées les reconnaissances officielles. La question de leur choix et de leur association ou non est évoquée.

Mots-clés : bonnes pratiques phytosanitaires, environnement, sécurité des applicateurs, EPI (équipements de protection individuelle), gants, combinaison, tablier de protection, dérive, buses, adjuvants.

Cet article fait partie du dossier Bonnes pratiques phytosanitaires

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