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Expérimentation

Les couverts végétaux alliés de la viticulture

EMMA FULCHIN* - Phytoma - n°676 - août 2014 - page 8

Une journée technique organisée par Vitinnov le 23 janvier a montré l'intérêt de ces couverts dès maintenant. Et aussi le travail restant à faire.
Parcelle de vesce velue, plante d'intérêt contre les nématodes vecteurs du court-noué étudiée et citée lors de cette journée. Photo : Vitinnov

Parcelle de vesce velue, plante d'intérêt contre les nématodes vecteurs du court-noué étudiée et citée lors de cette journée. Photo : Vitinnov

Les intervenants à l'écoute des viticulteurs lors des tables rondes.      Ci-dessous, présentation de Josépha Guenser (Vitinnov) sur les apports de biodiversité par les couverts. Photos : Vitinnov

Les intervenants à l'écoute des viticulteurs lors des tables rondes. Ci-dessous, présentation de Josépha Guenser (Vitinnov) sur les apports de biodiversité par les couverts. Photos : Vitinnov

Les couverts végétaux offrent de multiples possibilités en viticulture. Suscitant beaucoup d'intérêt pour les praticiens comme pour les chercheurs, les travaux sont nombreux sur le sujet. Lors de la journée technique organisée le 23 janvier dernier à l'ISVV (Institut des sciences de la vigne et du vin, Bordeaux) par la cellule de transfert de technologies Vitinnov, une douzaine d'intervenants en ont présenté des résultats à cent vingt participants.

Quel(s) couvert(s) pour quel(s) usage(s) ?

Des objectifs et des pratiques très variés

L'introduction d'un couvert végétal sur une parcelle viticole peut répondre à différents objectifs, tels que maîtrise de la vigueur, l'engrais vert, la jachère nématicide.

C'est pourquoi les pratiques sont très diversifiées : enherbement naturel ou semé, couvrant tout ou partie de la parcelle, permanent ou temporaire, couverture hivernale ou en période de repos du sol... Un inventaire exhaustif des techniques serait trop long, mais regardons-en certaines d'un peu plus près.

Enherbement adaptatif : qualité des raisins et préservation de l'agrosystème

De nombreux avantages

Une façon très répandue d'introduire des couverts végétaux dans une parcelle de vigne est l'enherbement. Il a des avantages multiples : améliorer la qualité du vin en limitant la vigueur et favorisant la concentration des baies en sucres et composés phénoliques ; améliorer la portance des sols, leur structure et leur richesse en matière organique ; diminuer l'érosion, le ruissellement, l'usage des herbicides et la pollution des eaux par les pesticides ; apporter de la biodiversité floristique et faunistique ; améliorer les services écosystémiques.

Bien que se heurtant à un manque de matériel de tonte performant, l'enherbement sous le rang est aussi une alternative au désherbage mécanique, lequel réduit fortement le rendement et la vigueur pendant plusieurs années.

Pas de recette miracle universelle

Mais l'enherbement n'est pas la recette miracle à appliquer partout. Il peut, comme l'explique Bordeaux Sciences Agro, induire une concurrence hydrique et azotée, d'où pertes de rendement et d'azote assimilable (teneur jusqu'à 2,5 fois inférieure) avec risque d'allongement voire d'arrêt de fermentation. Des comparaisons de situation avec et sans enherbement ont montré que bon nombre de cépages blancs voient leur qualité organoleptique affectée, avec baisse de potentiel aromatique et augmentation d'amertume. Certains cépages rouges présentent des tanins plus secs et plus durs (pinot noir, gamay). On recommande donc l'analyse d'azote assimilable à l'encuvage pour déclencher des mesures correctives le cas échéant.

Il faut adapter les itinéraires d'enherbement en fonction de la climatologie, du terroir et des objectifs de production, pour garder les impacts positifs du couvert sans ses effets négatifs. Pour cela, plusieurs moyens de pilotage, étudiés par la chambre d'agriculture de la Gironde et l'Inra, existent :

– le premier réside dans le choix entre enherbement spontané ou semis d'espèces sélectionnées pour leur compétition modérée ;

– le deuxième consiste à adapter la proportion de surface enherbée : couverture totale ou de tous les interrangs en situation non limitante en eau, mais un rang sur deux ou avec bande enherbée « étroite » en cas de contrainte ;

– enfin, on peut moduler la période de présence du couvert : permanent ou temporaire et détruit en cours de saison. On parle alors de stratégie adaptative. Selon des travaux de l'Inra, les performances sont plus régulières avec une telle stratégie qu'avec un sol nu ou un enherbement permanent ; un couvert spontané est alors plus intéressant (on est plus réticent à détruire un semis). Reste à voir quand il faut intervenir.

Couverts intercalaires et jachères : gestion phytosanitaire et nutrition de la vigne

Trente espèces testées contre les nématodes

Mais l'intérêt des couverts végétaux est plus large que les bénéfices de l'enherbement. Ainsi, certaines plantes cultivées durant le repos du sol après arrachage permettent de lutter contre le court-noué. Bordeaux Sciences Agro et Vitinnov ont testé une trentaine d'espèces sélectionnées pour leur rusticité et leur enracinement profond, pour éliminer les populations de nématodes vecteurs des virus du court-noué. La majorité n'a pas – ou peu – eu d'efficacité en conditions contrôlées. Quatre ont même permis aux nématodes de se multiplier (risque de favoriser les virus), dont la phacélie et le sarrasin. Or ces espèces sont souvent utilisées par les viticulteurs dans les jachères en repos du sol... À surveiller !

En revanche le tagète minuta, la vesce velue, l'avoine, la luzerne, le sainfoin et le lupin blanc, évalués en plein champ, ont montré un intérêt nématicide. Les résultats variant selon les conditions pédoclimatiques, les travaux continuent. Ces plantes peuvent aussi décompacter les sols ou servir d'engrais verts.

Engrais verts, la féverole d'hiver

D'autres espèces sont cultivées spécifiquement comme engrais vert pour améliorer la fertilité du sol. Elles sont semées à l'automne et restituées au sol au printemps par destruction. L'IFV étudie la technique depuis des années. Cela a permis d'identifier une légumineuse d'intérêt, la féverole d'hiver. Au-delà de l'enrichissement du sol en azote minéral, son atout concerne aussi l'azote assimilable dans les raisins. La destruction du couvert par roulage ou enfouissement des résidus de culture présente les meilleurs résultats : jusqu'à 65 % d'augmentation à rendement équivalent.

Mais, là encore, le manque de matériel dédié freine le développement de la pratique : les outils issus des grandes cultures ne sont pas appropriés à la vigne. Des semoirs directs et des outils de roulage sont en cours d'adaptation par les constructeurs.

Vers une démocratisation des couverts

L'intérêt suscité par les couverts végétaux en viticulture est réel, à preuve l'affluence à cette journée technique et le nombre d'études sur le sujet. Mais il faut poursuivre la recherche, l'acquisition de références et l'innovation pour adapter la mécanisation aux spécificités viticoles.

Les travaux actuels visent à mettre au point des itinéraires pour les différents couverts et à faciliter le pilotage de l'enherbement. Sur ce point, il s'agit d'abord de définir des indicateurs et règles de décision pour adapter la gestion du couvert en fonction des trajectoires climatiques et des caractéristiques des sols. L'état des ressources en eau du sol en sortie d'hiver est un indicateur à étudier.

Les recherches s'orientent aussi vers la sélection d'espèces couvrantes peu concurrentielles demandant un entretien minimum.

Les constructeurs de matériel travaillent à la mise au point d'équipements, notamment pour les engrais verts et l'entretien sous le rang.

Des pistes se dessinent pour de nouvelles études sur la complémentarité ou la synergie des divers couverts et modes d'entretien du sol. Par exemple, alterner engrais vert et enherbement sur une parcelle permet-il de s'affranchir des contraintes azotées excessives ? Le semis de plantes nématicides dans l'interrang permet-il de faciliter la gestion du court-noué ?

Ces questions, et d'autres, ont été posées par les professionnels lors de cette journée. Les chercheurs, techniciens et constructeurs s'attellent d'ores et déjà à leur fournir des réponses.

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RÉSUMÉ

CONTEXTE - Une journée technique consacrée aux couverts végétaux en viticulture a été organisée par Vitinnov le 23 janvier 2014 en Gironde.

COUVERTS EN PRÉSENCE DE VIGNE - L'enherbement des parcelles de vignes en place a été évoqué avec ses avantages et ses limites (travaux sur la concurrence herbe/vigne pour l'eau et l'azote). Les moyens de la piloter sont :

– l'adaptation dans l'espace (enherbement total ou plus ou moins large, sur tous les interrangs ou certains d'entre eux...) ;

– l'adaptation dans le temps (enherbement adaptatif : destruction du couvert une partie de la saison végétative de la vigne).

COUVERTS INTERCALAIRES, ENGRAIS VERTS

Des travaux ont été présentés sur les couverts intercalaires entre arrachage et replantation contre les nématodes vecteurs des virus du court-noué, et sur les engrais verts (détruits avant saison). On a évoqué les travaux et les limites notamment concernant le matériel de semis et de gestion des couverts.

MOTS-CLÉS - Vigne, couverts végétaux, enherbement permanent, enherbement adaptatif, couverts intercalaires, jachères, couverts nématicides, engrais verts.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEUR : *E FULCHIN, Vitinnov.

CONTACT : emma.fulchin@agro-bordeaux.fr

BIBLIOGRAPHIE : - Actes de la journée : voir E. Fulchin.

REMERCIEMENTS à tous les intervenants de cette journée.

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