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Quelles conséquences pourrait-on en attendre?

La vigne - n°87 - avril 1998 - page 0

Notre maison est un important groupe international de distribution alimentaire présent dans sept pays (chiffre d'affaires consolidé : 85 milliards de FF). La maison mère située en Belgique peut se comparer à Casino. Nous avons depuis cent trente et un ans une activité de mise en bouteilles sur le lieu de consommation. A une certaine époque, nous travaillions beaucoup avec la Rioja (Espagne) jusqu'à leur décision de mettre en bouteilles dans la région de production, et leur refus de nous livrer quelque milliers d'hectolitres en 1989.Deux procès successifs nous ont opposés, le dernier verdict rendu en 1992 par la Cour de justice du Luxembourg ayant donné tort à la Rioja, pour entrave au principe de la libre circulation. Depuis, nous leur achetons en bouteilles des volumes bien moindres... Nous conditionnons de cinq à six cents références de vins de qualité représentant un volume total de 35 millions d'hectolitres, principalement des appellations d'origine. Une grande part de nos achats concerne le marché français : nous achetons en vrac des AOC dans le Midi mais aussi en Bourgogne ou à Saint-Emilion. Nous ne sommes pas inquiets du retour du débat sur la mise en bouteille obligatoire dans la région de production : certes, elle est souhaitée par certaines régions, pour des raisons strictement économiques, mais les producteurs prendront-ils le risque de voir leur échapper une partie de la clientèle des négoces européens en vrac, et d'assumer eux-mêmes la commercialisation de leurs produits? Nous travaillons beaucoup avec l'Afrique du Sud, l'Australie, le Chili : l'Union européenne n'a plus le monopole des produits de qualité. ' Vouloir imposer la mise en bouteilles dans la région de production - un thème qui surgit à nouveau - est une erreur. D'une part, cela ferait grimper de 15 à 20 % les prix de nos vins et nous perdrions des marchés, en particulier en Europe du Nord, face à la concurrence des nouveaux pays viticoles. Le consommateur étranger se moque des subtilités de notre production : il ne fera que comparer les prix! Par ailleurs, quelle sera la réaction de ces pays d'Europe du Nord qui font déjà dans la Communauté européenne, les frais de nos politiques de soutien, d'arrachage, de promotion? Si leur négoce se voit refuser la possibilité d'acheter en vrac, ne risquent-ils pas de nous tourner le dos? Nous devons être conscients qu'aucun vin n'est irremplaçable. Même en France, la part de marché des vins étrangers augmente régulièrement tous les ans. Nous sommes en train de leur ouvrir la porte! Les arguments mis en avant sont la traçabilité, l'authenticité, la protection du consommateur. Or, imposer la mise en bouteilles dans la région de production, c'est une fausse solution : les véritables garanties passent par des documents d'accompagnement légaux et obligatoires et le suivi physique ' du produit lors de ses déplacements. Les négociants sont incriminés mais ce sont eux qui assurent le meilleur suivi en prenant et en conservant des échantillons à chaque étape (achat, transport, cuve). Actuellement, ces documents et ces échantillons n'ont pas de valeur légale en cas de litige, mais nous souhaiterions les voir légaliser. Je voudrais souligner la confusion qui existe dans l'esprit du consommateur entre les mentions ' mis en bouteilles à la propriété ' et ' mis en bouteilles dans la région de production ' : dans le deuxième cas, cela peut être du vin qui a fait 200 km, entre le Haut-Rhin et le Bas-Rhin, par exemple... Nous pourrions instaurer une formule qui spécifierait la mise en bouteilles dans la région administrative. '' Obtenir l'autorisation de Bruxelles pour la mise en bouteilles obligatoire serait globalement positif pour l'AOC chablis. En effet, nous avons pu constater à travers des dégustations à l'aveugle réalisées, entre autres, en Allemagne, en présence de professionnels locaux, que la qualité des vins de Chablis prélevés sur les linéaires allemands était très éloignée de ce que le consommateur est en droit d'attendre. Il n'est pas question ici de contrefaçons : il s'agissait de vins de Chablis, altérés entre le moment de l'achat et le moment de la mise en bouteilles. En effet, le transport de vin en vrac et l'embouteillage hors de la région de production présentent des obstacles techniques difficiles à maîtriser. De plus, l'éloignement de la zone de production implique des contraintes supplémentaires : s'il manque 30 ou 40 hl pour compléter une cuve, on doit attendre l'arrivage ce qui diffère la mise en bouteilles... Nous souhaitons donc la mise en bouteilles obligatoire dans la région de production pour pouvoir garantir la qualité du produit sur les linéaires. Et nous ne sommes pas la seule région à le souhaiter : à ma connaissance, le muscadet est aussi intéressé. Cela est parfaitement réalisable. '

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