Après six mois passés au PLU(1) de la ville de Saint-Étienne, Marie-Anne Simonneau intègre le Syndicat des producteurs de saumur-champigny en 2006, en tant qu'animatrice et chef de projet. A priori pas de point commun entre la ville et la vigne, si ce n'est l'aménagement du territoire, sa spécialité.
En effet, ce syndicat, qui comprend environ cent trente vignerons sur 1 500 ha, a démarré en 2004 un projet intitulé « Biodiversité et paysage » avec des enseignants-chercheurs de l'Enita de Bordeaux et de l'Esa d'Angers.
Objectif : s'aider de la biodiversité pour lutter contre les ravageurs. Le projet a pris de l'ampleur et les viticulteurs n'ont plus le temps de le suivre.
Missions diverses, objectif biodiversité
La diversité de la mission et le dynamisme des vignerons séduisent alors Marie-Anne Simonneau : elle termine la première phase du projet (2005-2008) et prépare la seconde (2008-2012).
Il s'agit de mettre en œuvre sur le terrain les diverses actions du programme en lien avec les enseignants-chercheurs et les stagiaires, chercher des financements et suivre l'aspect administratif. La mission occupe deux tiers de son temps. Parmi les actions phares démarrées en 2005 : la plantation de zones écologiques réservoirs (ZER) avec des essences locales (photo ci-dessus) et la mise en place d'un réseau de biosurveillance.
Réseau biosurveillance
Des relevés sont effectués toutes les semaines dans trente-six parcelles, avec des pièges jaunes pour attirer les cicadelles et des pièges à phéromones pour les vers de la grappe. Ces relevés ont également permis d'éditer un bulletin hebdomadaire (de mi-mars à fin septembre) pour alerter les viticulteurs sur la présence des ravageurs dans les vignes. À leur demande, un deuxième bulletin est réalisé de fin avril à mi-août pour les maladies, à partir des données d'un réseau de surveillance de huit parcelles et des relevés météo de quatorze stations.
« Nous réalisons un état de la pression et du risque ravageurs et maladies, mais nous ne donnons pas de conseil de traitement. Le vigneron a toutes les informations en main pour décider. »
Haies réservoirs
De 2005 à 2008, des haies ont été implantées sur des sites proposés par les viticulteurs. « À partir de 2007, nous avons identifié ceux qui en avaient le plus besoin, à savoir les grands espaces de vigne, très favorables à Eudémis », explique notre spécialiste en aménagement du territoire. « À l'intérieur, les lieux les plus propices ont été repérés pour “casser” l'homogénéité du paysage viticole avec des corridors, des espaces de fractionnement... » En 2010, le vignoble comptait vingt kilomètres de ZER.
« Sur la première phase du projet, nous avons observé une relation entre le paysage ainsi modifié et les populations de ravageurs. D'où la poursuite des piégeages et la réalisation d'un relevé d'arthropodes et faunistique en 2009-2010 pour avoir un T0 et creuser la question. »
Si l'objectif de départ était de lutter contre les ravageurs et réduire les traitements, ce projet a eu des effets directs divers.
« Les viticulteurs ont pris conscience de l'importance de la biodiversité pour leurs vignes et de la nécessité de la protéger. Grâce aux relevés hebdomadaires, ils ont réalisé que la pression ravageurs et maladies n'était pas aussi importante qu'ils le pensaient. Et qu'elle varie d'une année sur l'autre. » Marie-Anne Simonneau les a également incités à faire leur propre relevé pour compléter les bulletins d'alerte.
« Ils se sont alors rendu compte qu'ils n'étaient pas obligés de traiter systématiquement toutes leurs parcelles. »
Baisse de l'IFT
Résultat : l'emploi d'insecticides a diminué. Certains acceptent d'avoir un peu de dégâts ; d'autres sont passés à l'utilisation du Bacillus thurengiensis contre les tordeuses de la vigne. Côté maladies, l'idée était d'éliminer un traitement. « Entre le début et la fin du programme, nous avons observé une baisse de l'IFT total ; celui-ci est aujourd'hui inférieur à la référence régionale. »
Un cru de référence en biodiversité
« Il nous faut maintenant réaliser à nouveau une mesure de la biodiversité pour voir l'évolution par rapport à 2009, indique Marie-Anne Simonneau.
Toutes les données vont ensuite être exploitées par les enseignants- chercheurs. »
L'autre objectif des viticulteurs était de différencier les vins du saumur-champigny des autres vins du Val de Loire grâce à l'atout biodiversité.
Pari réussi ! Le vignoble est maintenant devenu un cru de référence en la matière.
« La biodiversité en saumurchampigny est maintenant une de ses spécificités au même titre que le cépage ou le terroir. »
Gérer des projets
La 2e phase du programme « Biodiversité et paysage » étant finie, quid de l'avenir ? « La biosurveillance sera poursuivie tant que les viticulteurs jugeront utiles les bulletins d'alerte. Ensuite, mon métier, c'est de gérer des projets. Donc, tant qu'il y aura de nouveaux projets au sein du syndicat, ma place est ici », estime Marie- Anne Simonneau. Réponse fin 2013-début 2014, quand le syndicat décidera.
<p>(1) Plan local d'urbanisation.</p>
Le Point de vue de
MARIE-ANNE SIMONNEAU1998. Bac scientifique.
1998-2001. DUT Génie de l'environnement à Brest (Finistère).
2005. Diplômée de l'École polytechnique universitaire de Tours (Indre-et-Loire), département aménagement.
2006. Chargée d'études pour le Plan local d'urbanisme de la ville de Saint-Étienne (Loire).
Depuis août 2006. Animatrice et chef de projet au Syndicat des producteurs de saumur-champigny à Saumur (Maine-et-Loire).