Lindicateur de fréquence de traitement (IFT) permet dévaluer « la pression phytosanitaire » sur une campagne. Il facilite les comparaisons entre différentes exploitations. Son calcul nest toutefois pas toujours facile
IFT. Ce nouveau sigle a commencé sa
« carrière » en France il y a peu. Mis au point au Danemark dans les années quatre-vingt, le ministère de lAgriculture la présenté en 2006 dans une enquête sur les pratiques culturales des viticulteurs dans les différentes régions viticoles. «
Lindicateur de fréquence de traitement permet dévaluer la pression phytosanitaire sur chaque parcelle. Exprimé en nombre de doses homologuées appliquées par hectare pendant une campagne, il peut être calculé pour une exploitation ou un territoire et par grandes catégories de produits (herbicides et autres) », explique le ministère de lAgriculture.
Un indicateur peu connu des exploitants
« LIFT est un indicateur intéressant pour faire son autodiagnostic, voir limpact de lévolution de ses pratiques et se situer par rapport à une autre exploitation », indique Édith Bodet-Emereau, de la chambre régionale dagriculture Pays de la Loire. À ce jour cependant, tous les vignerons ne se sont pas approprié cet outil, loin sen faut. « LIFT nest pas encore très connu des exploitants. Nous avons prévu déditer une plaquette pour les viticulteurs afin de le démocratiser », poursuit-elle. Pour Guillaume Gastaldi, de la chambre dagriculture du Maine-et-Loire, « seuls les exploitants engagés dans une démarche de réduction de phytos lutilisent ».
Les viticulteurs signataires de contrats Mesures agroenvironnementales territorialisées (MAET) ont appris à le calculer. De même pour les vignerons qui ont voulu rejoindre le réseau national de fermes pilotes lancé en 2011 par le ministère de lAgriculture dans le cadre du plan Écophyto 2018.
Ce réseau regroupe en France plusieurs dizaines dexploitations viticoles. Chacune dentre elles a calculé son IFT et la comparé à lIFT de référence de sa région établi en 2006 (et qui devrait être réactualisé en 2011). En Maine-et-Loire par exemple, cet IFT de référence (avec herbicides) est de 14,4. Dici à 2013, les exploitations dont lIFT est supérieur à 10 ont pour objectif de le diminuer de 40 %. Celles dont lIFT est compris entre 5 et 10 doivent rester au même niveau, quel que soit le climat de lannée.
Les moyens mis en uvre ou envisagés pour réduire lIFT sont multiples : travail mécanique du sol, enherbement, paillage, effeuillage, ébourgeonnage, renforcement du suivi des maladies et ravageurs, essais de produits alternatifs, programmes Optidose, Mildium, Optipulvé, modélisation
En Bourgogne, « lIFT moyen des exploitations engagées est inférieur de 31 % à lIFT régional en 2009, et de 23 % en 2010 », confie Guillaume Paire, de la chambre dagriculture de Saône-et-Loire. « Je regrette de navoir pas connu lIFT plus tôt. Le calculer ma fait prendre conscience que lon pouvait vraiment réduire les doses appliquées en les fractionnant, en les modulant selon le type de parcelle, lenherbement et la vigueur », déclare Pascal Bonnet, vigneron dans lAube.
Mais réduire significativement lIFT nécessite souvent des investissements importants. « Certains vignerons ont besoin dacheter un deuxième enjambeur et ils hésitent à investir, constate Sabrine Da Paz, de la chambre dagriculture de lAube. Dautres sont bloqués par le coût de lachat dun nouveau pulvérisateur. »
« LIFT ne prend pas en compte la toxicité des produits »
De plus, lIFT ne reflète pas le détail des actions engagées par le vigneron. Cet indicateur quantitatif ne prend pas en compte les stratégies de substitution des produits toxiques par des produits neutres pour réduire limpact des traitements sur lenvironnement. « Que lon applique une pleine dose de bouillie bordelaise ou dun insecticide, cest le même IFT », regrette Guillaume Gastaldi, de la chambre dagriculture du Maine-et-Loire. La solubilité et la volatilité des phytos ne sont pas non plus considérées. « Un autre biais concerne les produits fertilisants utilisés pour leur action fongicide. Leur effet phyto nest pas intégré dans lIFT », observe Édith Bodet-Emereau, de la chambre régionale dagriculture Pays de la Loire. « Il serait intéressant davoir, en plus de lIFT, un indice de toxicité ou mesurant la
durabilité
de lexploitation », suggère Guillaume Paire, de la chambre dagriculture de Saône-et-Loire.
Autre réserve suscitée par lIFT : le calcul des doses. Si la méthode est assez simple sur le papier (voir encadré ci-contre), déterminer lIFT « demande énormément de calculs sur les surfaces traitées et les doses, lorsquon les fractionne en plusieurs passages et quon ne travaille pas en plein comme cest bien souvent le cas en désherbage, », confie Pascal Bonnet, vigneron dans lAube. « Pour le glyphosate, la dose homologuée varie du simple au triple. Selon les textes, on doit intégrer dans le calcul la dose la plus faible, même si ce nest pas techniquement justifié », commente un conseiller de la chambre dagriculture de lAude.
Les techniciens travaillant avec lIFT depuis plusieurs années évoquent par ailleurs la forte variabilité de lindicateur dune campagne à lautre. Ce paramètre est très dépendant de la pression phytosanitaire, donc des conditions climatiques. Certains suggèrent de le « lisser » sur cinq ans. LIFT est donc un repère intéressant mais perfectible. Le ministère de lAgriculture en est conscient. Il a déjà annoncé des évolutions.