La Cour de justice des communautés européennes a décidé que pour préserver la qualité d'un vin, une appellation pouvait instaurer une mise en bouteilles obligatoire dans la région de production.
C'est un arrêt capital que vient de rendre la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) ce 16 mai (affaire C-388/95), à propos de la mise en bouteilles obligatoire dans la région de production. Rappel des épisodes précédents.Acte un : au début de la décennie, un importateur belge attaque le vignoble espagnol de Rioja dont l'interprofession décide qu'à terme, la mise en bouteilles de ses vins sera obligatoire dans la région de production. Saisie, la CJCE déclare cette mesure contraire à la libre circulation en Europe (arrêt du 9 juin 1992). Acte deux : la Rioja ne se pliant pas à cette décision, l'Etat belge attaque l'Etat espagnol en 1994, toujours devant la CJCE, pour le non respect d'une décision communautaire. Le Danemark, les Pays-Bas, la Finlande, le Royaume-Uni soutiennent le premier ; l'Italie, le Portugal... et la Commission soutiennent le second. La Cour, qui a suivi les conclusions de l'avocat général (La Vigne de juillet/août 1999, p. 14), opère un revirement total dans son analyse invoquant ' un réexamen de l'affaire à la lumière d'éléments nouveaux '. L'argumentaire repose sur l'image et la réputation des appellations. On lit dans l'arrêt ' que le transport en vrac du vin peut nuire sérieusement à sa qualité s'il n'est pas effectué dans des conditions optimales ' et que ces dernières ' seront plus sûrement réunies si elles sont réalisées par des entreprises établies dans la région des bénéficiaires de l'appellation '. Le recours de l'Etat belge est donc rejeté, la Cour concluant que ' la coexistence de deux processus d'embouteillage, dans ou en dehors de la région de production, pourrait réduire le crédit de confiance dont l'appellation jouit auprès des consommateurs '. Du côté des négociants français, on regrette ' des arrêts de la Cour de plus en plus erratiques et imprévisibles, ainsi qu'une certaine 'politisation' des décisions. A l'interprofession de Rioja, on se félicite de ce revirement qui apporte ' des garanties de qualité, d'authenticité et de traçabilité '. En France, on avait ' anticipé ' cette décision car la possibilité de la mise en bouteilles obligatoire dans la région de production est inscrite dans la loi d'orientation agricole votée l'an dernier ; il faut une demande du syndicat concerné et l'avis de l'Inao. Reste maintenant à savoir combien d'appellations vont être intéressées et comment le négoce va s'adapter, sachant que bien des courants d'affaires sont maintenant compromis.