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Sur le métier

Fabrice Nicolas développe des tissus pour les EPI phyto

PAR CHANTAL URVOY - Phytoma - n°712 - mars 2018 - page 52

Directeur commercial de TDV Industries, fabricant de tissus pour vêtements professionnels,Fabrice Nicolas s'est penché sur la question de la protection des applicateurs de produits phytosanitaires. Après quatre années de réflexion avec les acteurs de la filière et de recherche en interne, une gamme de cinq tissus a vu le jour. Les premiers EPI répondant à la norme ISO 27065, validée fin 2017, sont maintenant sur le marché.
 Photo : C. Urvoy

Photo : C. Urvoy

Bien qu'ayant une formation d'ingénieur textile, donc technique, Fabrice Nicolas, 50 ans, a presque réalisé toute sa carrière en tant que commercial chez TDV Industries. Mais grâce à sa première expérience technique, il connaît bien le métier, ce qui lui a permis de prendre le dossier « EPI phytosanitaires » à bras-le-corps. Basée à Laval, l'entreprise familiale emploie 160 personnes et fabrique les tissus nécessaires à la confection de vêtements professionnels (BTP, Armée, agriculture...), en maîtrisant toute la chaîne, de la balle de coton ou de polyester à la teinture et à la finition.

« Le maître-mot aujourd'hui, c'est le confort, pour que le personnel puisse porter son vêtement de travail comme ses vêtements de ville !, affirme Fabrice Nicolas. Notre défi est donc de réaliser des tissus confortables, pas trop chers, et en même temps très protecteurs par rapport à certains risques et de plus, résistants au lavage. »

Tests au Prowl

Si Fabrice Nicolas connaît la filière agricole depuis longtemps grâce au tissu Velys destiné aux cottes de travail, il a mis le pied dans les EPI phytosanitaires seulement lors de l'année 2013.

« Les premiers tissus pour ces EPI ne sont commercialisés que depuis 2017, après la révision de la norme ISO 27065(1), validée en France fin 2017, qui a poussé nos clients à élaborer de nouveaux EPI. » Cette norme définit trois niveaux de protection. « Nous répondons seulement aux niveaux 1 et 2, le niveau 3 ne pouvant être assuré que par des solutions EPI étanches mono-usage. » Une autre norme (ISO 22608) décrit les tests à réaliser avec du Prowl 3,3 EC pour vérifier ces niveaux. Le niveau 1 requiert un taux de pénétration de l'herbicide inférieur à 40 %, tandis que pour le niveau 2, il doit être en dessous de 5 % auquel s'ajoute un niveau de déperlance supérieur à 80 %. « Ce n'est donc pas la même technologie qui répond aux deux niveaux. »

Tâtonnements

Il a fallu près de quatre ans pour mettre au point une gamme de tissus répondant à ces défis. « Deux, trois de nos clients ont commencé à s'intéresser aux EPI phytosanitaires. » Avec eux et le Synamap(2), auquel adhère TDV Industries, Fabrice Nicolas rencontre différents interlocuteurs concernés par le sujet dont l'UIPP, BASF Agro, les ministères de l'Agriculture et du Travail.

« Ils nous demandaient des EPI phytosanitaires mais nous n'avions pas de cahier des charges !, se souvient notre ingénieur. Et nos tissus pour les EPI du secteur de la chimie n'étaient pas forcément adaptés. » BASF teste alors différents types de tissu avec ses produits phytosanitaires.

« Nous sommes arrivés à la conclusion que l'idéal était un grammage d'environ 220 à 240 g/m², si possible traité déperlant. » À partir de cette base, la cellule R&D de TDV Industries (deux personnes) commence à travailler sur les tissus existants.

Finition spécifique

Fin 2016, deux tissus sortent du lot. Le S250, un tissu majoritairement coton (65 %) à 240 g/m², répond au niveau 1.

« Ce tissu est classique, donc facile à produire, et plus confortable que le Velys majoritairement en polyester. » Le tissu de niveau 2 a pour base le Highlands, un produit haut de gamme à 67 % polyester, donc très résistant, avec une fabrication particulière qui lui donne un aspect brillant. Une finition spécifique a alors été mise au point par TDV Industries pour répondre aux exigences de la norme. Un an de recherche et de nombreux tests au CTC(3) ont été nécessaires.

« Notre tissu ainsi traité résiste à trente lavages alors que chez certains de nos concurrents étrangers, c'est seulement quinze lavages. »

Zones chaudes

Le ministère de l'Agriculture souligne alors l'importance de l'aspect prix pour que les EPI soient utilisés massivement par les agriculteurs. Or le Highlands est plus cher que le S250.

« Nous avons alors testé notre composé de finition spécifique sur le Velys historique. » Après avoir passé les tests du niveau 2 avec succès, il est baptisé Velys + avec un coût moins élevé que le Highlands. « Nos interlocuteurs nous parlent alors de la problématique des EPI en zones chaudes (bananeraies, serres...). » Après quelques mois de recherche, TDV Industries sort deux nouveaux tissus : Raider + et RPCH 210+.

« Pour le Raider+, le grammage est passé de 240 g/m² à 180 g/m² afin de privilégier la respirabilité et le confort. Mais en contrepartie, il faut accepter une certaine fragilité du vêtement. »

Le RPCH 210 BB+ est à 210 g/m², élaboré à partir d'un tissu destiné à l'Armée pour les régions chaudes, alliant confort et résistance, avec un coût équivalent au Highlands.

Rester en veille

Début 2017, la gamme de cinq tissus (qui va s'appeler Phytotex) est homologuée par le CTC, puis présentée aux fabricants d'EPI et à la prescription agricole (notamment Invivo). « De son côté, l'UIPP a communiqué auprès de ses adhérents. Résultat : depuis quelques semaines, Dow et Syngenta nous ont demandé des échantillons pour réaliser des tests avec leurs propres produits. Les EPI phyto fabriqués avec nos tissus vont commencer à être réellement utilisés sur le terrain cette année. » Parallèlement, Fabrice Nicolas reste toujours en veille au niveau réglementaire et technique pour apporter les modifications qui seraient nécessaires, notamment après le retour des utilisateurs.

(1) Décrit les exigences de performance des EPI phytosanitaires.(2) Syndicat professionnel des fabricants d'EPI de tous secteurs.(3) Centre technique du cuir.

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BIO EXPRESSFABRICE NICOLAS

1991. Ingénieur textile de l'Ensait, à Roubaix (Nord).

1992. Successivement responsable qualité, laboratoire, achats produits chimiques et colorants, et teinture chez BTT (Blanchisserie et teinturerie de Thaon-les-Vosges).

1995. Attaché commercial, puis responsable grands comptes chez TDV Industries, à Laval (Mayenne).

2008. Directeur commercial France chez TDV Industries.

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