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BONNES PRATIQUES

Utilisateurs de phytos Des recommandations adaptées au terrain

La vigne - n°201502 - février 2015 - page 4

L'UIPP et l'Irstea ont mené pendant quatre ans le projet Safe Use Initiative, visant à renforcer la sécurité des utilisateurs de produits phytosanitaires. Ils en tirent des recommandations plus adaptées aux réalités du terrain.
DES INCORPORATEURS MOBILES ou intégrés au pulvérisateur permettent d'ajouter les produits sans avoir à grimper sur l'appareil ni toucher la cuve. Les EPI, quant à eux, doivent être adaptés au risque. Sur cette photo, l'opérateur porte un masque car il prépare un traitement insecticide. © J.-C. GUTNER

DES INCORPORATEURS MOBILES ou intégrés au pulvérisateur permettent d'ajouter les produits sans avoir à grimper sur l'appareil ni toucher la cuve. Les EPI, quant à eux, doivent être adaptés au risque. Sur cette photo, l'opérateur porte un masque car il prépare un traitement insecticide. © J.-C. GUTNER

Achat d'un appareil

Soyez vigilant sur sa conception

Les pulvérisateurs peuvent présenter des défauts dans la conception, qui exposent l'utilisateur à des risques de contamination. « Cela peut être une cuve lave-mains située à proximité de la rampe et donc du nuage de pulvérisation, des filtres peu accessibles pour le nettoyage, un bouchon de vidange difficile à atteindre et à ouvrir, ce qui entraîne des contacts indirects avec des parties du pulvérisateur souillées et des éclaboussures de produit », détaille Sonia Grimbuhler, ingénieure, spécialiste de l'expologie à l'Irstea (Institut de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture). Le manque de visibilité ou de fiabilité de la jauge peut également amener le tractoriste à ouvrir le couvercle de la cuve en cours de traitement et à être intoxiqué par des vapeurs de produit. Les commandes de mise en oeuvre doivent, quant à elles, être accessibles et centralisées.

Un autre paramètre qui pourrait aussi être amélioré pour réduire l'exposition de l'utilisateur aux produits phyto : les alertes en cabine. « En voiture, vous êtes immédiatement alerté d'un problème par un signal sur le tableau de bord, mais ce n'est pas le cas sur un pulvérisateur où l'on est averti trop tard d'un bouchage ou d'un problème de débit. Le chauffeur est alors contraint d'intervenir en cours de traitement », note Renaud Cavalier, chef du service machinisme à la chambre d'agriculture du Gard.

Sonia Grimbuhler travaille à un indice de sécurité des pulvérisateurs en fonction de tous les paramètres essentiels pour préserver la santé des utilisateurs. « L'idée est de permettre au préventeur et à l'agriculteur de pouvoir comparer les modèles sur un salon, par exemple, au moyen d'une grille de notation sur smartphone, précise la spécialiste. Cet indicateur permet également aux constructeurs d'améliorer la sécurité de l'opérateur face au risque phytosanitaire lors de la conception d'un nouveau pulvérisateur. »

Remplissage du pulvé

Plus sûr avec un incorporateur

En versant directement la bouillie dans le pulvérisateur par l'orifice d'incorporation, l'utilisateur s'expose indirectement aux produits phytosanitaires en s'appuyant sur la cuve souillée. « Il ne faut pas épouser son pulvérisateur, indique Sonia Grimbuhler. La dimension et la position décalée du marchepied, sous la cuve, par exemple, génèrent des contacts du corps avec la cuve. Et il ne faut surtout pas poser le pied sur la roue, ni faire de contorsions. »

Au moment du remplissage, votre position doit être stable. Pour ça, « l'orifice de remplissage doit être situé au maximum à 1,30 m de hauteur par rapport aux pieds, et l'espace entre cet orifice et votre épaule ne doit pas être supérieur à 30 cm », ajoute Sonia Grimbuhler. Veillez à réaliser le remplissage en milieu ouvert, ou dans un local ventilé, avec la porte de la cabine fermée.

Des incorporateurs mobiles ou intégrés au pulvérisateur permettent d'ajouter les produits sans avoir à monter sur l'appareil ni toucher la cuve. Mais l'incorporation peut prendre un peu plus de temps, selon l'organisation de travail des viticulteurs. De même, ces dispositifs ne sont pas adaptés aux poudres mouillables (WP). En tout état de cause, l'UIPP (Union des industries de la protection des plantes) recommande d'utiliser les systèmes d'assistance à l'incorporation en conformité avec les préconisations des constructeurs. « Pour les poudres ou les granulés, certains modèles d'incorporateurs fonctionnent bien, à condition de travailler avec une pression et un volume d'eau correspondant aux préconisations des fabricants de produits, poursuit Sonia Grimbuhler. Une cuve de préremplissage peut être intéressante pour les poudres, mais il est indispensable de la nettoyer correctement après son utilisation. »

Cabines

Veillez à leur entretien

Les expérimentations de l'Irstea ont montré que, selon les modèles, les cabines filtrantes des tracteurs permettent « de réduire la contamination de l'air au voisinage de l'opérateur de 82 à 98 % ». Celles conformes à la norme EN 15695-1 de niveau IV offrent le meilleur niveau de protection, puisqu'elles préservent le chauffeur contre les aérosols, les vapeurs et les poussières générés lors du traitement (voir page 22). Les cabines de catégorie III protègent contre les poussières et les aérosols. Celles de catégorie II ne protègent l'utilisateur que des poussières. Quelle que soit leur catégorie, les cabines ne doivent pas être traversées par des câbles. Elles doivent être fermées durant le traitement et recevoir un entretien rigoureux pour assurer une sécurité maximale. « L'état des joints est à surveiller pour maintenir l'étanchéité, les vitres doivent être nettoyées. Les filtres sont à changer régulièrement, au moins une fois par an voire plus souvent si cela est indiqué dans la notice d'utilisation fournie par le constructeur », indique Sonia Grimbuhler. N'oubliez pas de nettoyer régulièrement l'intérieur de la cabine : « Cela permet une réduction complémentaire de 23 % de l'exposition résiduelle aux produits phyto », précise l'UIPP. Maintenez-la propre en veillant à ne pas y introduire des équipements de protection ou des outils souillés.

Équipements individuels

Adaptez-les aux risques

Seulement 59 % des viticulteurs interrogés par l'UIPP « déclarent porter systématiquement les équipements de protection et seulement 10 % déclarent lire spécifiquement l'étiquette pour adapter leur protection », signale l'organisation. « Pendant les phases où le risque de contamination est le plus grand - la préparation de la bouillie, le remplissage et le nettoyage du pulvérisateur -, il est recommandé de porter des gants en nitrile, un vêtement de travail dédié en polyester et coton (65 %-35 %) de 230 gr/m² au minimum et traité pour être déperlant, ainsi qu'un tablier de catégorie III de type PB3. À cela, on ajoute un écran facial ou des lunettes pour se protéger des éclaboussures et des bottes si c'est nécessaire », énumère Sonia Grimbuhler. Selon les phrases de risque, il peut être nécessaire de se munir d'un masque « mais peu de produits impliquent de porter une protection respiratoire, poursuit la spécialiste en expologie. Il faut apporter la protection adaptée au bon endroit. Une combinaison de catégorie III et de type 3 peut être inconfortable. Si l'utilisateur a trop chaud, il l'ouvre et c'est là qu'il peut être atteint. Lors d'un traitement, privilégiez la protection collective : un tracteur ou un enjambeur équipé d'une cabine fermée entretenue. »

Mais, au-delà de l'ergonomie des pulvérisateurs et des équipements de protection individuelle, l'amélioration de la sécurité des utilisateurs de produits phyto doit être raisonnée de façon globale, rappelle Sonia Grimbuhler : « Le principe de la prévention est d'adapter le travail à l'homme. Il s'agit aussi de prendre en compte l'évolution technique, comme les pulvérisateurs à panneaux récupérateurs. Plus on travaillera sur le choix des produits en terme de toxicité, sur le ciblage des traitements, la qualité de pulvérisation et l'organisation du travail, plus les risques d'intoxication seront limités. »

Quatre ans d'études et de tests

Initié par l'industrie phytopharmaceutique européenne et développé dans une douzaine de pays sur plusieurs types de cultures, le projet Safe Use Initiative a pour objectif d'améliorer la sécurité des utilisateurs de produits phytosanitaires.

En France, le programme a été lancé en 2010 par l'UIPP (Union des industries de la protection des plantes). De multiples acteurs y ont participé : des fabricants de matériels et d'équipements de protection individuelle, des viticulteurs de la cave coopérative des Hauts de Gironde (Les Vignerons de Tutiac), des entrepreneurs de travaux viticoles, des châteaux bordelais, la MSA, la chambre d'agriculture de Gironde, l'IFV et des spécialistes en ergonomie, en agro-équipements et en évaluation des risques de l'Irstea. Les acteurs du projet ont d'abord effectué une enquête téléphonique auprès d'une centaine de vignerons. Puis ils ont réalisé des études sur le terrain dans plus de 45 exploitations de Gironde. Ils ont ainsi observé les pratiques de plus d'une centaine de salariés en charge des traitements et des travaux en vert. Ils ont également testé différents matériels et équipements de protection.

À partir de tous ces enseignements, l'UIPP a édité deux guides sur les bonnes pratiques phytosanitaires en viticulture : « Sécurité des opérateurs » et « Sécurité des travailleurs en réentrée ».

Travaux en vert L'hygiène est primordiale

« Les délais de réentrée dans les parcelles après un traitement sont de mieux en mieux respectés, se réjouit l'UIPP. 67 % des viticulteurs interrogés les respectaient systématiquement en 2010. Trois ans plus tard, ils étaient 85 %. » Mais ce n'est pas parce que 48 heures se sont écoulées qu'il n'y a plus aucun risque d'exposition à des traces de produit présentes sur le feuillage. Même si cette exposition est mineure, cela n'empêche pas de prendre des précautions. Or, les acteurs du projet Safe Use Initiative ont constaté que le port d'équipements de protection de la peau est peu pratiqué pendant les travaux en vert. Les tâches les plus risquées sont l'épamprage, le relevage, l'effeuillage et l'éclaircissage. « Lors de ces opérations, il est essentiel de se protéger les mains avec des gants : soit enduits de nitrile sur la paume et tricotés sur le dessus de la main par temps sec, soit étanches en nitrile par temps humide », insiste Julien Durand-Réville, responsable santé à l'UIPP.

Pour limiter les contacts du feuillage avec la peau, l'organisation recommande aussi de porter des vêtements dédiés couvrants - pantalon et haut à manches longues - des chaussures fermées, une casquette ou un chapeau protégeant du soleil. En cas de pluie ou de rosée, elle conseille des sur-vêtements imperméables et étanches, surtout au niveau des poignets.

Mais la protection durant les travaux en vert ne se réduit pas au port d'EPI. « Se laver les mains avec un simple jerrican d'eau est également très important dès que l'on fait une pause pour boire, manger, téléphoner, fumer ou pour retourner dans le véhicule, souligne Julien Durand-Réville. La réduction des risques passe aussi par une bonne organisation du travail. Lorsque les salariés se déplacent d'une parcelle à l'autre avec un véhicule, l'idéal est d'avoir dans le coffre deux compartiments : l'un dans lequel ils stockent leurs vêtements sales, l'autre contenant une tenue propre. Ils pourront ainsi se changer avant de monter dans le véhicule et ne contamineront pas l'habitacle. » Cette étude sur la protection durant les travaux en vert se poursuit par un inventaire des pratiques dans d'autres régions viticoles et l'adaptation des recommandations aux spécificités locales.

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