La punaise diabolique, Halyomorpha halys (Stål, 1855), est originaire d'Asie, où elle représente un ravageur important des cultures fruitières et maraîchères. Elle a été introduite aux États-Unis sans doute avant 1998, puis découverte en Suisse en 2007. Aux États-Unis, elle a colonisé de vastes territoires à l'est avant d'être signalée à l'ouest du pays. Polyphage, elle cause depuis quelques années d'importants dégâts à un grand nombre de cultures, notamment aux fruits ainsi qu'au soja. Elle est connue par ailleurs pour envahir, parfois en très grand nombre, les habitations, en automne lorsqu'elle recherche des abris pour hiverner. H. halys a été découverte en France...
Histoire d'une arrivée
Ce qui se passe en France
La punaise diabolique a été observée pour la première fois sur le territoire français en 2012, dans la banlieue de Strasbourg (Callot et Bruat, 2013). Confondue avec Rhaphigaster nebulosa (Poda, 1761) dans un premier temps, elle n'a été signalée qu'en 2013. À l'automne 2013, sa présence a été confirmée en Alsace autour de Strasbourg où plusieurs foyers ont été mis en évidence, puis quelques spécimens isolés ont été récoltés à Paris. Aucune nouvelle jusqu'au 15 septembre 2014, ce qui n'a rien de surprenant : cette punaise, dans les premiers temps de l'invasion, n'est détectable que lorsqu'elle entre dans les bâtiments pour hiverner, donc pas avant octobre. L'automne 2014 sera décisif dans le suivi de sa progression !
Ailleurs en Europe
En Europe, elle a été découverte pour la première fois en 2007 dans la ville de Zurich, en Suisse, où l'insecte est aujourd'hui largement répandu. Toutefois, un individu avait été récolté au Lichtenstein en 2004 sans que l'on sache aujourd'hui avec certitude si l'espèce s'y est maintenue.
Une observation similaire a été faite en Allemagne en 2011. Des populations bien établies ont été signalées en Grèce (2011), en Italie (2013), puis en Hongrie (2013). L'insecte semble donc être en pleine expansion en Europe.
Ce que l'on sait de sa biologie
Quelques données sur son cyclede développement
La punaise diabolique n'effectue qu'une seule génération par an en Suisse, mais elle peut aller jusqu'à quatre, voire davantage dans le sud de sa zone d'origine, en Chine. En conditions naturelles, les punaises passent l'hiver dans des crevasses sèches, sous les écorces épaisses d'arbres morts, etc. H. halys est également attirée par les fissures et crevasses des infrastructures créées par l'homme : véhicules, maisons, bâtiments et autres constructions. On assiste à l'automne à des invasions spectaculaires dans les maisons. Ce comportement permet de suivre l'expansion de l'insecte.
En Suisse, les adultes quittent leur site d'hivernation et commencent à se nourrir au printemps à partir du mois d'avril. L'oviposition ne commence pas avant mi-juin. Le pic d'oviposition a lieu début juillet mais on peut trouver des œufs jusqu'en septembre. Il y a cinq stades larvaires.
Le premier stade ne se nourrit pas, les larves restant groupées autour de la ponte. Le second stade se disperse et commence à se nourrir en piquant les feuilles, tiges, fruits et semences.
En Suisse, en conditions naturelles avec des températures fluctuantes (en moyenne entre 15,9 °C et 19,9 °C), le développement de l'œuf à l'adulte demande de 60 à 107 jours. Les premiers adultes de la nouvelle génération commencent à émerger durant la dernière semaine d'août avec un pic en septembre.
Halyomorpha halys est un ravageurextrêmement polyphage
Plus de cent vingt plantes hôtes appartenant à de nombreuses familles botaniques ont été recensées en Amérique du Nord et en Asie, cinquante en Suisse. Halyomorpha halys est généralement considérée comme une espèce arboricole, mais parmi ses plantes-hôtes d'intérêt économique figurent également – outre plusieurs arbres fruitiers – des petits fruits, des plantes herbacées telles que des légumes, des plantes ornementales et des grandes cultures. On peut citer entre autres les genres suivants : les ronces (Rubus), la vigne (Vitis vinifera), les agrumes (Citrus), les pommiers (Malus), les poiriers (Pyrus), les mûriers (Morus), les pruniers (Prunus avium, P. persica...), les noyers (Juglans), le soja (Glycine max), les pois (Phaseolus, Pisum...), Paulownia...
La punaise diabolique se nourrit surtout sur les organes reproducteurs et ne reste donc qu'un temps limité sur chaque plante. Les larves et les adultes sont très mobiles et changent fréquemment d'hôte en fonction de leur état de maturité.
Nuisibilité agronomique
Types de dégâts causés par H. halys
Cette punaise cause des dégâts aux plantes en insérant ses stylets dans les organes reproducteurs, souvent la partie de la plante offrant le plus d'intérêt économique.
En se nourrissant, l'insecte peut causer des marques et des déformations sur les semences et fruits, notamment de type gousse, avec des zones spongieuses blanchâtres à la surface des fruits, ou des dommages internes des tissus visibles sous forme de décolorations externes ou de taches de la chair. En plus des pertes de qualité des fruits commercialisés, les piqûres peuvent entraîner des baisses de rendements suite à l'avortement des bourgeons floraux ou à la chute des jeunes fruits.
Importance des dégâtsdans le monde
En Amérique du Nord, un très grand nombre de cultures d'importance agronomique est impacté. Ce ravageur est présent pendant toute la saison de culture des arbres fruitiers, particulièrement des pêchers, nectariniers, pommiers et poiriers asiatiques.
La punaise diabolique est capable de causer des dommages économiques importants et quelques producteurs ont enregistré des pertes quasi totales de leurs récoltes.
En réponse, des insecticides à large spectre (surtout des pyréthrinoïdes) ont été utilisés, ce qui a perturbé les programmes de protection intégrée et causé des pullulations de ravageurs secondaires, notamment d'acariens, pucerons et cochenilles.
Des dégâts sporadiques sont signalés dans la région d'origine, notamment au Japon sur certains fruits. Mais la situation est moins critique en Asie qu'aux États- Unis où H. halys est devenu un ravageur majeur et régulier pour un grand nombre de cultures.
En Europe, des pertes économiques ont seulement été observées sur piment dans l'Aargau en 2012 (Sauer, 2012). En 2013, aucun dégât n'a été signalé.
L'impact économique est donc très différent entre les États-Unis, où il est considérable et d'autant plus important que l'insecte a été introduit depuis longtemps, et la Suisse où pour le moment les dégâts sont négligeables... mais l'introduction plus récente.
L'analyse du risque réalisée par l'Anses (2014) conclut à un risque économique potentiel important pour la France. Des plantes d'intérêt économique majeur pourraient être impactées.
Autres formes de nuisibilité.
Nuisances aux populations
En plus des pertes de récoltes et de qualités causées aux productions agricoles, la punaise diabolique est surtout connue du public américain pour les nuisances domestiques que causent les adultes lorsqu'ils envahissent les habitations à l'automne lors de leur recherche d'endroits abrités pour l'hivernation.
Les agrégations sont parfois très impor tantes. Inkley (2012) rapporte qu'un particulier a collecté 26 205 adultes dans sa maison, de janvier à juin 2011, en milieu rural, dans le Maryland.
À ce jour, la situation en Europe est moins sévère qu'en Amérique du Nord. En Suisse, entre 2007 et 2010, les populations d'H. halys ont augmenté et de nombreux particuliers se sont plaints d'invasions en masse d'adultes. Ces infestations sont impressionnantes mais sans impact sur la santé humaine et celle des animaux. Cette punaise ne pique pas. Certes, il a été montré qu'elle est capable d'induire une sensibilisation allergique : rhinites et conjonctivites. Toutefois, le nombre de cas signalés aux États-Unis reste très limité vu l'ampleur des infestations dans le pays. Elle ne cause pas de dégâts sur les biens et les bâtiments. L'impact est surtout psychologique. Et l'odeur particulière qu'elle émet lorsqu'elle est en danger représente une nuisance.
Risque pour l'environnement
À ce jour, aucun risque environnemental n'a été signalé. Toutefois, l'impact des espèces envahissantes sur l'environnement est parfois subtil et difficile à caractériser. Il faut souligner que dans ce domaine, peu d'études concernant la punaise diabolique sont actuellement disponibles.
Des études récentes en Europe et aux États-Unis (Abram et al., 2013) ont montré que les parasitoïdes indigènes, notamment d'œufs de punaises pentatomides, pondaient dans les œufs de la punaise diabolique mais n'étaient pas capables d'y terminer leur développement. Si ces observations se confirment dans la nature, il est à craindre une modification des équilibres naturels entre les punaises pentatomides autochtones et leurs parasitoïdes.
Que faire en cas d'infestation ?
D'abord... don't panic !
Malgré quelques cas d'allergies signalés aux États-Unis, la punaise diabolique est inoffensive pour l'homme et les animaux. Elle ne pénètre dans les habitations qu'à l'automne lorsqu'elle cherche des sites d'hivernation. Durant cette phase de son cycle de développement, elle a cessé de s'attaquer aux végétaux. Les infestations massives de la punaise diabolique à l'automne ne présentent donc aucun danger.
De bons gestes à adopter
En cas d'importantes infestations de ces punaises dans sa maison il convient d'adopter les bons gestes suivants :
– garder son calme ! Malgré sa taille et son nom, la punaise diabolique ne présente pas de danger. Elle entre dans les maisons uniquement pour hiverner.
– les insecticides sont inutiles, les insectes arrivant de l'extérieur, un traitement n'empêchera pas les nouvelles entrées.
– le plus simple et le moins nocif pour la famille et l'environnement est d'aspirer les individus à l'aide d'un aspirateur au fur et à mesure qu'ils pénètrent dans la maison. On peut ensuite les éliminer avec les déchets ménagers ou détruire les sacs.
– il n'existe pas de moyen préventif pour empêcher la punaise diabolique d'entrer dans les maisons. Fermer les fenêtres et les ouvertures ou mettre des moustiquaires réduit le nombre d'arrivants.
Conclusion
L'invasion de la France par H. halys est inéluctable. Elle est déjà établie en Alsace et probablement en région parisienne. Les modèles climatiques montrent qu'elle sera capable de s'établir partout en France métropolitaine, et il n'est plus envisageable de l'éradiquer. Il va falloir vivre avec.
L'Anses donne les recommandations suivantes afin de réduire l'impact de l'invasion :
– informer le public et les producteurs sur la biologie de l'insecte et le niveau de danger ;
– suivre l'invasion d'H. halys et notamment surveiller son passage des zones urbaines vers les zones de productions agricoles ;
– mettre en place des programmes de recherche sur la lutte biologique...
– mais aussi sur le piégeage (phéromones et autres attractants) afin d'améliorer le suivi des populations et surtout de développer des techniques de piégeage massif ;
– prendre en compte H. halys dans la recherche d'itinéraires techniques innovants à bas intrants.
Une coordination européenne des programmes de recherche permettrait un gain d'efficacité.
1 - Comment reconnaître Halyomorpha halys ?
L'identification est facile malgré un risque important de confusion avec la punaise grise Rhaphigaster nebulosa.
La punaise diabolique est assez facile à reconnaître mais elle peut être confondue à tous les stades avec des punaises européennes de taille et de coloration similaires.
Les œufs et les larves sont assez difficiles à différencier de ceux des autres punaises.
Au stade adulte, l'identification est plus aisée.
La série complète des critères suivants permet de différencier les adultes de la punaise diabolique de ceux des autres punaises européennes :
– grande taille : de 12 à 17 mm ;
– absence de pointe ou de protubérance sur la face inférieure de l'abdomen ;
– membrane blanche avec des taches brunes allongées le long des nervures ;
– connexivum avec des taches médianes claires plutôt triangulaires ;
– coloration des antennes : articles I à III sombres, article IV avec la base et le sommet clairs, article V avec la base claire ;
– tête allongée et rectangulaire avec les marges latérales concaves.
Comparaison H. Halys/R. nebulosa dans l'encadré 2 p. 28.
Pour en savoir plus, le site e-phytia de l'Inra donne une diagnose complète des adultes, larves et œufs, ainsi qu'une comparaison avec les principales punaises européennes. Voir aussi l'application Agiir, téléchargeable sur smartphones et tablettes (http:// ephytia.inra.fr/fr/P/128/Agiir).
2 - Comment différencier Halyomorpha halys de Rhaphigaster nebulosa ?
C'est la punaise grise (photo 1) avec laquelle la punaise diabolique est le plus souvent confondue.
Deux raisons à cela : elle à la même taille et la même couleur foncière mais aussi les mêmes mœurs, notamment la mauvaise habitude d'entrer dans les habitations à l'automne. De nombreux caractères permettent pourtant de différencier ces deux espèces.
Le plus facile à voir est la grande pointe que présente R. nebulosa à la base de son abdomen et que n'a pas la punaise diabolique (photos 2 et 3).
Parmi les autres critères :
– R. nebulosa à des taches brunes arrondies et nombreuses sur la membrane de ses ailes antérieures alors que la punaise diabolique présente des taches allongées (photos 4 et 5).
– les antennes sont foncées avec des anneaux blancs chez les deux espèces mais la disposition des anneaux clairs n'est pas la même (photos 6 et 7).
3 - Comment signaler la punaise diabolique ?
L'Inra va suivre à partir de cet automne l'invasion de la punaise diabolique en France dans le cadre d'un projet innovant de recherche nommé « Geek ». Ce projet ambitionne de tester de nouvelles technologies de l'information pour suivre des invasions biologiques. Les réseaux classiques vont être comparés à une application pour smartphones et tablettes (Agiir) et à une analyse des données d'interrogation de Google via Google Trends.
Vous pouvez participer au suivi de la punaise diabolique en envoyant une ou plusieurs bonnes photos ; celles-ci permettent généralement à un spécialiste de confirmer l'identification de cet insecte :
– téléchargez l'application Agiir (http:// ephytia.inra.fr/fr/P/128/Agiir) et envoyez directement vos photos via l'application. L'identification sera confirmée par un spécialiste de l'Inra. L'application est également consultable sur internet à la même adresse.
– plusieurs forums permettent aussi de soumettre à la communauté d'entomologistes des photos. Les deux principaux forums sont : Tela Insecta (www.tela-insecta. net/portail/) et insecte.org (www. insecte.org/forum/).
– vous pouvez enfin envoyer vos clichés au premier auteur de cet article : jean-claude.streito@supagro.inra.fr, ou solliciter les SRAL (services régionaux de l'alimentation). Il en existe un dans chaque région, chargé de la mise en œuvre de la surveillance du territoire.
REMERCIEMENTS
Les auteurs tiennent à remercier Guillaume Fried, de l'Anses, pour son aide à l'établissement de la liste de plantes-hôtes, Vincent Derreumaux pour l'autorisation d'utiliser ses excellentes photographies de punaises, tous les collègues et anonymes, notamment américains, qui ont mis à la disposition de l'Usda et à la nôtre leurs clichés.