Retour

imprimer l'article Imprimer

dossier - Les quatre chemins du biocontrôle

Une bactérie contre Botrytis chez la vigne

ESSAID AIT BARKA*, STÉPHANE COMPANT*, CÉDRIC JACQUARD*, LISA SANCHEZ*, SOPHIE BORDIEC*, STEPHAN DOREY*, FABIENNE BAILLIEUL* ET CHRISTOPHE CLÉMENT* - Phytoma - n°662 - mars 2013 - page 18

Burkholderia phytofirmans souche PsJN donne des résultats prometteurs et devient ainsi un espoir sérieux contre la pourriture grise.
Fig. 2 : Boutures fructifères.      Elles (ph. 1) retracent le développement reproducteur (ph. 2 à 7) complet de la vigne et permettent d'expérimenter tout au long de l'année sur les interactions avec la pourriture grise. Photos : Univ. Reims

Fig. 2 : Boutures fructifères. Elles (ph. 1) retracent le développement reproducteur (ph. 2 à 7) complet de la vigne et permettent d'expérimenter tout au long de l'année sur les interactions avec la pourriture grise. Photos : Univ. Reims

La lutte biologique consiste à utiliser un organisme vivant pour protéger les cultures contre les ravageurs. Dans cet article, nous vous présentons comment la bactérie Burkholderia phytofirmans souche PsJN pourrait être utilisée pour lutter contre Botrytis cinerea, agent de la pourriture grise chez la vigne.

Burkholderia phytofirmans souche PsJN, un peu d'histoire

Cet agent de lutte biologique a déjà fait ses preuves sur plantes herbacées

La bactérie Burkholderia phytofirmans souche PsJN a été isolée en 1991 de la racine d'oignon par des chercheurs canadiens. La présence de cette bactérie dans la plante lui confère une résistance aux maladies fongiques, sans qu'il y ait besoin d'autres traitements phytosanitaires.

Depuis, l'efficacité de cette bactérie a été démontrée pour la culture au champ de plusieurs plantes herbacées : tomate, pomme de terre, concombre, pois chiche, pastèque, riz et maïs. En outre, la présence de B. phytofirmans souche PsJN dans ces plantes n'est visiblement pas incompatible avec leur consommation.

Il était donc légitime de s'interroger quant à la pertinence de tester cette bactérie sur une plante pérenne comme la vigne.

Premiers essais sur la vigne

À la fin des années 90, notre laboratoire s'est engagé dans l'étude du potentiel de cette bactérie en matière de protection de la vigne contre Botrytis cinerea, agent de la pourriture grise. Les premiers essais au laboratoire ayant été concluants, la suite du travail a consisté à comprendre les effets de cette bactérie chez la vigne lors de l'interaction entre la plante et son parasite.

Une bactérie bien connue

Une bactérie flagellée endophyte

Burkholderia phytofirmans souche PsJN est une bactérie gram négative non sporulante pourvue d'un flagelle unique, donc mobile dans l'eau du sol. Elle produit des homosérine lactones, molécules impliquées dans la colonisation racinaire des plantes.

Elle peut survivre dans le sol mais elle saisit toute occasion de pénétrer dans les plantes où elle trouve un environnement favorable à son développement, sans affecter pour autant le fonctionnement de la plante hôte. Ce caractère endophyte en fait un microorganisme particulièrement intéressant en matière de lutte biologique.

Une souche présente en Europe

Burkholderia phytofirmans souche PsJN a été en premier lieu identifiée dans les sols du continent nord-américain. Introduire un micro-organisme dans le sol européen posait donc question quant à un déséquilibre éventuel de la flore microbienne du sol.

Toutefois, elle a été identifiée récemment dans les sols en Italie, aux Pays-Bas, en Belgique et en Allemagne. Son utilisation potentielle au vignoble n'est donc plus un problème dans la mesure où elle est déjà présente à l'état naturel en Europe.

Un génome séquencé

Compte tenu de ses effets sur les plantes cultivées, B. phytofirmans souche PsJN fait l'objet d'un intérêt croissant, aussi bien de la communauté scientifique internationale que des acteurs de l'agriculture raisonnée, notamment dans le cadre du plan Ecophyto. Cet engouement a conduit au séquençage complet du génome de cette bactérie à des fins de recherches fondamentales et appliquées.

Au-delà d'une bonne compréhension de sa biologie, toute démarche d'utilisation de B. phytofirmans souche PsJN au vignoble pourra donc être précédée d'une étude préalable de ses propriétés, y compris celles qui pourraient être contraires au cahier des charges relatif à l'utilisation d'agents de lutte biologique.

Premiers tests de protection de la vigne contre la pourriture grise

Du travail de laboratoire

Au laboratoire, les vignes cultivées in vitro et les boutures fructifères représentent les modèles de base pour étudier le comportement de la vigne dans différentes conditions de stress. Nous avons mis au point la bactérisation de ces deux modèles par B. phytofirmans souche PsJN et nous avons ensuite testé les effets de la bactérie contre la pourriture grise.

Vignes cultivées in vitro (« vitroplants »), belle efficacité

Pour les vitroplants (Fig. 1), nous déposons à la surface de leur milieu de culture in vitro une solution de bactéries. Après quelques jours, les vitroplants sont inoculés avec une solution de spores de B. cinerea.

Dans ce contexte, l'effet protecteur de B. phytofirmans souche PsJN est tout à fait significatif, puisque 100 % des vitroplants bactérisés résistent à la pourriture.

Boutures fructifères, protection partielle

Fort de ces premiers résultats, il nous a fallu développer un autre modèle. En effet :

– les cibles naturelles de la pourriture grise sont les fleurs et les baies, or...

– le vitroplant ne présente pas de fleurs.

La bouture fructifère, permettant d'obtenir toute l'année une floraison et une fructification en conditions contrôlées, a paru alors comme le modèle le mieux adapté (Fig. 2). La bactérisation de la bouture consiste à arroser le terreau dans lequel elle se développe avec une solution de bactéries de concentration défi nie. L'inoculation par le pathogène est effectuée quelques jours après la bactérisation.

Dans ce contexte, les fleurs de boutures bactérisées ont montré un certain niveau de protection contre B. cinerea. À l'heure actuelle, dans ces conditions, la protection n'est pas totale. Il s'agit d'un retard à l'infection qui peut atteindre une semaine, voire une dizaine de jours.

Toutefois, nous travaillons à faire évoluer le protocole de manière à améliorer la protection. En particulier, nous envisageons d'augmenter le temps entre la bactérisation et l'inoculation du pathogène, afin de laisser plus de temps à la bactérie pour coloniser l'ensemble des organes de la bouture.

Les composantes de la protection

Comme de nombreux agents microbiens de lutte biologique (et aussi certaines substances inertes), l'effet bénéfique de B. phytofirmans souche PsJN peut se décliner selon deux propriétés, à savoir :

– un effet antifongique direct ;

– un effet stimulateur des défenses de la plante.

Burkholderia phytofirmans souche PsJN a un effet antibotrytique direct

Burkholderia phytofirmans souche PsJN présente un effet direct contre B. cinerea. Cette propriété est étudiée en boîte de Petri contenant un milieu propice au développement de la bactérie et du champignon. Le test (Fig. 3) consiste à déposer la bactérie au centre de la boîte puis, quelques jours après, suivre son développement.

Dans ce contexte, la croissance du champignon se déroule normalement en périphérie de la boîte. En revanche, le champignon ne se développe pas vers le centre de la boîte, là où se trouve la bactérie.

Si l'on prélève du mycélium dans la zone intermédiaire, on peut constater sous microscope que les cellules du champignon sont affectées. On note une altération progressive des constituants cellulaires, aboutissant à la mort de la cellule qui ne persiste plus que par sa paroi squelettique.

Cet effet antifongique ne correspond pas à une interaction directe entre la bactérie et le champignon. La bactérie sécrète un(des) composé(s) qui inhibe(nt) la croissance mycélienne à distance. La caractérisation du principe actif pourrait d'ailleurs représenter une piste intéressante dans la recherche de nouveaux actifs antifongiques.

Mais aussi un effet stimulateur des défenses de la vigne

Des vitroplants bactérisés par B. phytofirmans souche PsJN et inoculés par B. cinerea voient une augmentation significative de leurs mécanismes de défense, qu'il s'agisse de l'expression de gènes impliqués dans les défenses ou de l'activité des enzymes codées par ces gènes (Fig. 4 page précédente).

Dans les vignes préalablement bactérisées, la plante réagit à l'attaque du pathogène en induisant toute une panoplie de défenses maintenant bien identifiées. La présence de la bactérie dans la plante avant l'attaque du pathogène se traduit par des réponses de défenses plus rapides et importantes lors de cette attaque. Ce phénomène de potentialisation pourrait expliquer une meilleure tolérance des plantes bactérisées à la maladie.

Effet collatéral : une stimulation générale du métabolisme

Indépendamment de tout contexte pathogène, les plantes bactérisées, qu'il s'agisse de vitroplants, de boutures fructifères ou de plantes acclimatées, présentent une croissance et un métabolisme (photosynthèse, etc.) plus importants que les plantes dépourvues de bactéries.

L'effet est durable dans le temps. Nous avons montré que des plants bactérisés et acclimatés ont un développement plus rapide pendant au moins deux années.

Cette propriété n'est pas nouvelle. La bactérie est en effet classée parmi les rhizobactéries stimulatrices de croissance (« PGPR : Plant Growth Promoting Rhizobacteria »), connues pour coloniser la racine des plantes et induire une meilleure croissance.

L'analyse du génome a montré que la bactérie possède tous les gènes de synthèse de l'auxine (2 voies de synthèse), hormone végétale impliquée dans la croissance. À ce jour, on ne sait pas encore si la croissance accrue des plantes

bactérisées est due à une sécrétion d'auxine par la bactérie ou si la bactérie stimule la synthèse et la sécrétion d'auxine dans la plante. La stimulation de la croissance peut présenter des avantages mais peut aussi représenter un frein potentiel à l'exploitation de B. phytofirmans souche PsJN.

En effet, la stimulation générale du métabolisme permet certes à la vigne de mieux résister à de nombreux stress abiotiques, en particulier au froid. Mais, sur cette plante pérenne, il faudra examiner si cette croissance stimulée n'a pas d'effets délétères avec le temps. Notamment si elle ne conduit pas à un épuisement précoce de la vigne.

Colonisation de la plante par B. phytofirmans s. PsJN

Affinité pour les exsudats racinaires

Burkholderia phytofirmans souche PsJN est attirée par les composés que les racines de vigne sécrètent dans le sol (chimiotactisme). Ces composés sont de natures variées (Fig. 5) : sucres (glucose), acides organiques (acide malique), acides aminés (alanine). La présence de ces molécules en concentration d'autant plus importante que l'on est proche des racines oriente la bactérie vers les racines de la plante.

Dès lors qu'elle est à proximité de la racine, B. phytofirmans souche PsJN trouve des conditions favorables à sa multiplication. Elle va alors coloniser la surface de la racine, étape indispensable à sa pénétration dans les tissus racinaires.

Pénétration dans la racine

Lorsque la bactérie se trouve à l'état de biofilm, sa physiologie est modifiée. Elle devient capable de synthétiser et sécréter des polygalacturonases et des endoglucanases. Ces enzymes dégradent la paroi squelettique des cellules et permettent à la bactérie de pénétrer dans les tissus racinaires.

La bactérie peut alors progressivement gagner le cylindre central de la racine où se trouvent les vaisseaux conducteurs qui alimentent l'ensemble de la plante (Fig. 6).

Colonisation des organes aériens

Burkholderia phytofirmans souche PsJN rejoint le système vasculaire de la plante. Elle se localise alors de préférence dans le xylème (tissu conducteur de la sève brute) et non le phloème (tissu conducteur de la sève élaborée). Outre la mobilité liée à son flagelle, B. phytofirmans souche PsJN profite du flux de sève pour se répartir dans les organes aériens de la plante : tige, feuilles, fleurs et jeunes fruits (Fig. 7).

Le temps de colonisation varie en fonction de la nature des plantes utilisées. Sur les vitroplants, la bactérie a besoin de 4 jours pour coloniser l'ensemble des organes.

Concernant les boutures fructifères, une période de 5 à 6 semaines est nécessaire pour que la bactérie soit détectée dans les différents organes, qu'ils soient végétatifs (tiges, feuilles) ou reproducteurs (fleurs, fruits) (Fig. 7).

Protection à distance, qu'est-ce qui donne le signal ?

Pour autant, la bactérie n'a pas besoin d'être présente dans tous les organes pour améliorer la tolérance de la vigne à la maladie. Dès qu'elle est présente dans les racines, les autres organes présentent un certain niveau de protection.

Ce type de résistance est appelé résistance systémique induite (RSI). Elle implique la sécrétion par la bactérie d'un signal véhiculé dans toute la plante et qui a pour effet d'améliorer la tolérance. Nous cherchons actuellement à identifier ce composé.

Mécanismes d'action

Affinité pour les cellules végétales

Pour étudier les mécanismes intimes d'interactions entre B. phytofirmans souche PsJN et les cellules de la plante, nous avons mis en contact cette bactérie avec une culture cellulaire de vigne (Fig. 8 p. 22).

Nous avons observé qu'elle entre en contact avec les cellules de vigne en moins d'une heure et recouvre la surface cellulaire en moins de 24 heures, contrairement à d'autres bactéries, pathogènes ou non hôtes (voir plus bas).

Comment B. phytofirmans souche PsJN est-elle perçue par les cellules de vigne ?

Les cellules végétales sont capables de reconnaître des cellules étrangères (reconnaissance du « non soi »). Cette propriété est fondamentale pour identifier précocement toute forme de pathogène. Or, B. phytofirmans souche PsJN n'est pas perçue par les cellules de vigne comme un pathogène (Fig. 9). En effet, la comparaison entre les effets de cette bactérie bénéfique et de Pseudomonas syringae pv. pisi (bactérie non hôte) à l'échelle cellulaire a montré des différences spectaculaires.

Contrairement à la bactérie pathogène, B. phytofirmans souche PsJN n'induit qu'une très faible augmentation de pH du milieu de culture et ne provoque ni stress oxydant ni mort cellulaire, éléments caractéristiques d'une réaction immune intense. Elle n'induit donc pas de réaction marquée de défenses de la part des cellules de vigne.

Cela implique qu'elle est capable de pénétrer dans la plante et de la coloniser sans déclencher de réactions immunitaires qui pourraient conduire à son rejet. Le mécanisme de contournement des défenses de la plante par la bactérie n'a pas encore pu être élucidé et demeure une perspective de recherche prioritaire au laboratoire.

Perspectives d'utilisation

Tests au vignoble grandeur nature

Une problématique classique des traitements alternatifs réside dans la différence d'efficacité entre les conditions de laboratoire et celles du vignoble avec, le plus souvent, une perte significative d'efficacité au terrain. Aujourd'hui, tous les indicateurs obtenus au laboratoire sont favorables à un transfert de technologies vers le domaine applicatif. Afin de poursuivre le développement de cette technologie, nous avons entamé la production de boutures bactérisées qui seront bientôt disponibles pour des tests en grandeur nature.

Tests de vinification prévus

Par ailleurs, la présence d'un micro-organisme actif dans le raisin à maturité pourrait poser problème si la bactérie B. phytofirmans souche PsJN interagit négativement avec les micro-organismes fermentaires permettant la réalisation d'un vin de qualité.

Les oenologues de l'Unité de recherche Vignes et Vins de Champagne vont s'attacher à identifier d'éventuelles déviations de la vinification à partir de baies issues de boutures fructifères bactérisées.

Suivre la longévité des plants et la survie de la bactérie au long des années

La longévité des plants bactérisés doit également être suivie. En effet, une stimulation permanente de la croissance peut occasionner chez une plante pérenne comme la vigne des modifications de comportement à long terme. Parmi les questions qui demeurent, peut-on, en présence de Burkholderia phytofirmans souche PsJN, maintenir la capacité de la vigne à produire des inflorescences et des raisins (quantité et qualité) compatibles avec une vendange de qualité ? De même, nous n'avons pas de recul quant à la survie de la bactérie dans la plante au cours du temps au-delà de 2 ans.

Nombre de bactéries pénétrant dans les racines des plantes cultivées sont connues pour y demeurer et y agir tout au long de la vie de la plante (nodosités).

Jusqu'à présent, B. phytofirmans souche PsJN a été exploitée exclusivement sur des plantes herbacées annuelles. L'évolution de son potentiel protecteur dans une plante pérenne n'a donc pas encore été évaluée.

Bactérisation à grande échelle : envisageable en pépinières

Burkholderia phytofirmans souche PsJN pénétrant naturellement par les racines, la solution logique pour bactériser les vignes au vignoble serait d'augmenter la concentration en bactéries à proximité des pointes racinaires.

Mais, compte tenu de la profondeur de l'extrémité des racines au vignoble, une telle opération nécessiterait de répandre des quantités considérables de produit. Elle ne paraît donc pas réaliste.

Il semble plus pertinent d'envisager une bactérisation de jeunes plants en pépinières, ce qui présente un double avantage :

– la quantité de bactéries nécessaires à la colonisation d'un jeune plant est compatible avec une utilisation industrielle,

– les conditions de bactérisation sont déterminées et donc plus faciles à contrôler.

À tester contre d'autres maladies

Les propriétés antifongiques, stimulatrices de croissance et potentialisatrices de défenses de la batérie en font un agent de lutte biologique particulièrement intéressant. Au-delà de son effet protecteur contre B. cinerea, elle pourrait aussi être testée vis-àvis d'autres maladies fongiques de la vigne comme l'oïdium et le mildiou.

Autres souches de Burkholderia

En outre, nous disposons au laboratoire d'une collection de Burkholderia.

D'autres espèces de ce même genre se sont avérées efficaces contre les champignons impliqués dans les maladies du bois. Les perspectives se situent à deux niveaux :

– utiliser ces bactéries au même titre que B. phytofirmans souche PsJN (bactérie endophyte) ;

– identifier les composés antifongiques synthétisés et sécrétés par ces micro-organismes et optimiser leur production en vue d'en faire une nouvelle classe d'antifongiques.

Fig. 1 : Protection des vitroplants.

 ph. Univ. Reims

ph. Univ. Reims

Les vitroplants bactérisés (à gauche) ne sont pas affectés par B. cinerea, au contraire des vitroplants témoins (à droite).

RÉSUMÉ

CONTEXTE : Afin de rechercher des méthodes alternatives, l'URVVC de l'Université de Reims Champagne-Ardenne travaille, entre autres, sur la lutte biologique contre les maladies de la vigne à l'aide de micro-organismes vivants.

ÉTUDE : Elle a testé, contre Botrytis cinerea, Burkholderia phytofirmans s. PsJN, bactérie connue comme agent de lutte biologique sur cultures annuelles, présente naturellement dans les sols européens et au génome séquencé.

RÉSULTATS EFFICACITÉ : Des essais sur vitroplants de vigne ont montré une efficacité totale.

Des essais sur boutures fructifères ont montré que la bactérisation du terreau retarde l'infection des fleurs. Des tests pour améliorer cette action sont en cours.

MODES D'ACTION : Des essais in vitro ont montré un effet antifongique (antibotrytique) direct. L'étude des modes d'action a montré par ailleurs un effet de stimulation des défenses de la vigne : potentialisation des mécanismes de défense (expression des gènes, production d'enzymes).

Cet effet potentialisateur s'accompagne d'une stimulation du métabolisme même en l'absence de pathogène (bactérie classée PGPR). Les modes de colonisation de la plante via le système racinaire et la résistance systémique induite (RSI) sont évoqués.

PERSPECTIVES : Des tests au vignoble à partir de jeunes plants bactérisés ainsi que des tests de vinification sont prévus.

MOTS-CLÉS : biocontrôle, lutte biologique, bactérie, Burkholderia phytofirmans souche PsJN, vigne, Botrytis cinerea, effet antibotrytique direct, stimulation des défenses de la vigne, potentialisation, stimulation du métabolisme, PGPR Plant Growth Promoting Rhizobacteria, perspectives.

Alternatives, quinze ans de travail

L'Unité de recherche Vignes et Vins de Champagne, de l'Université de Reims Champagne-Ardenne, développe depuis une quinzaine d'années des alternatives de lutte contre les maladies fongiques de la vigne. Pour l'instant, le travail porte essentiellement sur la pourriture grise et les maladies du bois. La stratégie est basée sur la compréhension des interactions entre la vigne et les agents pathogènes. Le but est d'anticiper l'attaque pathogène en stimulant les défenses de la vigne, soit par des substances à effet éliciteur, soit par des agents de lutte biologique.

Fig. 3 : Effets anti-botrytiques de Burkholderia phytofirmans souche PsJN.

La bactérie (B. p.) est déposée au centre de la boîte de Petri (ph. 1). Quelques jours après, B. cinerea (B.c.) est déposé en périphérie. Une semaine après, on constate que le champignon ne s'est pas développé vers le centre de la boîte (ph. 1) et que ses cellules sont d'autant plus dégradées qu'elles sont proches de la bactérie (ph. 2 à 5).

Fig. 4 : Stimulation des défenses.

En présence de la bactérie, les vitroplants présentent des activités enzymatiques de défense significativement accrues, dans tous les organes.

Fig. 5 : Bactéries et exsudats racinaires.

Burkholderia phytofirmans souche PsJN est attirée par différents composés sécrétés par les racines de vigne dans les sols (sucre, acides organiques, acides aminés).

Fig. 6 : Colonisation racinaire.

 Photos : Univ. Reims

Photos : Univ. Reims

Disposer de bactéries transformées (ph. 1) fluorescentes permet de suivre leur progression dans la plante depuis les pointes de la racine (ph. 2).

Après s'être multipliée et avoir créé un biofilm autour de la racine (ph. 3), B. phytofirmans souche PsJN pénètre dans la racine au niveau des poils absorbants (ph. 4) et rejoint le xylème (ph. 5), système conducteur de la sève brute.

Fig. 7 : Colonisation des organes aériens.

 Photos : Univ. Reims

Photos : Univ. Reims

Burkholderia phytofirmans souche PsJN utilise le xylème (ph. 1 & 2) et le flux ascendant de sève brute pour coloniser la tige, les feuilles, les fleurs et les jeunes fruits (ph. 3).

Fig. 8 : Rencontre à l'échelle cellulaire.

 Photos : Univ. Reims

Photos : Univ. Reims

Des cellules de vigne cultivées in vitro (ph. 1 & 2) sont mises en contact de B. phytofirmans souche PsJN (ph. 3 & 4), de la bactérie pathogène P. syringae pv. pisi (ph. 5 & 6) et de la bactérie Escherichia coli (ph. 7 et 8), sans action sur la vigne. Après 24 heures, seule B. phytofirmans souche PsJN (points rouges fluorescents) se trouve en contact intense avec les cellules de vigne (ph. 4).

Fig. 9 : Perception par les cellules de vigne.

La perception de la bactérie pathogène P. syringae pv. pisi par les cellules de vigne se traduit par une augmentation bi-phasique du pH extracellulaire, une production également biphasique d'eau oxygénée (H2O2), ainsi que par une augmentation de la mort cellulaire. On peut constater que la bactérie B. phytofirmans souche PsJN n'est pas perçue comme pathogène, son effet se limitant à une légère augmentation du pH extra-cellulaire.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEURS : *E. AIT BARKA, S. COM PANT, C. JACQUARD, L. SANCHE Z, S. BORDIE C, S. DOREY, F. BAILLIEUL ET C. CLÉMENT, Université de Reims Champagne-Ardenne. UFR Sciences exactes et naturelles, Unité de recherche Vignes et Vins de Champagne (EA 4707), Moulin de la Housse BP 1039 - 51687 Reims cedex 2.

CONTACT : christophe.clement@univ-reims.fr

BIBLIOGRAPHIE : Cet article se base sur une bibliographie, disponible auprès des auteurs.

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :