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L’IFT, nouveau critère utile mais perfectible

La vigne - n°6 - mars 2012 - page 14

L’indicateur de fréquence de traitement (IFT) permet d’évaluer « la pression phytosanitaire » sur une campagne. Il facilite les comparaisons entre différentes exploitations. Son calcul n’est toutefois pas toujours facile

IFT. Ce nouveau sigle a commencé sa
« carrière » en France il y a peu. Mis au point au Danemark dans les années quatre-vingt, le ministère de l’Agriculture l’a présenté en 2006 dans une enquête sur les pratiques culturales des viticulteurs dans les différentes régions viticoles. «
L’indicateur de fréquence de traitement permet d’évaluer la pression phytosanitaire sur chaque parcelle. Exprimé en nombre de doses homologuées appliquées par hectare pendant une campagne, il peut être calculé pour une exploitation ou un territoire et par grandes catégories de produits (herbicides et autres) », explique le ministère de l’Agriculture.

Un indicateur peu connu des exploitants

« L’IFT est un indicateur intéressant pour faire son autodiagnostic, voir l’impact de l’évolution de ses pratiques et se situer par rapport à une autre exploitation », indique Édith Bodet-Emereau, de la chambre régionale d’agriculture Pays de la Loire. À ce jour cependant, tous les vignerons ne se sont pas approprié cet outil, loin s’en faut. « L’IFT n’est pas encore très connu des exploitants. Nous avons prévu d’éditer une plaquette pour les viticulteurs afin de le démocratiser », poursuit-elle. Pour Guillaume Gastaldi, de la chambre d’agriculture du Maine-et-Loire, « seuls les exploitants engagés dans une démarche de réduction de phytos l’utilisent ».

Les viticulteurs signataires de contrats Mesures agroenvironnementales territorialisées (MAET) ont appris à le calculer. De même pour les vignerons qui ont voulu rejoindre le réseau national de fermes pilotes lancé en 2011 par le ministère de l’Agriculture dans le cadre du plan Écophyto 2018.
Ce réseau regroupe en France plusieurs dizaines d’exploitations viticoles. Chacune d’entre elles a calculé son IFT et l’a comparé à l’IFT de référence de sa région établi en 2006 (et qui devrait être réactualisé en 2011). En Maine-et-Loire par exemple, cet IFT de référence (avec herbicides) est de 14,4. D’ici à 2013, les exploitations dont l’IFT est supérieur à 10 ont pour objectif de le diminuer de 40 %. Celles dont l’IFT est compris entre 5 et 10 doivent rester au même niveau, quel que soit le climat de l’année.
Les moyens mis en œuvre ou envisagés pour réduire l’IFT sont multiples : travail mécanique du sol, enherbement, paillage, effeuillage, ébourgeonnage, renforcement du suivi des maladies et ravageurs, essais de produits alternatifs, programmes Optidose, Mildium, Optipulvé, modélisation…
En Bourgogne, « l’IFT moyen des exploitations engagées est inférieur de 31 % à l’IFT régional en 2009, et de 23 % en 2010 », confie Guillaume Paire, de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire. « Je regrette de n’avoir pas connu l’IFT plus tôt. Le calculer m’a fait prendre conscience que l’on pouvait vraiment réduire les doses appliquées en les fractionnant, en les modulant selon le type de parcelle, l’enherbement et la vigueur », déclare Pascal Bonnet, vigneron dans l’Aube.
Mais réduire significativement l’IFT nécessite souvent des investissements importants. « Certains vignerons ont besoin d’acheter un deuxième enjambeur et ils hésitent à investir, constate Sabrine Da Paz, de la chambre d’agriculture de l’Aube. D’autres sont bloqués par le coût de l’achat d’un nouveau pulvérisateur. »

« L’IFT ne prend pas en compte la toxicité des produits »

De plus, l’IFT ne reflète pas le détail des actions engagées par le vigneron. Cet indicateur quantitatif ne prend pas en compte les stratégies de substitution des produits toxiques par des produits neutres pour réduire l’impact des traitements sur l’environnement. « Que l’on applique une pleine dose de bouillie bordelaise ou d’un insecticide, c’est le même IFT », regrette Guillaume Gastaldi, de la chambre d’agriculture du Maine-et-Loire. La solubilité et la volatilité des phytos ne sont pas non plus considérées. « Un autre biais concerne les produits fertilisants utilisés pour leur action fongicide. Leur effet phyto n’est pas intégré dans l’IFT », observe Édith Bodet-Emereau, de la chambre régionale d’agriculture Pays de la Loire. « Il serait intéressant d’avoir, en plus de l’IFT, un indice de toxicité ou mesurant la

durabilité

de l’exploitation », suggère Guillaume Paire, de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire.
Autre réserve suscitée par l’IFT : le calcul des doses. Si la méthode est assez simple sur le papier (voir encadré ci-contre), déterminer l’IFT « demande énormément de calculs sur les surfaces traitées et les doses, lorsqu’on les fractionne en plusieurs passages et qu’on ne travaille pas en plein comme c’est bien souvent le cas en désherbage, », confie Pascal Bonnet, vigneron dans l’Aube. « Pour le glyphosate, la dose homologuée varie du simple au triple. Selon les textes, on doit intégrer dans le calcul la dose la plus faible, même si ce n’est pas techniquement justifié », commente un conseiller de la chambre d’agriculture de l’Aude.
Les techniciens travaillant avec l’IFT depuis plusieurs années évoquent par ailleurs la forte variabilité de l’indicateur d’une campagne à l’autre. Ce paramètre est très dépendant de la pression phytosanitaire, donc des conditions climatiques. Certains suggèrent de le « lisser » sur cinq ans. L’IFT est donc un repère intéressant mais perfectible. Le ministère de l’Agriculture en est conscient. Il a déjà annoncé des évolutions.

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