En 2016, la vigne a été marquée par la pression de maladies au printemps, mais aussi par les accidents climatiques. À commencer par les gelées et les grêles du début de saison.
Climatologie chaotique
Un printemps criblé de gel
Le vignoble a subi des vagues de froid et de gel (voir Figure 2A). Le 26 et 27 avril en Val de Loire et Bourgogne-Beaujolais, le gel a frappé des vignes en bourgeonnement :
- en Val de Loire, dans le Cher (appellation menetou-salon), la Nièvre (appellations côteaux-du-giennois, côteaux-de-tannay, côtes-de-la-charité, pouilly-fumé et pouilly-sur-loire) et le vignoble chablisien, dans l'Yonne (communes de Viviers, Béru, Chichée, Fleys et Chablis) ;
- en Côte-d'Or, sur 6 000 à 7 000 ha ; en Saône-et-Loire, de Dijon à Givry.
La période de gel est du 18 avril au 3 mai dans la Marne. Dans le vignoble champenois, 8 000 ha seraient touchés et un peu plus de 4 500 ha détruits, dont 4 000 ha dans la côte des Bar (Aube). Il a gelé aussi à Vertus (côte des Blancs), Saudoy et Savigny-sur-Ardres (vallée de l'Ardre).
Le gel du 25 avril au 2 mai a eu des impacts localisés en Gironde (à Saint-Caprais-de-Blaye et Arbanats) et Charente-Maritime.
Le 29 avril, les secteurs atteints sont le Bas-Rhin, le Puy-de-Dôme (une dizaine d'hectares sur Chalus, Vic-le-Comte et Flat) et, au sud, le Var (communes de Besse-sur-Issole et Saint-Maximin-la-Sainte-Baume) et l'Aude.
Par ailleurs, dans l'Allier, les Bouches-du-Rhône, la Charente, la Drôme, le Jura, le Lot, le Haut-Rhin et le Vaucluse, des parcelles sont légèrement frappées par le gel.
Vignobles atteints par la grêle
De mi-avril à fin mai, de nombreux orages de grêles se sont abattus (voir Figure 2B) :
- le 13 avril dans les départements du Bas-Rhin, de la Saône-et-Loire, des Pyrénées-Orientales et du Tarn-et-Garonne ;
- le 17 avril, sur l'appellation hermitage à Tain-l'Hermitage, à Tournon, à Saint-Jean-de-Muzols et à Mercurol, et dans trois communes du Jura (Lons-le-Saunier, Lavigny et Mantry) ;
- le 1er et le 2 mai, dans le Var (Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, après le gel, et Brignoles) et l'Hérault (Autignac, Laurens, Puimisson, Bousque) ;
- le 13 mai en Saône-et-Loire, dans le Mâconnais (3 000 ha) et à nouveau dans le Jura ;
- le 5 mai dans le Tarn-et-Garonne, dans la commune de Quercy ;
- du 27 au 30 mai dans l'Yonne (deux tiers du vignoble de l'Auxerrois et un tiers du vignoble chablisien), le Rhône, le Cognac, la Gironde, le Puy-de-Dôme (7 ha), le Bas-Rhin et l'Aude.
Dans le Beaujolais, quatre communes (Chiroubles, Fleurie, Villié-Morgon et Lancie) sont concernées. Dans le Cognac, 8 000 ha. En Gironde, plusieurs communes, notamment Vayres (700 ha), présentent des parcelles atteintes. En Alsace, des communes (Barr, Gertwiller et Heiligenstein) ont des parcelles touchées.
Dans la commune de Ladern (Aude), des dégâts sont présents sur vignes touchées :
- le 2 juin, dans l'Hérault (dans les mêmes secteurs qu'à la date du 2 mai) et également dans l'Aube, dans le Barséquanais ;
- les 16 et 17 juin, dans la Drôme, l'Ardèche et la Gironde (Lussac et Puynormand) ;
- le 24 juin, le vignoble auxerrois de nouveau, touché aux deux tiers ;
- le 17 août, dernier événement sur le vignoble du Pic-Saint-Loup (non représenté sur la carte), la moitié de l'AOC, soit 1 000 ha, aurait été détruite.
Une campagne en retard
La vigne affichait fin août 2016 un retard moyen de 8 à 15 jours comparé à la campagne 2015 qui avait été précoce (en moyenne : 8 à 15 jours d'avance). Ce retard persistait mi-septembre.
L'hiver doux avait pourtant permis à la vigne de débourrer tôt. Mais la plupart des vignobles ont connu de forts à-coups de croissance et des ralentissements en mai et en juin. La végétation a pris du retard. Mi-juin, 80 % des cépages avaient 8 à 15 jours de retard.
À partir de mi-juin-début juillet, la période a été chaude et sèche. En Languedoc-Roussillon et Provence, de jeunes plantations se sont desséchées et ont dépéri. La sécheresse inquiète et pourrait bloquer les maturités dans ces secteurs. Reste à attendre les vendanges et les résultats qualitatifs et quantitatifs de la récolte pour déterminer les dégâts réels.
Après les épisodes de pluie répétés en mai jusqu'à mi-juin, des phénomènes physiologiques atypiques sont apparus dans différents vignobles : la vigne a créé des racines aériennes (photo 1). Ce phénomène a été noté notamment en Gironde par la coopérative Inovitis, dans l'AOC Limoux par la Cavale, et dans le Val de Loire par AX'Vigne.
Maladies cryptogamiques
Mildiou : très offensif au printemps
L'année 2016 a été marquée par une pression mildiou exceptionnelle, similaire à 2012, voire plus importante.
Les précipitations d'avril ont permis aux oeufs d'hiver d'acquérir leur maturité tôt (mi-avril) avec des vignes plus (sud-est) ou moins (est) réceptives. Les pluies de fin avril sont à l'origine des contaminations primaires. En Maine-et-Loire, Bourgogne, Champagne, Alsace (secteurs les plus touchés), les contaminations primaires sont très fortes et précoces (fin avril-début mai).
En général, des symptômes intenses sur feuilles apparaissent entre le 5 et le 15 mai suivant les régions. Il s'en suit des contaminations secondaires de mi à fin juin vu la fréquence et l'intensité de précipitations. Dans le Val de Loire et l'est, les contaminations se prolongent jusqu'à mi-juillet. Dans l'Yonne, le Gers et la Marne, les coopératives notent une pression printanière exceptionnelle, donc des cadences de traitements difficiles à réduire à cause d'épisodes pluvieux et venteux (sud-ouest). Des viticulteurs n'ont pas pu entrer dans les parcelles et réaliser leur renouvellement à cause d'éléments climatiques. En 2016, personne n'était à l'abri d'échecs de protection.
Les viticulteurs ayant démarré leur traitement tôt ont obtenu une protection efficace. Ce sont les trois à quatre premières interventions (fin avril à début juin) qui ont permis la protection du vignoble. Dès que ces premiers traitements n'ont pas été positionnés de façon préventive avant une pluie contaminatrice, les viticulteurs ont peiné face au mildiou durant toute la campagne.
En résumé (voir Figure 3A), nous sommes sur la même dynamique du bioagresseur dans tout le vignoble, mis à part dans les départements du sud et sud-est qui ont subi une pression moyenne. Les pluies de fin mai ont provoqué de fortes contaminations, gérées par la protection. Ensuite, la situation estivale sèche a atténué la pression mildiou avant les vendanges dans tout le vignoble.
Oïdium
Après une année 2015 à forte pression en oïdium, les viticulteurs ont démarré tôt leur programme de protection pour agir de façon préventive. Au final, la pression est qualifiée de moyenne et tardive (voir Figure 3B). Les premières sorties de symptômes ont été observées de fin juin à mi-juillet pour la plupart des vignobles, sur des vignes en post-floraison, donc un peu moins sensibles à ce bioagresseur.
En Val de Loire, avec une protection black-rot précoce à la suite de l'année 2015, les parcelles ont été bien couvertes contre l'oïdium arrivé fin juin avec une pression faible à moyenne. Dans le sud-ouest, notamment dans les secteurs à fort oïdium (Gers), la pression est faible à moyenne. En Haute-Garonne et Tarn-et-Garonne, elle a continué de monter courant août. Dans le sud-est, ce bioagresseur reste encore et toujours la préoccupation majeure des viticulteurs. Globalement, les foyers ont été bien maîtrisés. À l'est, la pression reste très faible en Champagne avec quelques symptômes en parcelles historiquement touchées, et moyenne en Alsace. Dans la vallée du Rhône, la pression est plus variable et s'accentue dans des secteurs inhabituels avec des foyers tardifs. Les positionnements des poudrages ont été difficiles avec des fenêtres d'intervention courtes. En Ardèche, les attaques du champignon ont été très virulentes.
La pression oïdium observée en 2016 est comparable aux années précédentes. La maladie a été globalement bien maîtrisée sur l'ensemble du vignoble.
Black-rot : la leçon de 2015 a porté
L'année 2015 avait marqué la filière viticole par sa forte pression black-rot. Pour la plupart du vignoble, hormis le sud-ouest et sud-est, la pression a été faible en 2016 et maîtrisée (Figure 4). L'historique de 2015, qui a marqué les esprits, a eu pour effet un démarrage précoce des protections dans les secteurs historiques préconisé par toute la profession. Cette protection préventive contre le black-rot avant les pluies contaminatrices a été efficace. Certains échecs ont été vus dans les parcelles à fort historique dans l'Yonne, le Rhône et l'Ardèche.
Pour le vignoble du sud-ouest et du sud-est, des pressions moyennes à fortes ont été notées. Les conditions du printemps (orages et pluviométries) et l'historique 2015 ont permis un inoculum fort en début de saison. Il a fallu, pour maîtriser les nouvelles attaques de black-rot dans ces parcelles, réaliser une protection impérativement préventive avant les pluies contaminatrices dès le début de la réceptivité de la vigne (deux-trois feuilles étalées). Là où la protection a été plus tardive, de fortes attaques ont été vues dans le Gard et l'Hérault. Des déconversions AB ont eu lieu dans ces départements l'an dernier à la suite des échecs de protection ; les référents techniques s'inquiètent à nouveau cette année à ce sujet. La saison estivale sèche a permis de bloquer le champignon comme pour le mildiou.
Botrytis : l'été l'a tué
La sécheresse estivale du mois d'août et septembre dans tout le vignoble français semble avoir limité le botrytis. Les régions sensibles à ce bioagresseur, l'est, le Val de Loire et le sud-ouest, présentaient une pression nulle à faible fin août. Dans l'Yonne, des attaques précoces sur chardonnay ont été notées sur un tiers des surfaces. Le retour des pluies du mois de septembre, avant les vendanges tardives, pourrait faire apparaître dans certains secteurs de la pourriture grise...
Excoriose
Cette année, la pression de l'excoriose a été évaluée moyenne par le réseau. Les conditions printanières très arrosées ont favorisé l'expression de cette maladie. Les dégâts sont en progression dans le sud-ouest en Tarn-et-Garonne (82), Haute-Garonne (31) et dans le sud-est, dans l'Hérault (34). Dans le Rhône, des foyers ont été observés dans les parcelles historiquement touchées en 2015. En fonction des dégâts historiques et de la pression moyenne à forte de la parcelle, un traitement a été conseillé et a suffi pour bien maîtriser la maladie.
Maladie à vecteur
Flavescence et cicadelle
La pression de Scaphoideus titanus, le vecteur de la flavescence dorée, est illustrée dans la Figure 5.
En Alsace, l'union de coopératives Vitisphère Alsace a découvert des larves de cette cicadelle dans une parcelle de riesling à proximité de Colmar. Des dénombrements ont été opérés sur la parcelle et sept parcelles voisines. La pression s'est avérée faible : la cicadelle semble en cours d'installation. Aujourd'hui, le phytoplasme de la flavescence dorée semble à ce jour absent mais dorénavant le vecteur est présent... Espérons que les mesures prises permettront d'éviter l'introduction du phytoplasme. En revanche, la maladie s'est étendue ailleurs en France avec de nouveaux cas détectés. Un cep atteint a été découvert dans le Vouvray (Indre-et-Loire) cet hiver sur une jeune plantation sur chenin. La communication et la lutte obligatoire ont été déployées. La cartographie ne représente pas ces deux nouveaux secteurs, nous attendons plus de détails cette fin d'année.
Pour les secteurs actuellement en lutte obligatoire, il est difficile à ce jour de savoir si les foyers sont en extension ou en stagnation.
Ravageurs
Les tordeuses
Les vols de cochylis ont été perturbés par les conditions humides du printemps. Généralement, les pressions sont faibles. La G1 s'est avérée forte en Maine-et-Loire. En Champagne, les dégâts ont été rares. En Charente, les vols ont été faibles et étalés. Globalement, les produits phytosanitaires utilisés contre la flavescence dorée dans les secteurs en lutte obligatoire ont maîtrisé les cochylis. En Alsace, la G2 n'a pas été systématiquement traitée. Pour la G3, aucun traitement n'a été relevé. La pression 2016 est évaluée nulle à faible avec peu de dégâts.
La pression eudémis 2016 a été estimée nulle à faible, sauf dans le sud-est où la pression est moyenne à forte dès la G1, la G2 importante et l'apparition de la G3 étalée de mi-juillet à début août avec des piégeages très importants. Cette génération semble s'être développée jusqu'aux vendanges.
Dans le sud-ouest, un traitement a été conseillé sur la troisième génération. En Gironde, la pression a été exceptionnelle : la G1 a démarré avec des piégeages importants, la G2, longue, a induit des dégâts (> 100 perforations/100 grappes). La G3 n'en termine plus à l'approche des vendanges. Heureusement, la faible pluviométrie estivale ne semble pour l'instant pas engendrer de dégâts de pourriture grise.
En Corse, même constat que dans le sud-est, des suspicions d'apparition d'une génération 4 posent question, notamment à la suite de leur présence pendant les vendanges. À noter que dans le sud-est, une autre tordeuse nommée cryptoblabes est localement surveillée dans les secteurs des Costières-de-Nîmes (commune de Saint-Gilles) et le sud-ouest du département du Gard (commune de Vergèze).
Ravageurs secondaires
La cicadelle des grillures montre cette année une pression faible notamment sur les secteurs les plus sensibles. Cela semble dû principalement à une forte sécheresse estivale.
Autres ravageurs secondaires, les acariens d'été et de printemps, les cicadelles pruineuses, les cochenilles et les araignées reviennent sur le devant de la scène.
On remarque une montée de l'érinose (phytopte) et de l'acariose dans le sud-est et l'est du vignoble français. Les traitements soufrés permettent en général de bien maîtriser ces phytoptes.
Ces recrudescences de ravageurs secondaires sont probablement la conséquence de plusieurs facteurs :
- abandon des traitements au soufre en début de programme ;
- emploi important des insecticides - famille des pyréthrinoïdes - contre la cicadelle de la flavescence dorée, provoquant une destruction de la faune auxiliaire.
Gestion des adventices
Pourquoi la pression augmente
L'entretien des sols devient de plus en plus complexe, comme le montre la Figure 6. La pression d'adventices ne cesse d'augmenter à cause de retraits de certains herbicides et de la réglementation limitant l'utilisation des autres herbicides. De nombreux échecs de désherbage sont constatés avec les molécules disponibles actuellement sur le marché. De plus, les conditions climatiques hivernales douces n'ont pas limité la flore.
Des espèces problématiques
Certaines adventices sont particulièrement à signaler : les amarantes, séneçons, liserons, ray-grass, érigérons, géraniums, laiterons sont en extension. Les chardons, ray-grass, érigérons et géraniums sont les espèces les plus « difficiles à maîtriser » cette année. Les érigérons sont difficilement contrôlables et les efficacités des molécules autorisées sont de plus en plus basses.
On remarque les géraniums : ils n'étaient pas signalés en 2015, mais en 2016, notamment à cause de l'interdiction des produits à base d'aminotriazole (amitrole) fin 2015, leur recrudescence est observée.
Dans les secteurs où la résistance au glyphosate est avérée sur ray-grass et érigéron, les viticulteurs se retrouvent dans l'impossibilité de contrôler ces adventices. Il est donc impératif, au vu de ce constat, de continuer à bien positionner les traitements de post-levée à des stades précoces des plantules.
Penser alternatif
La nécessité d'une montée en compétences de la profession en méthodes alternatives (enherbement, désherbage mécanique...) commence à se faire ressentir.
Fig. 1 : Le pool vigne
Ce bilan de campagne viticole a été réalisé grâce à une enquête qualitative auprès des 33 coopératives d'approvisionnement viticole du réseau d'InVivo, le « pool vigne ». Les référents techniques de ces structures ont répondu fin août, 94 % d'entre eux nous ont retourné ce questionnaire. Ainsi, certains départements et appellations ne seront pas représentés. Dans les cartographies, les départements non coloriés sont des secteurs pour lesquels nous n'avons pas pu avoir de retour ou aucune coopérative n'est représentée.
Fig. 2 : Accidents climatiques : point au 15 juin 2016
Estimation des dommages causés par les gels de printemps et la grêle dans les parcelles touchées.
Fig. 3 : Estimation qualitative des pressions mildiou et oïdium en 2016
A. La pression de mildiou au printemps a été précoce et très forte dans la grande majorité des vignobles.
B. La pression de l'oïdium a été plus tardive et forte seulement dans neuf des 33 départements enquêtés.
Fig. 4 : Estimation qualitative de la pression black-rot, comparaison 2015 et en 2016
L'an dernier, la maladie avait surpris et frappé. 2016 est plus calme. Ci-dessous, black-rot sur grappe.
Fig. 5 : Estimation de la pression de la cicadelle de la flavescence dorée
Certes, la présence de cet insecte (Scaphoideus titanus) ne signifie pas celle de la flavescence. Mais, en contact avec un cep porteur, la cicadelle transmettra le phytoplasme responsable de la maladie.