Les laboratoires Goëmar développent depuis quarante ans des filtrats d'algues de l'espèce Ascophyllum nodosum. Un de ces actifs appelé « filtrat d'algues (GoActiv) » est préconisé sur vigne en encadrement de la floraison en tant que biostimulant. Comment fonctionne-t-il ? Réponses.
Des effets constatés
Sur la floraison de la vigne
GoActiv est homologué en tant qu'additif agronomique à base de filtrat d'algues de type stimulateur de croissance et/ou de développement des plantes. Il est issu d'un process de fabrication exclusif.
Cette préparation permet au viticulteur de sécuriser sa production en évitant les accidents au moment de la période de la floraison et fructification. Le millerandage et la coulure sont évités ; le nombre de baies par grappe est alors augmenté.
L'université de Bordeaux a corrélé ces observations agronomiques à l'augmentation des polyamines, hormones de la floraison responsables de la fructification. L'homogénéité des calibres des baies et des stades de maturité est aussi améliorée.
Au stade de la vendange
Les applications de ce filtrat en encadrement de la floraison ont donc un impact sur la fructification. Elles en ont aussi sur des paramètres plus tardifs, mesurés seulement au moment de la vendange :
- l'homogénéité des calibres et des stades ;
- des critères qualitatifs, dont le taux d'anthocyanes.
Il était nécessaire d'expliquer ces bénéfices agronomiques observés tardivement à la récolte.
L'université de Bordeaux a donc étudié l'impact des applications du filtrat d'algues de Goëmar en encadrement de la floraison au vignoble sur le métabolisme des anthocyanes.
La maturation phénolique
Date de vendange : un compromis entre paramètres
Après la maîtrise des conditions de production, la détermination de la date optimale de récolte est le facteur primordial pour la qualité du vin futur. En effet, au cours de la maturation, la qualité du raisin augmente, atteint un optimum, puis diminue.
La maturité optimale dépend du type de vin recherché et le contrôle de maturité doit donc intégrer une approche descriptive par les critères d'évaluation de la qualité du raisin, mais également dynamique par son évolution au cours du temps.
Les composés phénoliques de la pellicule, pilier de la qualité des vins rouges
Les principaux piliers de la qualité du raisin reposent sur les composantes de la pulpe que sont les sucres et l'acidité, mais aussi sur ceux de la pellicule que sont les composés aromatiques et les composés phénoliques pour les vins rouges.
Dans le cas particulier des cépages rouges, l'évaluation de la maturation phénolique est devenue, depuis les années 1990, un critère tout aussi important que la teneur en sucre ou en acides organiques.
Au cours de la maturation, les teneurs en polyphénols évoluent. La concentration en anthocyanes augmente à partir de la véraison, est maximale à maturité puis décroît lors de la surmaturation. La maturité idéale est celle où la concentration maximale en anthocyanes coïncide avec le rapport sucre/acidité optimum (voir Figure 1).
Autrefois, les viticulteurs récoltaient trop tôt, ne permettant pas aux composés colorés de s'accumuler suffisamment. De nos jours, grâce aux progrès effectués et à la modification des conditions climatiques, les faibles teneurs en sucres ne sont en général plus un problème, mais le décalage entre l'évolution des sucres et les anthocyanes est souvent noté.
La décision de récolte sera de façon générale retardée par rapport à un choix effectué uniquement sur la base des degrés et de l'acidité totale.
Biosynthèse complexe
Cela peut modifier le profil gustatif obtenu. Constituants majeurs des vins responsables de certaines de leurs caractéristiques organoleptiques, les composés phénoliques présentent une grande diversité de structures et sont divisés en flavonoïdes et non flavonoïdes.
Parmi les flavonoïdes, les anthocyanes sont particulièrement importants en oenologie puisqu'ils constituent les pigments rouges du raisin. En s'accumulant dans la pellicule au cours de la maturation, ils sont de bons indicateurs de la maturité phénolique de la baie de raisin et du potentiel colorant qui s'exprimera lors des processus de vinification. Chez la vigne, leur biosynthèse est complexe. Elle a été décrite pour la première fois par Sparvoli et al., 1994 (voir Figure 2). De nombreuses études se sont intéressées aux mécanismes d'activation et de régulation des enzymes impliquées (in Texeira et al., 2013).
Au cours de son développement, la baie accumule les composés phénoliques (tannins et anthocyanes), selon une localisation spatio-temporelle spécifique. Celle-ci exige un fonctionnement de la chaîne en complexe multi-enzymatique (PAL, CHS, C4H, CHI, 4CL, CHI, F3'H, F3H, FLS, DFR, LDOX, ANR, LAR, UFGT) et une activation précoce des premières étapes dès la nouaison (Gagné et al., 2009, Lacampagne 2010), permettant la synthèse des tannins dans la baie verte puis celle des anthocyanes à partir de la véraison.
Favoriser la synthèse des anthocyanes précocement
Augmenter le potentiel phénolique
Selon l'environnement et le fonctionnement physiologique de la plante, le maximum des anthocyanes peut coïncider avec le rapport optimum sucre/acidité totale, définissant ainsi la maturité optimale, mais il peut aussi être situé avant ou après. Certaines conditions environnementales ou pratiques culturales (bonne nouaison, légère contrainte hydrique post-nouaison, exposition des grappes au soleil progressive) favorisent la synthèse des polyphénols et l'augmentation du potentiel polyphénolique (Seranno et al., 2001). L'homogénéité des grappes est également un facteur favorable à la qualité des tannins et des anthocyanes (Lacampagne et al., 2010).
Trois années d'expérimentation
Le filtrat d'algues (GoActiv) est un actif reconnu pour son activité sur les enzymes de la nutrition et sur la synthèse des polyamines. Nous avons donc testé l'effet d'applications de ce produit à des stades différents : grappes séparées, pleine floraison et nouaison dans le but de sécuriser la floraison.
Les tests ont eu lieu dans une parcelle de 1,5 ha de merlot sur sols graveleux calcaires en zone d'appellation pessac-léognan. La parcelle âgée d'une trentaine d'années, conduite de façon conventionnelle, produit de 50 à 55 hl/ha suivant le millésime.
Les trois applications de filtrat d'algues en encadrement de floraison ont été réalisées par le viticulteur pendant trois années consécutives (2014, 2015 et 2016), sur une partie de la parcelle (1 ha), la partie adjacente servant de témoin de comparaison.
Pour rechercher le mode d'action du filtrat d'algues sur le métabolisme phénolique, le suivi par PCR-Quantitative de l'expression de deux gènes (VvPAL et VvUFGT) de la voie métabolique des anthocyanes a été mené durant les trois années de travail. Pour confirmer les résultats, un suivi de maturité phénolique (méthode Glories) a été réalisé en 2016.
Résultats des tests : effets visibles
Les applications du filtrat d'algues conduisent à une accumulation plus précoce d'anthocyanes totales dans les baies issues des plantes traitées (Tableaux 1 et 2 ; Figure 3) limitant ainsi le décalage entre maturité technologique et phénolique. En 2016, il existe au 29 août un décalage de niveau de maturité entre parcelles témoins et traitées, ces dernières présentant de l'avance. La mi-véraison des baies issues de pieds traités a été atteinte plus tôt et l'accumulation des composés d'intérêt a été plus précoce que chez ceps témoins. L'acidité totale est plus basse chez les ceps traités et les teneurs en sucres légèrement plus hautes sans que cela soit réellement significatif. L'effet le plus marqué s'observe sur la biosynthèse des anthocyanes totales (Aph1), nettement plus importante chez les ceps traités.
Une semaine après (le 7 septembre), le décalage au profit des zones traitées se confirme : ces dernières présentent de l'avance en terme de maturité technologique et phénolique. L'acidité totale est plus basse chez les ceps traités et les teneurs en sucres légèrement plus hautes. La biosynthèse des anthocyanes totales (Aph1) est plus importante chez les ceps traités avec une structure tannique plus charnue ; en revanche, l'extractibilité est plus faible. Une semaine avant la vendange (le 26 septembre), aucun décalage significatif n'est observé entre traitements, les ceps témoins ont rattrapé le retard. La maturation n'évolue plus depuis deux semaines. Les légères évolutions de concentration sont dues à des phénomènes chimiques et non plus physiologiques.
Effets à l'échelle de l'expression des gènes
Cet avancement du début de maturation et l'accumulation d'anthocyanes plus précoce favorisant le potentiel colorant résultent de la stimulation de deux gènes spécifiques de la voie de biosynthèse des anthocyanes : la phénylalanine ammonia-lyase (PAL), première enzyme de la voie des composés phénoliques qui s'accumule dès le stade bouton floral (Figure 4) et la flavonol 3-O-glucosyltransferase (UFGT), responsable de la synthèse des anthocyanes qui s'accumulent à partir de la véraison (Figure 5).
Ainsi, en activant précocement l'expression de ces gènes, l'application du filtrat d'algues induit une coloration plus précoce sans modifier les caractéristiques technologiques de la vendange. Cela permet de faire coïncider plus facilement le maximum des anthocyanes avec celui du rapport sucre/acidité totale.
Ces résultats permettent d'approfondir la connaissance sur le mode de fonctionnement du filtrat d'algues (GoActiv) appliqué précocement en encadrement de la floraison. Ce filtrat ayant stimulé deux gènes spécifiques de la voie des composées phénoliques, la PAL et l'UFGT, cette stimulation a conduit à une synthèse des anthocyanes plus précoce. L'accumulation d'anthocyanes atteint son potentiel maximal plus rapidement, donc offre au viticulteur une meilleure adéquation entre maturité phénolique et maturité technologique.
Dans le but de mieux appréhender la réglementation et de donner le maximum de garanties aux utilisateurs, les laboratoires Goëmar au sein du groupe Arysta LifeScience continueront les investigations afin de mieux comprendre les mécanismes physiologiques mis en place après des applications de leur filtrat d'algues en encadrement de floraison.
*Laboratoires Goëmar/Arysta LifeScience. **ISVV-Université de Bordeaux, unité de recherche oenologie, Inra IPB.
Fig. 1 : Évolution des composés d'intérêt dans la baie de raisin
L'idéal : faire coïncider le taux maximal d'anthocyanes et le rapport sucre/acidité optimum.
Fig. 2 : Voie de biosynthèse simplifiée des flavonoïdes adaptée de Sparvoli et al. (1994) et Texeira et al. (2013)
Noter la complexité de ce processus, même présenté de façon simplifiée !
Fig. 3 : Effet du filtrat d'algues sur les anthocyanes
Évolution des anthocyanes totales (ApH1) sur cépage merlot au cours du millésime 2016. L'accélération de la synthèse induite par le produit est visible.
Fig. 4 : Mode d'action du produit : effet sur une étape précoce de la synthèse des composés phénoliques
Expression relative du gène VvPAL, celui de la première enzyme impliquée dans la voie de synthèse des composés phénoliques en général, au cours du développement de la baie de merlot. Les traitements ont eu lieu en encadrement de floraison.
* Stades où les deux modalités (témoin vs traitée) sont significativement différentes selon le test de Mann-Withney (pour α = 0,1 %).
Fig. 5 : Mode d'action du produit : effet l'étape de rougissement des baies
Expression relative du gène VvUFGT, celui d'une enzyme responsable de la synthèse des anthocyanes après la véraison au cours du développement de la baie de merlot. Les traitements ont eu lieu en encadrement de floraison.
* Stades où les deux modalités (témoin vs traitée) sont significativement différentes selon le test de Mann-Withney (pour α = 0,1 %).