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VIGNE

Projet Safe Use Initiative Premiers résultats

CHRISTELLE STEF - La vigne - n°259 - décembre 2013 - page 30

L'UIPP et l'Irstea dévoilent un premier bilan du projet Safe Use Initiative visant à renforcer la sécurité des utilisateurs de produits phytosanitaires. Ils émettent de nouvelles recommandations.
LORS DES TRAVAUX EN VERT, les mains sont les organes les plus exposés à la contamination par des résidus de produits phytos présents sur le feuillage. Pour limiter les risques, l'idéal est de porter des vêtements couvrant et des gants. © P. ROY

LORS DES TRAVAUX EN VERT, les mains sont les organes les plus exposés à la contamination par des résidus de produits phytos présents sur le feuillage. Pour limiter les risques, l'idéal est de porter des vêtements couvrant et des gants. © P. ROY

Safe Use Initiative (utilisation sécurisée des produits) est un projet initié par l'industrie phytopharmaceutique européenne avec un objectif : améliorer la sécurité des utilisateurs de produits phytosanitaires. « La santé est au coeur de notre réflexion », précise Ronan Vigouroux, chef de projet à l'UIPP (Union des industries de la protection des plantes).

En France, le projet a été lancé en 2010 et les travaux ont démarré en 2011 en Gironde sur la vigne. L'UIPP a travaillé avec différents partenaires institutionnels, des fabricants de matériels et d'équipements de protection individuelle, la cave coopérative des Hauts de Gironde et des châteaux bordelais. De son côté, l'Irstea (Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture) a réalisé des tests sur les incorporateurs et les cabines filtrantes.

Dans un premier temps, les acteurs du projet ont effectué une enquête téléphonique auprès d'une centaine de viticulteurs qu'ils ont complétée par une trentaine d'entretiens sur le terrain pour appréhender leurs manières de travailler. Ensuite, ils ont étudié leurs pratiques lors des travaux en vert, de la préparation des bouillies de traitement, du remplissage des pulvérisateurs et de l'application des produits. Voici ce qu'il faut retenir de leurs observations.

Travaux en vert : L'hygiène est primordiale

Premier constat : « La réglementation est bien connue, voire très bien connue des viticulteurs. Et mis à part de rares exceptions, elle est respectée », se réjouit Ronan Vigouroux. Les viticulteurs sont particulièrement attentifs aux délais de rentrée dans les parcelles après un traitement. « Pour les respecter, soit ils coupent leur exploitation en deux et traitent la première partie une semaine et l'autre la semaine d'après, soit ils traitent les vendredis. Mais ce n'est pas parce que 48 heures se sont écoulées qu'il n'y a plus aucun risque d'exposition à des traces de produit présent sur le feuillage. Certes, ces expositions sont mineures, mais cela n'empêche pas de prendre des précautions », prévient Ronan Vigouroux.

Lors de la taille, les salariés ne sont pas exposés. Les acteurs du projet se sont donc focalisés sur la période végétative. « Nous avons cherché à savoir à quel moment il est important de se protéger. Nous avons également noté quelles sont les parties du corps les plus touchées et quels équipements de protection peuvent réduire les contaminations sans que ce soit très contraignant », ajoute-t-il.

Résultats des observations : au moment de l'épamprage, lorsque la vigne n'a que quatre à cinq feuilles étalées, le risque est minime. C'est lors du relevage que les travailleurs sont les plus exposés à la contamination par les produits phytosanitaires présents sur le feuillage. Et cette exposition n'est pas la même par temps sec et par temps humide, car lorsqu'il pleut ou qu'il y a de la rosée, les produits peuvent repartir en solution. Les risques de contamination sont alors plus élevés.

Après un relevage, de tous les organes du corps, les mains sont les plus contaminées. « Cela corrobore d'autres observations », souligne Ronan Vigouroux. Les avant-bras et les cuisses peuvent également porter des traces de produits phytosanitaires, mais pas le dos.

Ces constats dressés, les acteurs du projet ont demandé aux salariés de tester différents vêtements et gants de protection. « Nous avons vu que les gants limitent l'abrasion et les écorchures de la peau, rapporte le chef de projet. Or, celle-ci joue mieux son rôle de barrière si elle n'est pas irritée. Le port des gants est plutôt bien accepté. Et de plus en plus de travailleurs les mettent. C'est plutôt rassurant. » Désormais, l'UIPP recommande de porter des gants en tissus enduits de nitrile sur la paume par temps sec et des gants étanches en nitrile par temps humide.

Pour les vêtements, le principe retenu est le port d'une tenue couvrante et « respirante », même par temps chaud, c'est-à-dire un tee-shirt à manches longues et un pantalon plutôt qu'un débardeur et un short. Bien sûr, ces vêtements et gants doivent être lavés et renouvelés régulièrement.

Les acteurs du projet ont également constaté que les salariés se déplacent souvent avec leur propre voiture pour aller d'une parcelle à l'autre. De ce fait, ils contaminent leur habitacle. « L'idéal serait donc qu'ils aient deux caisses dans leur coffre : l'une contenant une tenue propre et l'autre dans laquelle ils déposeraient leurs vêtements sales. Ils pourraient ainsi se changer avant d'entrer dans leur voiture », indique Ronan Vigouroux.

L'UIPP a également noté que beaucoup de travailleurs n'ont pas de quoi se laver les mains dans les vignes. Or, ceux-ci ont besoin de faire des pauses pour boire, manger, fumer une cigarette ou téléphoner. Autant d'occasions de se contaminer le visage ou d'ingérer des résidus de produits. « Pour permettre aux gens de se laver les mains, nous avons testé différentes solutions, notamment un jerrican d'eau avec un petit robinet posé en bordure de parcelle. Cela a été très bien accepté », constate le chef de projet.

Remplissage des pulvérisateurs : Plus sûr avec un incorporateur

L'UIPP et l'Irstea ont observé les viticulteurs préparer leurs bouillies. À cette occasion, ils ont constaté que les incorporateurs limitent grandement la fatigue et le contact avec les parties souillées sur le pulvérisateur. Mais beaucoup de viticulteurs n'en possèdent pas et ceux qui en ont un l'utilisent uniquement pour les produits liquides car ils n'arrivent pas à dissoudre les produits solides.

Les acteurs du projet Safe Use Initiative ont donc effectué différents tests. Les résultats montrent qu'effectivement, on ne peut pas dissoudre les poudres (WP) dans un incorporateur. Mais c'est possible pour les produits granulés (WG). Simplement, « il faut travailler avec une pression d'eau de l'ordre de 8 bars », détaille Ronan Vigouroux. Ce dernier rappelle également que lors du remplissage, le port de gants et d'un vêtement couvrant, c'est-à-dire un tablier par-dessus la cote de travail, est requis. Et en fonction des produits, un masque et des lunettes peuvent être nécessaires.

Pour finir, les acteurs du projet ont regardé les éléments de conception du pulvérisateur qui limitent ou augmentent les risques de contamination des viticulteurs : accessibilité des manettes et du point de vidange, visibilité de la jauge et position du marchepied par rapport à l'orifice de remplissage. En partant de ces observations, ils travaillent à la mise en place d'un indicateur de sécurité des pulvérisateurs.

Traitement : la cabine réduit l'exposition

Les travaux de l'Irstea ont montré qu'une cabine filtrante sur le tracteur permet de réduire de plus de 80 % l'exposition aux produits phytosanitaires lors du traitement. Certes, ce sont les cabines les plus performantes - celles répondant à la norme EN 15695-1 niveau 4 - qui assurent la meilleure protection. Mais même si la cabine n'est pas récente, elle peut procurer un bon niveau de sécurité dès lors que son étanchéité est intacte et que les filtres sont changés régulièrement. De même, il faut éviter de contaminer l'intérieur avec des EPI souillés ou en y déposant des bidons. Il faut nettoyer régulièrement les cabines, y compris l'intérieur. « Il y a toujours des traces de produits sur la poignée, le volant ou le siège », indique Ronan Vigouroux, de l'UIPP.

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