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Les multiples propriétés des tanins oenologiques

La vigne - n°87 - avril 1998 - page 0

Les tanins oenologiques sont utilisés depuis longtemps pour la clarification. Mais ils ont d'autres propriétés intéressantes sur lesquelles des travaux récents ont fait le point.

Les tanins oenologiques sont classés en deux groupes distincts : les tanins condensés ou proanthocyanidines, extraits des pépins de raisin, et les tanins hydrolysables qui sont des gallotanins ou ellagitanins, extraits du châtaignier, du chêne (pédonculé ou sessile), du mimosa et de quelques autres arbres. Ils proviennent des galles ou du bois.Les caractéristiques de ces tanins résultent, d'une part, de leur nature chimique, d'autre part, de leur mode de fabrication. La qualité des tanins dépend de la matière première : zone de provenance du bois, âge, position du bois sur l'arbre. Ensuite, selon le traitement, on obtiendra des préparations plus ou moins pures. Quand l'extraction est courte, les tanins sont de meilleure qualité. De ce fait, leur prix varie en fonction de leur origine et de leur fabrication.Chez Laffort (en Gironde), par exemple, la fourchette de prix des différents produits varie de 30 F/kg pour des tanins de châtaignier à 900 F/kg pour les tanins de coeur de chêne.Les tanins se caractérisent par leurs réactions avec les protéines. Ainsi, l'ajout de tanins dans des vins blancs riches en protéines potentiellement instables provoque-t-il un trouble : ils se lient aux protéines et les précipitent, éliminant une partie du risque d'instabilité. Les tanins sont également utilisés comme adjuvants de clarification, en complément de la gélatine.Renny Lebrun, chef de produit chez Littorale-oenologie (Hérault) explique : ' Pour la clarification des blancs, l'addition de gélatine seule est inefficace, la colle est soluble dans le vin et, de ce fait, ne sédimente pas. L'ajout de tanins permet de provoquer la clarification. L'addition de tanins, en complément de la gélatine, peut aussi être utilisé lors du collage de vins rouges peu structurés que la colle seule pourrait décharner. Là, les tanins de noix de galle et ceux de chêne sont les plus qualitatifs. Les tanins de châtaignier, moins fins, sont utilisés sur les vins de base. '' Par ailleurs, la réaction des tanins avec les enzymes, qui sont des protéines, peut bloquer partiellement ou totalement l'activité enzymatique. La laccase, enzyme du botrytis, responsable des oxydations des polyphénols, est facilement bloquée par l'addition de tanins. Cette propriété est intéressante pour limiter les oxydations dans les vins issus de vendanges botrytisées. 'L'étude menée par Nicolas Vivas, de la tonnellerie Demptos, détaché à la faculté d'oenologie de Bordeaux, a mis en évidence des propriétés intéressantes pour d'autres utilisations oenologiques.L'addition de tanins dans le milieu engendre plusieurs effets : d'abord, les tanins sont des substances électroactives qui ont un effet sur le potentiel d'oxydoréduction du milieu. Cet effet est surtout remarquable pour les ellagitanins (chêne, châtaignier) qui provoquent une augmentation du potentiel redox et initient l'ensemble des phénomènes oxydatifs : l'oxygène est mieux exploité, davantage de peroxydes se forment dans le milieu et, d'autre part, les combinaisons entre tanins et anthocyanes par l'intermédiaire de ' ponts éthanal ' sont favorisées. Les tanins oenologiques constituent donc un moyen d'affiner la maîtrise des paramètres d'oxydoréduction pendant l'élevage en cuve.Ensuite, les tanins ont également la propriété de capter les thiols nauséabonds, responsables des odeurs de réduit. Deux mécanismes complémentaires entrent en jeu : combinaison thiols-composés phénoliques et, d'autre part, oxydations couplées produisant des oxydants puissants (peroxydes et radicaux libres), qui détruisent les thiols. A noter que ces réactions ont lieu en présence d'oxygène et sont favorisées par l'aération.Ensuite, deux propriétés des tanins peuvent être intéressantes pour stabiliser la couleur. D'abord, les tanins (ellagitanins) sont des molécules oxydables. Ajoutés dans le vin à la fin de la fermentation alcoolique quand le dégagement de CO2 a cessé, ils jouent un rôle d'amortisseurs d'oxydation. Si l'on aère le vin, ce sont les tanins qui s'oxydent préférentiellement, évitant l'oxydation des anthocyanes et l'apparition prématurée de reflets tuilés. Par ailleurs, les ellagitanins catalysent la formation de combinaisons stables entre anthocyanes et tanins du raisin par ' ponts éthanal '.D'autre part, si l'on ajoute des tanins de raisin, ils peuvent se combiner aux tanins et anthocyanes du raisin, entraînant une stabilisation de la couleur et une amélioration de la structure par les réactions de condensation naturelles.Les propriétés gustatives ont été testées par des dégustations de solutions hydroalcooliques contenant des concentrations croissantes de tanins. Il apparaît ainsi que l'amertume est plus importante pour le tanin de châtaignier et celui de galles, et que l'astringence est supérieure pour le tanin de chêne. Le caractère boisé n'est perceptible qu'à des concentrations très importantes, jugées incompatibles avec la qualité gustative des vins (20 à 40 g/hl). En effet, les tanins sont extraits par lyophilisation ou atomisation et le solvant le plus souvent utilisé est l'eau. De ce fait, les molécules odorantes se retrouvent en faible concentration dans les poudres de tanins.Au niveau de la réglementation, l'utilisation des tanins oenologiques est autorisée dans l'annexe IV du règlement communautaire de base de notre secteur, le 822/87, et ce sur moût à des fins de clarification et sur vins finis sans mention spéciale. Le code international des pratiques oenologiques de l'OIV (Office international de la vigne et du vin) définit l'utilisation du tanisage pour le dépouillement des vins nouveaux et pour faciliter le collage. A l'heure actuelle, la réglementation ne donne pas plus de précisions : la DGCCRF (Direction des fraudes) soutient que l'utilisation des tanins pour la stabilisation de la couleur et l'amélioration de la structure des vins est interdite. Elle se fonde sur le fait que les produits oenologiques doivent avoir pour but exclusif de permettre ' une bonne vinification et une bonne conservation des vins '. Cependant, une prochaine réunion de l'OIV est prévue, autour d'un bilan des connaissances scientifiques et techniques sur les tanins oenologiques, ce qui pourrait permettre, à terme, de faire évoluer la réglementation.

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