Rencontrer Massimo Giudici ? C'est le cueillir entre une tournée dans les vignobles de Charente et de Cognac où notre maître tailleur opère, et un avion qui l'embarque pour quatre semaines en Argentine, où la saison de l'épamprage débute.
Quel rapport entre le métier de maître tailleur et la santé végétale ? Le voici : l'expression des maladies du bois de la vigne n'est pas seulement l'effet de contaminations des ceps après la taille par un complexe cryptogamique ainsi que des stress climatiques subis par la plante. C'est également, citons Massimo Giudici, « le résultat d'obstacles que trop souvent la taille engendre et interpose dans les flux de circulation de la sève ».
Prophylaxie et production
Rendre la taille la moins mutilante possible, en particulier dans le cas de la conduite en Guyot, est un moyen de prévenir ces maladies et/ou d'en atténuer les effets. La taille est facteur de prophylaxie autant que de production...
Il y a quinze ans, Phytoma publiait(1) un article dans cet esprit sur l'intérêt de la taille Guyot Poussard, variante de la taille Guyot. Puis, en mars 2017, la revue exposait les premiers résultats(2) d'une étude menée par l'ISVV(3) de Bordeaux, en collaboration avec la société Simonit & Sirch.
Coécrit par les « maîtres tailleurs de vigne » de cette société, cet article présentait un grand intérêt... Une rencontre s'imposait.
Ce fut avec Massimo Giudici, sur l'un des domaines de Pessac-Léognan où nos maîtres tailleurs sont consultants (Château Haut-Bailly).
Lors de cet entretien, la vendange était finie, le moment de la taille encore lointain...
Outil multimédia
Disons-le d'emblée, Massimo Giudici est un passionné. Précisons : Tommaso Martignon, l'un de ses collègues rencontré pendant cette visite, et lui, sont passionnants. Ces messieurs vous racontent la vigne, son fonctionnement, la relation du cep avec son porte-greffe, le cas de la Bourgogne, « parce que dans les sols de Bourgogne, une taille poussant à la production est épuisante », aussi bien que les terres graveleuses des Graves et du Médoc, les flux de sève, les tissus, le bois vivant et le bois mort, « les cicatrices de l'épamprage brutal et celles des coups de sécateurs »...
Et comme ils sont également formateurs, ils ont avec eux leur outil pédagogique multimédia. Une prise de courant, un écran, et nous voici en train de construire une architecture, des architectures. Car si le Guyot est au coeur de l'étude publiée par l'ISVV et Simonit & Sirch, les maîtres tailleurs, qui vulgarisent la technique mise au point par Marco Simonit depuis trente ans, s'adressent également à d'autres tailles.
« Nous travaillons aussi sur le cordon de Royat, les gobelets, la conduite des chardonnays champenois en taille chablis, la pergola, etc. »
Diagnostiquer pour former
Quand Massimo Giudici intervient, c'est à la fois en consultant, avec examen et diagnostic du vignoble, et en formateur pour faire évoluer les pratiques de taille.
« Avant de former les vignerons d'une propriété, nous étudions la taille pratique sur le lieu même pour comprendre où l'on peut intervenir selon nos principes de bonne taille en faisant évoluer la taille sans la modifier totalement.
Ensuite, pour la partie théorique, nous préparons la formation, avec des photos et des coupes des pieds de la propriété, qui seront exposées en salle. Enfin, nous nous rendons à la vigne afin d'enseigner les nouvelles consignes. »
Par la suite, Massimo et ses collègues continuent d'intervenir.
« Nous assurons un accompagnement, tout au long de la saison - taille et épamprage -, avec des visites hebdomadaires. Cela permet d'effectuer un contrôle, de corriger les fautes et dissiper les doutes des vignerons. Cela nous fait voyager... Mais nous voyageons aussi "pour comprendre".
Diplôme universitaire
La méthode Simonit est une véritable méthode, avec des règles précises. Un guide détaillant cette technique a été publié en 2016(4).
Aujourd'hui, les formateurs « maîtres tailleurs » sont environ une vingtaine. Leur savoir-faire est sollicité en Champagne. « Pourtant la Champagne est très organisée, les formations de taille et greffage y mènent depuis soixante ans à un certificat d'aptitude et à un concours de taille et greffage », ai-je objecté.
« Là comme ailleurs, les excès du sécateur ont eu les mêmes conséquences », ont rétorqué Massimo et Tommaso.
Il y a quelques années, Denis Dubourdieu, directeur de l'ISVV (décédé en 2016), a estimé que Bordeaux et sa recherche (l'ISVV, l'Inra, Bordeaux Sciences Agro) se devaient de promouvoir une formation à la taille et à l'épamprage, à la physiologie de la vigne. Une formation diplômante, universitaire, aboutissant au « diplôme universitaire de taille et épamprage de la vigne » (DUTE). Cette formation en trois parties aboutit en outre à la maîtrise des chantiers et la conduite d'équipes de personnels travaillant au vignoble.
À l'heure où sont écrites ces lignes, Massimo Giudici se trouve en Argentine. Nous l'imaginons avec gants et sécateur, le verbe clair et un grand sourire. Nous le savons excellent pédagogue. Ciao Massimo !
(1) « Tailler contre l'esca », Phytoma n° 554, novembre 2002, p. 23 à 27, par R. Geoffrion et I. Renaudin, de la protection des végétaux d'Angers.(2) « Vigne : pourquoi tailler moins ras aide à freiner l'esca », Phytoma n° 702, p. 38 à 41. (3) Institut des sciences de la vigne et du vin.(4) Guide pratique de la taille Guyot, Éditions France Agricole. Illustré par quelque quatre cents figures (schémas et photos).