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DOSSIER - Pulvérisation Innover et optimiser

Évaluer la qualité de pulvérisation

MICHEL LEBORGNE*, CHRISTOPHE AUVERGNE**, XAVIER CRÉTÉ***, OLIVIER CLUZEL* ET LAURENT LAJUS*****Syngenta France. **Chambre d'agriculture de l'Hérault. ***SudExpé - Marsillargues. ****SARL Solhead - Montesquieu. - Phytoma - n°730 - janvier 2020 - page 32

Différents outils permettent de visualiser la qualité de la pulvérisation au sein de la végétation, voire la répartition du traitement sur et hors de la culture. Ils facilitent ainsi le réglage des pulvérisateurs. Exemple avec deux d'entre eux.
2. Impacts des gouttelettes d'argile sur la plaque.3. Pour l'arboriculture, les plaques mesurent 4,5 m et basculent à l'horizontal pour faciliter la lecture et le nettoyage. Photos : Syngenta

2. Impacts des gouttelettes d'argile sur la plaque.3. Pour l'arboriculture, les plaques mesurent 4,5 m et basculent à l'horizontal pour faciliter la lecture et le nettoyage. Photos : Syngenta

Fig. 1 : Exemple de visualisation de la répartition verticale de la bouillie pulvérisée avant et après réglage(s)

Fig. 1 : Exemple de visualisation de la répartition verticale de la bouillie pulvérisée avant et après réglage(s)

Fig. 2 : Exemple de visualisation de la qualité de la pulvérisation sur la végétation avant et après réglage(s)

Fig. 2 : Exemple de visualisation de la qualité de la pulvérisation sur la végétation avant et après réglage(s)

Fig. 3 : Visualisation verticale de la pulvérisation avant et après réglage(s)Note attribuée par hauteur de zone (cm).

Fig. 3 : Visualisation verticale de la pulvérisation avant et après réglage(s)Note attribuée par hauteur de zone (cm).

Fig. 4 : Des résultats variables malgré une exposition des feuilles identique Papiers hydrosensibles, positionnés à la même hauteur par rapport au sol, collectés sur le rang de passage et assemblés selon leur exposition à la pulvérisation. Traitement avec un pulvérisateur à jet porté à 170 litres/ha.

Fig. 4 : Des résultats variables malgré une exposition des feuilles identique Papiers hydrosensibles, positionnés à la même hauteur par rapport au sol, collectés sur le rang de passage et assemblés selon leur exposition à la pulvérisation. Traitement avec un pulvérisateur à jet porté à 170 litres/ha.

Fig. 5 : Positionnement des capteurs Drop'in dans les rangs de vigne H = hauteur entre le sol et le capteur.

Fig. 5 : Positionnement des capteurs Drop'in dans les rangs de vigne H = hauteur entre le sol et le capteur.

4. Drop'in placé dans la végétation. 5. Impact de pulvérisation sur une feuille de Drop'in. Photos : Syngenta

4. Drop'in placé dans la végétation. 5. Impact de pulvérisation sur une feuille de Drop'in. Photos : Syngenta

Fig. 6 : Exemple de synthèse sur la qualité de répartition d'une pulvérisation en vigne Sur cette représentation d'un traitement réalisé avec un pulvérisateur de type pneumatique avec une voûte, les faces au plus près de la pulvérisation reçoivent plus de bouillie (notes 2 et 3) que les rangs traités par le canon de la voûte (note 1). Il est également visible que les parties inférieures (zone fructifère) des deux rangs traités par les canons ne reçoivent pas de pulvérisation (note 0 en rouge).

Fig. 6 : Exemple de synthèse sur la qualité de répartition d'une pulvérisation en vigne Sur cette représentation d'un traitement réalisé avec un pulvérisateur de type pneumatique avec une voûte, les faces au plus près de la pulvérisation reçoivent plus de bouillie (notes 2 et 3) que les rangs traités par le canon de la voûte (note 1). Il est également visible que les parties inférieures (zone fructifère) des deux rangs traités par les canons ne reçoivent pas de pulvérisation (note 0 en rouge).

Le contrôle du pulvérisateur tous les cinq ans, et tous les trois ans à partir de 2021, est devenu une obligation réglementaire depuis le 1er janvier 2009. Il permet de vérifier de nombreux paramètres mécaniques influençant la qualité de la pulvérisation de l'appareil, mais il ne concerne pas le réglage de la répartition de pulvérisation sur la végétation.

Sensibiliser les agriculteurs

Le réglage de la qualité de la pulvérisation est essentiel aussi bien pour l'efficacité des produits que pour la préservation de l'environnement. Il reste au bon vouloir de l'agriculteur à moins qu'il ne soit imposé par le cahier des charges de la filière. Différents outils permettent de vérifier la qualité de la pulvérisation : papier hydrosensible, lumière noire, plaques noires... Ce retour d'expérience sur l'un d'entre eux confirme l'intérêt de sensibiliser les producteurs. La mise à disposition de supports réutilisables pour évaluer la qualité de la pulvérisation au sein de la végétation ainsi que d'une méthode standardisée d'évaluation ouvre de nouvelles perspectives pour une amélioration des pratiques.

Bien régler la répartition de la bouillie sur le végétal

Une nécessité technique et environnementale

Une mauvaise répartition de la bouillie sur la végétation peut provoquer :

- un sous-dosage de produit avec risque de perte d'efficacité en particulier en cas de forte pression parasitaire et/ou un surdosage qui peut engendrer une phytotoxicité ou une augmentation de résidus sur les denrées ;

- une pulvérisation hors zone de végétation avec des pertes par dérive (pertes d'efficacité, pertes économiques, impacts environnementaux et impacts sur le voisinage).

De plus, le nombre croissant des produits biologiques et de biocontrôle qui agissent par contact nécessite une qualité de pulvérisation optimale.

Visualiser les impacts des gouttes

Différents dispositifs d'évaluation

Différents procédés permettent de visualiser la répartition des gouttelettes de traitement. Le papier hydrosensible est utilisé pour l'autocontrôle ; la pulvérisation s'effectue avec de l'eau. L'agriculteur peut aussi pulvériser une solution colorée sur un support blanc. L'outil Quali'Drop, développé par Syngenta en collaboration avec le fabricant Solhead, est quant à lui constitué de plaques en polyéthylène noir à assembler, de hauteurs variables (de 1 à 2,5 mètres en vigne et 4,5 mètres pour l'arboriculture), sur lesquelles est pulvérisée une bouillie à base d'argile blanche. Il présente l'avantage par rapport au papier hydrosensible de permettre d'évaluer, sur une grande hauteur, la répartition verticale de la pulvérisation en vigne et en arboriculture(1) et d'être réutilisable. Un logiciel facilite l'interprétation des résultats (encadré ci-dessous). Les plaques noires sont disposées à des intervalles correspondant aux distances interrang, hors champ et sur une surface plane (afin de s'affranchir des irrégularités du sol) (photos 1 et 3). La hauteur de végétation à traiter est matérialisée par deux pinces fixées sur le bord vertical des plaques. Entre chaque pulvérisation, les plaques sont nettoyées à l'eau. L'opération est renouvelée jusqu'à obtenir le meilleur réglage possible.

Retours d'expérience : des pertes diminuées

En vigne, depuis 2016, environ 150 pulvérisateurs sont réglés chaque année avec Quali'Drop. Les pertes varient selon les cas de 0 à 60 % du volume de bouillie pulvérisée. Une diminution moyenne de ces pertes de 30 % est obtenue soit par la fermeture de buses ou de diffuseurs, soit en orientant mieux la pulvérisation vers la végétation à traiter. Ainsi, lors du premier passage destiné à vérifier la pulvérisation, l'estimation des hauteurs de végétation non touchées varie de 0 à 60 %. Après réglage, ce pourcentage est ramené dans la majorité des cas proche de zéro. Il est aussi possible d'effectuer un ciblage plus précis, par exemple pour les traitements de protection de la grappe (insecticides contre les tordeuses, eudémis, cochylis) et les fongicides antibotrytis. Sachant que la hauteur de la zone fructifère représente 40 à 60 % de la hauteur totale de la végétation, on peut économiser 60 à 40 % de produits phytosanitaires tout en maintenant une efficacité optimale des traitements. Des buses bouchées, des canons ou des ailettes de mains Coanda encrassés sont des défauts facilement corrigés.

En arboriculture, depuis 2017, environ 50 pulvérisateurs sont réglés avec Quali'Drop. Les pertes sont diminuées en moyenne de 25 % grâce au réglage, principalement en fermant des buses du haut et/ou en bas de la couronne des aéroconvecteurs.

La pulvérisation n'atteint pas toujours le sommet de la végétation : une modification du flux d'air et/ou l'utilisation de buses à injection d'air permet de corriger ce défaut. Lors du premier passage, l'estimation des hauteurs de végétation non touchées varie de 0 à 30 %. Après réglage, ce pourcentage se rapproche de zéro dans la majorité des cas. L'outil utilisé chez le producteur ou présenté sur certains événements permet en outre de sensibiliser sur l'importance de la qualité de pulvérisation et présente un intérêt pédagogique.

Une fiche action CEPP pour les prestations de réglage

Le dispositif permet de détecter certains défauts de pulvérisation : traitement hors de la végétation, différences de densité d'impacts. Le réglage du pulvérisateur permet alors de corriger ces défauts dans les limites de la technologie du pulvérisateur. L'objectif est d'obtenir une pulvérisation homogène sur la hauteur de végétation. Rappelons que le nombre et l'aspect des impacts varient en fonction du volume de bouillie utilisé, de la vitesse d'avancement, du type de pulvérisation (pneumatique, jet porté)...

La fiche action CEPP (certificat d'économie de produits phytopharmaceutiques) n° 2019-057 « Réduire l'utilisation de produits phytopharmaceutiques en faisant régler son pulvérisateur », publiée dans un arrêté du 24 juillet 2019, attribue 4,5 points par réglage. Pour l'instant, deux prestations sont listées : Quali'Drop (utilisable en vigne et arboriculture) et Evidence (BASF) utilisable en vigne.

Évaluer la pénétration dans le feuillage

Différents procédés : lumière noire, papier hydrosensible, plaques

Si les précédents dispositifs permettent de visualiser la répartition, à plat, des gouttes et les pertes potentielles (n'atteignant pas la cible), ils ne permettent pas d'évaluer la pénétration du produit au sein de la végétation. Des méthodes existent : une méthode dite « lumière noire » permet grâce à un traceur et à une lampe spécifique de révéler les impacts de pulvérisation dans la végétation. Cette technique est utilisable la nuit et nécessite un équipement spécifique, elle est utilisée lors de réunions à but pédagogique. Les papiers hydrosensibles jaunes sont agrafés sur des feuilles et, sous l'effet de gouttelettes d'eau, les impacts colorent le papier en bleu. En raison de leur coût, ces papiers, qui ne sont pas réutilisables, sont souvent disposés en nombre insuffisant pour obtenir une vision représentative de la pulvérisation. Par ailleurs, il n'y pas de méthode établie quant à leur positionnement. En 2018, Syngenta a développé les capteurs Drop'in. D'une surface équivalente à une feuille de vigne, taillées dans le même matériau que Quali'Drop, les plaques sont accrochées aux fils de culture et peuvent être réutilisées après nettoyage (photo 4). Après pulvérisation d'une bouillie d'argile blanche, elles sont collectées et les différences d'impact notées à l'aide d'un nuancier photos.

Une méthode standardisée pour des résultats reproductibles

Des essais ont été mis en place sur vigne depuis 2018 afin de définir le nombre de Drop'in minimum à installer pour obtenir une vision représentative de la pulvérisation (pneumatique et jet porté). À une même hauteur par rapport au sol, un Drop'in et deux papiers hydrosensibles (un papier agrafé sur chaque face d'une feuille de vigne) ont été disposés à 1,5 mètre d'intervalle (la distance interceps est de 1 mètre) sur le rang le plus proche de la pulvérisation et sur le rang suivant, accrochés sur les fils de culture, en cinquante endroits. L'exposition des supports a été notée selon une appréciation visuelle : 0 % masqué (c'est-à-dire 100 % exposé à la pulvérisation), 25 %, 50 %, 75 % et 100 %. Ils ont ensuite été collectés et notés à l'aide d'un nuancier (différents niveaux d'intensité d'impacts auxquels a été attribuée une note de 0 à 3 ; Figure 4, photo 5). Les papiers hydrosensibles, tous à la même hauteur, ont été collectés dans l'ordre d'installation puis assemblés en fonction de leur niveau d'exposition à la pulvérisation. La majorité des papiers n'étaient pas masqués à la pulvérisation du fait du stade de la vigne au moment de l'expérimentation. Malgré une exposition a priori identique (0 % masqué), les résultats sont très variables (Figure 4). Les Drop'in présentent une meilleure homogénéité en raison de leur position identique. Alors que l'orientation des papiers varie en fonction de celle des feuilles. Dans les deux cas, il existe des variations liées à la végétation et à l'irrégularité du sol. Quel que soit le support, la face inférieure des supports n'est pas touchée par la pulvérisation pour les deux pulvérisateurs testés. Les résultats obtenus sur les Drop'in ont été analysés afin de déterminer le nombre de capteurs nécessaires pour une représentation au plus proche de la réalité : cinq Drop'in minimum par niveau de hauteur et par rang (Figure 5). Ainsi, pour l'évaluation de trois hauteurs de végétation, il faut quinze supports. Pour évaluer un éventuel « effet opérateur », les notations ont été réalisées individuellement par différents opérateurs avec le même nuancier. Les résultats obtenus étaient identiques entre chaque personne. Les notes obtenues avec chaque capteur sont saisies dans un logiciel calculant la note médiane, considérée comme représentative de la qualité de la pulvérisation sur la zone de végétation. Un code couleur affecté à chaque note permet de visualiser les résultats sur une image (Figure 6).

(1) Le concept peut être adapté à tous types de cultures verticales. En arboriculture, un système de bascule permet de positionner les plaques à l'horizontale pour faciliter les observations et le nettoyage. Des adaptations ont aussi été réalisées pour les cultures de houblon (8 mètres) et de noyers (15 mètres).

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Pour limiter les pertes et les risques de dérive, l'applicateur a tout intérêt à vérifier que la bouillie pulvérisée atteigne bien la cible visée. Différentes techniques (papier hydrosensible, plaques rouillées, lumière noire...) permettent de visualiser la densité des impacts et la répartition de la pulvérisation dans la culture (selon la hauteur, selon le rang...).

Ils constituent d'intéressants outils de sensibilisation au réglage du pulvérisateur.

ÉTUDE - Après trois années d'utilisation de Quali'Drop (Syngenta), le bilan est concluant : ajuster le réglage de l'appareil grâce à un dispositif permettant de visualiser la répartition de la pulvérisation hors champ permet de diminuer les pertes de produit phytosanitaire de 25 à 30 %. Les mesures correctives sont souvent simples (fermeture ou orientation des buses, nettoyage...) et l'interprétation des résultats ne nécessite pas une grande expertise.

Cette interprétation peut toutefois différer d'un opérateur à l'autre, et les résultats peuvent varier selon les conditions de mise en oeuvre du dispositif, notamment lorsqu'il s'agit de contrôler la pénétration homogène de la bouillie dans le végétal. Une méthode « standardisée » permet de limiter ces variations.

MOTS-CLÉS - Pulvérisation, répartition, dérive, réglage, CEPP, standardisation, papier hydrosensible, vigne, arboriculture.

De la notation à l'interprétation des résultats

L'outil Quali'Drop ne permet pas de quantifier de manière précise la répartition de la pulvérisation, mais d'observer la régularité de cette répartition (photo 2). L'opérateur note sur une fiche spécifique la hauteur des différentes zones sur les plaques ayant une densité d'impacts différents et attribue une note pour chacune de ces zones : 0 = pas ou peu d'impacts ; 1 = impacts réguliers et homogènes ; 2 = impacts homogènes plus denses.

Les notations n'ont pas pour objectif de déterminer si la pulvérisation est « bonne » ou « mauvaise » car à ce jour il n'y a pas d'étude mettant en évidence une corrélation entre nombre d'impacts et efficacité biologique. L'interprétation des résultats reste soumise à une certaine subjectivité liée à l'idée que l'opérateur se fait d'une « bonne » ou d'une « mauvaise » qualité de pulvérisation mais l'outil donne des grilles de lecture en mettant en évidence d'éventuelles différences d'intensité d'impacts de gouttelettes. Ainsi les notations réalisées par une même personne permettent de comparer un réglage à un autre. Les conditions de réalisation du diagnostic (vitesse d'avancement, nombre de buses ouvertes, pression, etc.) sont également notées sur la fiche. Ces informations sont reportées dans un logiciel spécifique, qui édite un rapport permettant de visualiser les améliorations apportées par le réglage (Figures 1 à 3). Il sera conservé dans le cadre de démarches de traçabilité dans le cas de suivi de cahiers des charges qui demandent la réalisation d'un réglage.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : michel.leborgne@syngenta.com

LIEN UTILE : https://www.syngenta.fr/agriculture-durable/proteger-l-eau-et-l-air/syngenta-engage-sur-la-qualite-de-pulverisation

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