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DOSSIER - Outils d'aide à la décision les alliés sur qui compter

DeciTrait, un OAD dédié à la protection de la vigne

ALEXANDRE DAVY, Institut français de la vigne et du vin (IFV) - Blanquefort. - Phytoma - n°732 - mars 2020 - page 29

Du choix des règles de décision aux essais sur le terrain, comment développer un outil pour aider le viticulteur à raisonner ses traitements ?
Les maladies ayant fait l'objet de l'étude sont le mildiou, l'oïdium, le black-rot et le botrytis. Photo : Pixabay

Les maladies ayant fait l'objet de l'étude sont le mildiou, l'oïdium, le black-rot et le botrytis. Photo : Pixabay

Fig. 1 : Schéma conceptuel général de DeciTrait (mildiou, oïdium) TRV = Tree Row Volume. NDVI = Normalized Difference Vegetation Index.

Fig. 1 : Schéma conceptuel général de DeciTrait (mildiou, oïdium) TRV = Tree Row Volume. NDVI = Normalized Difference Vegetation Index.

Fig. 2 : Consommation de produits phytosanitaires (conventionnel) antimildiou et anti-oïdium Comparaison annuelle mesurée sur un panel de viticulteurs du Médoc (source : Adar du Médoc) avec celle mesurée sur le réseau DeciTrait (national et/ou girondin). Essais 2015-2017 (69 parcelles).

Fig. 2 : Consommation de produits phytosanitaires (conventionnel) antimildiou et anti-oïdium Comparaison annuelle mesurée sur un panel de viticulteurs du Médoc (source : Adar du Médoc) avec celle mesurée sur le réseau DeciTrait (national et/ou girondin). Essais 2015-2017 (69 parcelles).

Fig. 3 : Pourcentage de situations où la protection générée à l'encontre du mildiou ou de l'oïdium avec l'OAD est jugée bonne, passable ou mauvaise Essais 2015-2017 sur 69 parcelles.

Fig. 3 : Pourcentage de situations où la protection générée à l'encontre du mildiou ou de l'oïdium avec l'OAD est jugée bonne, passable ou mauvaise Essais 2015-2017 sur 69 parcelles.

Dans la filière viticole, la lutte fongicide représente à elle seule 80 % des traitements réalisés. Plusieurs outils tels que des modèles de risque épidémiologique et guides de choix de spécialités ou des doses à appliquer ont été développés mais n'ont pas atteint leur plein potentiel en termes de réduction d'indicateur de fréquence de traitement (IFT). L'analyse des calendriers de traitements d'exploitations viticoles situées dans une même zone géographique est riche d'enseignements. Ainsi, une enquête réalisée par Agreste sur le vignoble aquitain indique qu'il existe « une forte disparité entre les parcelles. Si pour le tiers du vignoble, la pression des maladies est contenue avec treize traitements au plus, pour 10 % de la surface, le viticulteur applique au moins vingt traitements » (Agreste Aquitaine, 2008).

Un projet CasDAR pour réduire l'IFT en vigne

Contexte sociétal : une demande forte qui ne peut être ignorée

Les attentes sociétales vis-à-vis de la réduction de l'usage des pesticides sont fortes depuis une dizaine d'années. Elles se sont traduites par pléthore d'articles et d'émissions télévisées néfastes à l'image du vin et par une réglementation encadrant l'utilisation des produits phytosanitaires de plus en plus contraignante. Différentes voies sont travaillées pour tenter de satisfaire cette demande sociétale, chacune ayant des avantages et des inconvénients. Les principales s'articulent autour du matériel végétal, du matériel de pulvérisation, du mode de conduite incluant les mesures prophylactiques, du choix des produits et des outils d'aide à la décision. C'est sur cette dernière voie que l'Institut français de la vigne et du vin (IFV) s'est engagé à travers un projet CasDAR (2015-2018).

Un OAD pour réduire l'IFT et sécuriser la récolte

Pour aider les viticulteurs à raisonner la protection phytosanitaire de façon efficace en termes de sécurisation de la récolte (encadré page suivante) et de réduction de l'IFT, un projet CasDAR (2015-2018) visait à regrouper l'ensemble des informations nécessaires à la mise en oeuvre d'une protection économe en intrants, à les hiérarchiser puis à créer des règles de décision (RDD) afin de proposer à l'utilisateur final une stratégie de protection personnalisée sur la base des informations et connaissances recueillies. Les maladies ayant fait l'objet de l'étude sont le mildiou, l'oïdium, le black-rot et le botrytis. Toutefois, compte tenu des spécificités propres à ces différentes maladies et des moyens de lutte mis en oeuvre pour les combattre, deux modules distincts ont été développés : l'un pour le mildiou, l'oïdium et le black-rot, l'autre pour le botrytis. L'aide à la décision comporte plusieurs volets : gestion des applications (réduction du nombre et des doses de traitement), gestion des obligations réglementaires (mélanges, délais de rentrée, délais avant récolte...) et respect des bonnes pratiques agricoles (gestion de la résistance). L'outil d'aide à la décision (OAD) développé sous la forme d'une application web est simple à utiliser afin de favoriser son appropriation par les viticulteurs et conseillers viticoles.

Ce projet, piloté par l'Institut français de la vigne et du vin (IFV) et financé par le ministère en charge de l'agriculture, a associé des partenaires de la recherche (Irstea de Montpellier, Inra de Bordeaux, Montpellier SupAgro) mais également des partenaires du développement (chambres d'agriculture de la Gironde et du Gard) et de la formation (Eplefpa de Bordeaux Gironde, lycée de Bel Air, Domaine Mas Piquet).

Développement d'un OAD en quatre étapes

Action 1 : Conceptualisation et conception des règles de décision

Quelle que soit la maladie considérée, la conception et le développement de l'OAD ont été structurés autour de quatre actions.

La première action a permis d'identifier l'ensemble des facteurs utilisés dans la prise de décision de traitement (stade phénologique, état sanitaire, prévisions météorologiques...) puis d'analyser les mécanismes qui aboutissent à cette décision. Les facteurs ont ensuite été hiérarchisés en fonction de leur pertinence, de leur facilité d'acquisition et de leur coût. Les plus intéressants d'entre eux ont été retenus pour être utilisés dans la conception des règles de décision (RDD).

Action 2 : Évaluation et modification des RDD ex ante

Un codage informatique des RDD a permis d'automatiser la création des stratégies de traitement. Ces dernières ont ainsi pu être créées en utilisant des scénarios climatiques passés sur des millésimes où le développement des différentes maladies était connu. La critique, à dire d'expert, des stratégies ainsi proposées a permis de faire évoluer les RDD édictées.

Action 3 : Évaluation et modification des RDD ex post

Les RDD ainsi développées ont été confrontées à la réalité du terrain sur un réseau d'essais biologiques pendant trois campagnes (2015-2016-2017). Les résultats obtenus grâce à ce réseau d'essais ont permis de faire évoluer les RDD initialement proposées afin de sécuriser la protection du vignoble sans toutefois augmenter démesurément le nombre de traitements conseillés. Dans le but d'accroître le réseau d'essais biologiques, nous avons proposé à des viticulteurs ou à des groupes de viticulteurs (réseaux fermes Dephy) n'appartenant pas au réseau CasDAR de tester l'OAD.

Action 4 : Développement informatique du système expert sur le web

Le développement du système expert via une application web a permis de rendre l'OAD facilement accessible à n'importe quel utilisateur national. Le leitmotiv de ce développement était que le logiciel créé soit simple à utiliser pour le praticien, avec un minimum d'informations à renseigner et des indicateurs de sortie clairs et facilement compréhensibles.

Choix des paramètres et fonctionnement de l'OAD

Gestion du mildiou, de l'oïdium et du black-rot

Le travail d'un groupe d'experts a permis de dégager un consensus sur les variables pertinentes et facilement mobilisables pour alimenter les RDD et piloter la lutte (mildiou, oïdium, black-rot). Le Tableau 1 (p. 32) récapitule l'ensemble de ces variables qui sont divisées en deux catégories.

• Catégorie 1. Les variables obligatoires au fonctionnement du système qui se divisent en deux sous-catégories :

- 1a - Variables recueillies de manière automatique, en lien avec la base de données Epicure(1) de l'IFV et que l'utilisateur n'a pas besoin de renseigner ;

1b - Variables saisies par l'utilisateur.

• Catégorie 2 : les variables optionnelles ne sont pas indispensables au fonctionnement du système décisionnel. Leur renseignement permet d'affiner la stratégie proposée.

La Figure 1 présente la logique de fonctionnement de DeciTrait, de l'acquisition de l'information à la prise de décision de traiter. L'outil Optidose(2) est intégré à l'OAD et un module spécifique a été développé pour les producteurs en AB afin de proposer une quantité de cuivre métal à appliquer à chaque traitement. Cet indicateur est plus pertinent que le pourcentage de la dose homologuée compte tenu des incohérences d'homologation des doses avec les produits cupriques (doses variant de 720 à 5 000 g/ha de cuivre métal).

Le déclenchement des traitements s'appuie sur les données issues des modèles de prévision des risques mais pas uniquement. En effet, des RDD n'utilisant pas les modèles ont également été créées et permettent aussi de déclencher des traitements.

Les données météorologiques passées achetées à Météo France couvrent l'ensemble du vignoble français et sont fournies à une maille de 1 km², ce qui permet à chaque utilisateur d'avoir des données localisées sur son exploitation. Les données prévisionnelles sont quant à elles délivrées jusqu'à J + 10. L'utilisation d'une station météo connectée est également possible dans la mesure où l'interopérabilité avec l'OAD a été développée.

Les stades phénologiques sont calculés grâce à un modèle physiologique développé par l'IFV. La base de données (BDD) des produits phytosanitaires est celle constituée et mise à jour par l'Acta et Smag.

Gestion du botrytis

Les indicateurs utilisés par les RDD botrytis sont listés dans le Tableau 2 (p. 33), Certains sont optionnels (2), d'autres obligatoires pour que les RDD fonctionnent. Parmi cette dernière catégorie, certains sont récupérés automatiquement par le programme (1a), alors que d'autres doivent être renseignés par l'utilisateur (1b). En début de la campagne, une typologie de parcelle est définie en fonction des indicateurs recueillis afin de classer les parcelles en fonction de leur niveau de sensibilité « a priori ». Le déclenchement d'un traitement au stade A (chute des capuchons floraux) n'intervient que pour les parcelles les plus sensibles et lorsque le taux de capuchons floraux contaminés (estimé par modélisation) s'avère élevé. La mesure du taux de contact entre les grappes, associée à la typologie de la parcelle, est utilisée pour décider de l'opportunité d'intervenir au stade B (préfermeture de la grappe). Enfin, l'utilisation du modèle de Ciliberti et le recueil d'indicateurs supplémentaires permettent de piloter le déclenchement d'un traitement entre le classique stade C (véraison) et le délai avant récolte.

Résultats des essais biologiques

Prise en compte du contexte du millésime

Les essais biologiques (action 3) ont été réalisés au cours des trois années du projet sur des parcelles de différentes tailles (de quelques rangs à plusieurs hectares). L'évaluation biologique était réalisée via des notations sanitaires (fréquence et intensité d'attaque sur feuilles et grappes) à différents stades phénologiques. Lorsque le dispositif expérimental le permettait, les modalités « témoin non traité » et « viticulteur » étaient rajoutées et faisaient également l'objet de notations sanitaires.

Le niveau de destruction par les maladies à la véraison est un indicateur intéressant mais incomplet : il ne tient pas compte de la date d'apparition des symptômes ni de la pression sanitaire au cours du millésime. Ainsi, une attaque de mildiou en juin (rot gris) n'aura pas le même impact qu'une attaque en juillet (rot brun). De même, une destruction de 5 % de la récolte pourra sembler difficile à accepter une année sans pression parasitaire alors qu'elle sera considérée comme « normale » une année très difficile. Nous avons donc opté pour une classification simplifiée (bon, passable, mauvais) afin de catégoriser l'efficacité de la stratégie mise en oeuvre. Cette classification s'appuie largement sur le niveau de destruction à la véraison avec les seuils de sévérité suivants (0-5 % ; 5-10 % ; > 10 %) mais intègre également une expertise humaine permettant d'évaluer la pertinence de la stratégie dans le contexte du millésime.

Mildiou et oïdium

Il est toujours intéressant de replacer une stratégie de traitement dans le contexte du millésime. Pour ce faire, nous avons systématiquement comparé les stratégies DeciTrait avec des données de référence obtenues la même année. L'obtention de telles données n'étant pas toujours aisée, nous avons eu recours aux données compilées par l'Adar (Association de développement agricole et rural) du Médoc issues d'enquêtes auprès de viticulteurs.

Comme indiqué sur les Figures 2A et B (p. 32), le nombre de traitements et l'IFT étaient très inférieurs sur la modalité DeciTrait, respectivement -41 % et -55 %, en comparaison des pratiques observées sur un réseau de viticulteurs. Parallèlement à cela, même si l'état sanitaire était globalement bon sur le réseau, un certain nombre de décrochages entraînant des pertes de récolte plus ou moins importantes ont été observés. Compte tenu de l'importante marge mesurée entre les pratiques des viticulteurs et les stratégies préconisées par DeciTrait (réduction de 60 % de l'IFT), les RDD ont été revues au fil des ans de manière à augmenter le nombre de traitements préconisés et, de fait, sécuriser la protection du vignoble. En 2017, dernière année du projet, une réduction de 25 % du nombre de traitements et une baisse de l'IFT de 52 % ont été mesurées pour le mildiou. À l'instar du mildiou, le nombre de traitements et le nombre d'IFT (oïdium) mesurés en 2017 sont respectivement moins élevés de 28 % et de 39 % sur la modalité DeciTraitpar rapport au réseau de viticulteurs.

La Figure 3 (p. 32) présente l'évolution de l'efficacité des protections mises en oeuvre contre le mildiou et l'oïdium avec l'OAD au cours des trois années du projet. Qu'il s'agisse du mildiou ou de l'oïdium, on s'aperçoit que le pourcentage de parcelles où la protection était considérée comme bonne a tendance à croître avec l'avancée du projet. On note toutefois, pour le mildiou uniquement, un pourcentage élevé de parcelles où la protection est considérée comme passable ou mauvaise lors des deux premières années du projet. Concernant l'oïdium, les niveaux de protection engendrés sont très majoritairement bons. Ce constat peut être expliqué par deux hypothèses : beaucoup de parcelles d'essais sont situées en régions ouest où la pression oïdium est plus faible, les stratégies proposées par DeciTrait font moins réduire l'IFT oïdium que l'IFT mildiou.

Botrytis

Le développement des RDD pour le botrytis a été plus long que pour le mildiou et l'oïdium, et le nombre de sites d'essais a été beaucoup plus faible (cinq sites par millésime). On peut toutefois noter que les RDD n'ont jamais fait déclencher de traitement au stade A ni au stade B. En revanche, un effeuillage a été préconisé au stade B trois fois sur cinq. Quant au déclenchement d'un traitement au stade post-véraison, lié à un ou plusieurs dépassements du seuil fixé par l'indice de Ciliberti, il est intervenu trois fois sur cinq. Parmi ces trois situations, le dépassement du seuil déclenchant une intervention est apparu 11, 18 ou 40 jours avant récolte. Lorsqu'aucun traitement n'était préconisé, le seuil couramment admis de 5 % de dégâts de botrytis n'a pas été atteint, ce qui justifie la préconisation faite. Lorsqu'un traitement était préconisé en plus de l'effeuillage, le seuil de 5 % a systématiquement été dépassé.

Au regard de cette analyse, on s'aperçoit que les RDD proposées ont tendance à ne pas faire traiter en début de saison, à proposer des mesures prophylactiques au stade B et à déclencher un traitement à l'approche de la récolte lorsque la situation laisse présager un risque botrytis. D'un point de vue pratique, ces RDD vont à l'encontre de la tendance actuelle qui, dans l'objectif de limiter la présence de résidus dans les vins, favorise l'application des produits le plus tôt possible (stade A) même si ces traitements s'apparentent pleinement à une « lutte d'assurance », sans aucune certitude d'un quelconque développement du botrytis à la récolte.

Discussion

Risque économique vs attentes sociétales

La validation des RDD au champ s'est fréquemment heurtée au suivi strict des préconisations de l'OAD, principalement pour des raisons techniques et organisationnelles (mise à jour des prévisions météorologiques déclenchant un traitement du jour pour le lendemain difficile à mettre en oeuvre, refus de découpler les traitements mildiou et oïdium...).

La réduction des intrants phytosanitaires en viticulture se heurte à un constat aussi simple qu'imparable : d'un strict point de vue économique, il n'est à ce jour pas rentable de chercher à réduire l'utilisation des intrants phytosanitaires. En effet, le risque de perte ou de dépréciation de la récolte n'est généralement pas compensé par l'économie de pesticides dont le coût reste modéré en comparaison avec l'ensemble des coûts de production (Davy, 2015). Toutefois, cette réalité économique ne peut à elle seule occulter les incessantes demandes sociétales pour une production agricole plus propre et plus respectueuse de l'environnement.

Des avantages et des inconvénients

L'utilisation d'un OAD tel que DeciTrait pour affiner les stratégies de traitement et réduire les intrants peut constituer une aide réelle pour accompagner les viticulteurs dans la difficile voie de la réduction des pesticides (fiche CEPP en cours de construction). L'utilisation de cet OAD comporte bien des avantages :

- fourniture de données météorologiques géolocalisées ;

- accès simplifié aux modèles de prévision des risques ;

- proposition d'une stratégie de traitement ;

- accès à Optidose et Optidose cuivre ;

- aide sur la rémanence des produits, la réglementation, les bonnes pratiques agricoles ;

- accès facilité à une base de données des produits phytosanitaires complète et à jour ;

- traçabilité simplifiée.

Mais des freins ont également été identifiés :

- manque de fiabilité des prévisions météorologiques ;

- augmentation du nombre de situations sanitaires mal ou moins bien maîtrisées, corolaire difficilement dissociable de stratégies fortement économes en intrants mises en oeuvre lors d'années à forte pression parasitaire ;

- besoin de réactivité importante pour traiter rapidement (transfert à l'échelle de l'exploitation) ;

- gestion compliquée du personnel en lien avec les délais de rentrée dans les parcelles ;

- difficulté de découplage des traitements mildiou et oïdium déjà identifiée par d'autres auteurs (Delière et al., 2013) ;

- pas d'intérêt économique direct lié à la réduction des intrants phytosanitaires ;

- absence de reconnaissance et donc de valorisation économique d'une viticulture faiblement consommatrice d'intrants auprès du grand public.

Conclusion

Ce projet a permis de lister l'ensemble des indicateurs mobilisables pour la prise de décision contre les principales maladies de la vigne, de les hiérarchiser et de produire des RDD afin de tenter d'améliorer le pilotage de la protection contre ces agents pathogènes. Les essais biologiques conduits en réseau montrent qu'une baisse importante d'intrants (de l'ordre de -50 %) peut être obtenue en suivant les préconisations de l'OAD. Toutefois, le suivi des stratégies proposées entraîne fréquemment un accroissement des dégâts. Compte tenu de la forte réduction des intrants induite par le suivi des stratégies proposées par cet OAD, il est souhaitable que son transfert auprès de la profession s'accompagne de quelques marges de sécurité (traitement en cas de météorologie incertaine, application d'une dose légèrement supérieure à celle préconisée...). La réduction de la consommation en sera sensiblement réduite au profit d'une sécurisation de la protection. L'outil développé est désormais commercialisé via une plateforme sécurisée accessible par internet ou un réseau de partenaires distributeurs. Il doit être utilisé comme un outil d'AIDE à la décision et venir conforter les choix du viticulteur ou conseiller technique afin de l'aider à réduire ses intrants tout en minimisant les risques d'échec de protection.

(1) Base de données IFV regroupant une vingtaine d'années d'observation de la vigne (maladies, physiologie...).(2) OAD développé par l'IFV proposant une adaptation de la dose homologuée en fonction du stade phénologique, du développement végétatif et de la pression parasitaire.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - La double performance, économique et environnementale, constitue un enjeu majeur pour la filière viticole qui demeure très dépendante de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. À elle seule, la lutte fongicide représente 80 % des intrants.

ÉTUDES - Un OAD (DeciTrait) regroupant l'ensemble des informations nécessaires à la mise en oeuvre d'une protection économe en intrants vis-à-vis des principales maladies cryptogamiques (mildiou, oïdium, black-rot et botrytis) a été conçu dans une démarche collaborative.

Cet OAD, accessible via internet, propose à l'utilisateur une stratégie de traitement personnalisée et adaptée (positionnement des traitements et doses à appliquer) afin de réduire les quantités de produits utilisés.

Les essais biologiques conduits au sein du programme CasDAR (2015-2018) mettent en évidence le potentiel de réduction des intrants phytosanitaires permis par cet OAD, tant sur la réduction du nombre de traitements que sur la dose appliquée. Le rapport bénéfices/risques lié à cette réduction constitue le principal frein au développement des stratégies proposées.

MOTS-CLÉS - Outil d'aide à la décision (OAD), vigne, mildiou, oïdium, botrytis, indicateur de fréquence de traitement (IFT).

Diminution des intrants phytosanitaires : rapport bénéfices/risques

Le Référentiel technico-économique du vigneron bordelais (2012) édité par la chambre d'agriculture de la Gironde a été utilisé pour simuler les coûts de production d'une exploitation fictive qui serait située dans le Bordelais en AOC entre-deux-mers. Cette étude visait à replacer le coût de la protection phytosanitaire dans le coût de revient global de la production de raisins et du vin et à mieux évaluer les gains potentiels d'une réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires.

L'analyse fine de la comptabilité indique que le coût pour produire une bouteille de vin, l'habiller et la commercialiser est de 2,88 € H.T. (Figure ci-dessous). Le coût lié à la protection phytosanitaire est de 0,11 € H.T./bouteille (0,06 € de produits + 0,02 € de main-d'oeuvre + 0,03 € de mécanisation) et représente donc moins de 4 % du prix de revient d'une bouteille. Réduire l'usage de moitié de ces produits (objectif fixé aux agriculteurs par les gouvernements successifs) ne ferait économiser que 3 à 5 centimes par bouteille au producteur mais lui ferait prendre des risques considérables de pertes de récolte. Dans des équilibres financiers déjà rendus précaires à cause des intempéries (gel historique de 2017, grêle, cours en baisse...), il n'y a rien d'étonnant à ce que les entreprises rechignent à s'engager volontairement et sans réticence dans une stratégie où elles risquent de gagner peu et de perdre beaucoup...

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : alexandre.davy@vignevin.com

REMERCIEMENTS

Les auteurs tiennent à remercier l'ensemble des expérimentateurs et des viticulteurs qui ont participé au développement de cet OAD. Ce travail a été soutenu financièrement par le ministère de l'Agriculture dans le cadre d'un appel à projet CasDAR RT.

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