Jusqu'ici, pour savoir quel équipement de protection individuelle (EPI) porter lors de la préparation ou de l'application d'un traitement, les informations disponibles étaient générales et pas toujours concordantes. « Il était indiqué sur les étiquettes : "Porter un vêtement approprié", sans autres précisions », se souvient Philippe Michel, directeur technique et réglementation à l'Union des industries de protection des plantes (UIPP).
Ce temps est révolu. Depuis fin 2013, des recommandations très précises figurent dans les autorisations de mise sur le marché (AMM) des nouveaux produits ou dans les extensions d'usage délivrées par le ministère de l'Agriculture. On sait à présent quels types de gants ou de combinaison par exemple il faut porter pour bien se protéger lors de la préparation des produits concernés, de leur application puis du lavage du pulvérisateur. Les documents officiels vont jusqu'à préciser à quelle(s) norme(s) chaque EPI doit satisfaire.
Concernant l'application, ils distinguent trois cas selon qu'elle est pratiquée avec un tracteur à cabine, sans cabine ou avec un pulvérisateur à dos. Ces informations sont mentionnées sur les étiquettes des produits et ont une portée réglementaire : le vigneron doit les faire respecter par ses salariés.
À l'origine de cette évolution, une requête de la Direction générale de l'alimentation (DGAL) du ministère de l'Agriculture. En septembre 2012, celle-ci écrit à l'Anses, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. Cet organisme est chargé d'évaluer les produits phytos dans le cadre des demandes d'AMM déposées par les firmes.
Dans son courrier, le ministère souhaite des précisions sur les EPI adaptés aux produits. L'Anses réagit en imposant aux firmes de fournir des éléments précis pour chaque produit qu'elles veulent faire homologuer. Cette décision prend effet en avril 2013. Les firmes doivent compléter tous les dossiers en cours. « Cela a entraîné un blocage des autorisations de mise sur le marché », observe Philippe Michel de l'UIPP.
Port de la combinaison quel que soit le produit. Après des mois de discussion, l'Anses et les firmes réunies au sein de l'UIPP se sont accordées sur la généralisation du port de la combinaison, et ce quel que soit le produit. Dans la plupart des cas, cette combinaison doit être de type III : taillée dans un tissu composé à 65 % de polyester et à 35 % de coton au grammage de 230 g/m² ou plus et doté d'un traitement déperlant.
Pour Esquive WP, par exemple, un produit de biocontrôle à base de champignon antagoniste, qui a reçu une extension d'usage sur l'esca (en plus de l'eutypiose), il faut porter une telle combinaison, des gants en nitrile certifiés EN 374-3 et un demi-masque filtrant pendant l'application si elle a lieu avec tracteur sans cabine ou avec un atomiseur à dos. Pendant la préparation de la bouillie et le nettoyage du pulvé, il faut ajouter à la panoplie un tablier de catégorie III de type PB 3. Toutes ces indications figurent sur l'autorisation de mise sur le marché.
Dans le cas de Luna Sensation/Luna Xtend, le nouvel anti-oïdium de Bayer composé de trifloxystrobine (QoI) et de fluopyram, le port d'un masque n'est pas obligatoire, même pour ceux qui traitent avec un tracteur sans cabine. Ceci mis à part, les mêmes EPI sont imposés que pour l'Esquive. Cette différence peut s'expliquer par le type de formulation : poudre mouillable pour Esquive et suspension concentrée pour Luna.
Une étude bientôt publiée. « Nos études ont montré que la combinaison de type III, étanche aux liquides en jet continu, en coton polyester déperlante, est suffisante dans la plupart des cas », précise Philippe Michel. La MSA la préconise également.
Pour les produits qui s'appliquent par badigeonnage au pinceau, on peut porter une combinaison plus légère de type V (vêtement de protection contre les produits chimiques sous forme de particules solides NF EN ISO 13982-1). C'est le cas du Phytopast-V, récemment homologué en protection des plaies de taille contre l'eutypiose.
Concernant l'efficacité des EPI, une étude de l'Anses avait dressé un constat inquiétant sur la réelle étanchéité des combinaisons, notamment face aux mélanges de phytos. « L'agence s'est donc autosaisie en 2011 sur la question de l'efficacité des vêtements de protection » et travaille à « l'identification des EPI apportant aux applicateurs de produits phytopharmaceutiques un niveau élevé de protection », peut-on lire sur son site internet. Jointe par la rédaction, l'agence n'a pas répondu à nos questions.
L'Anses procède au recensement des EPI disponibles. Les résultats de cette étude seront publiés prochainement. Ils permettront peut-être d'établir des préconisations plus judicieuses. Par ailleurs, un nouveau référentiel d'évaluation des risques encourus par les utilisateurs de produits phytos devrait être adopté cette année au niveau européen. Les préconisations sur les EPI pourraient donc encore changer. Reste qu'à l'heure actuelle, l'Anses reconnaît « un déficit de données sur les expositions aux pesticides des travailleurs agricoles en France ».
Des projets soumis à l'avis du public
Depuis le 1er septembre 2013, tous les projets d'autorisation de produits phytosanitaires sont consultables par le public sur le site internet du ministère de l'Agriculture. Une évolution liée à la charte de l'environnement, adossée à la Constitution, qui donne le droit à toute personne de « participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ». Chaque projet est soumis au public avec l'avis de l'Anses sur le produit concerné. Mais pour le moment, il est impossible de consulter les avis émis ou de connaître leurs auteurs. « Le Bureau de la réglementation, au ministère, réfléchit à la manière de rendre des synthèses publiques », confie Jacques Grosman, expert national vigne au ministère de l'Agriculture.
L'Anses aura bientôt un pouvoir de décision
L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) est chargée de l'évaluation scientifique des demandes d'autorisation de produits phytos. Elle vérifie que « dans les conditions normales d'utilisation, les produits sont efficaces et n'exercent aucun effet inacceptable sur la santé humaine ou animale, et sur l'environnement », peut-on lire sur son site internet. L'Anses rend ensuite un avis pour chaque produit. Mais la décision d'autoriser ou non sa mise sur le marché appartient au ministère de l'Agriculture. Ce fonctionnement va changer. À l'avenir, c'est l'Anses qui accordera ou non les autorisations de mise sur le marché après avoir évalué les dossiers des demandeurs et consulté l'avis d'un conseil d'orientation où siégeront les ministres de l'Agriculture, de l'Environnement, de la Santé et du Travail. Cette évolution est inscrite dans la loi d'avenir pour l'agriculture adoptée en janvier dernier en première lecture à l'Assemblée nationale. Elle a été décidée par le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll pour plus d'efficacité et de rapidité. Mais ce choix est critiqué par les organisations agricoles et certaines associations écologistes. Selon elles, l'ancien système imposant la séparation entre évaluation et gestion des autorisations de mise en marché permettait à l'Anses d'être mieux préservée d'éventuelles pressions.