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Les tromperies en matière d'étiquetage et d'origine

La vigne - n°87 - avril 1998 - page 0

Des metteurs en marché essaient, à travers des noms ressemblants ou des étiquettes équivoques, de tirer partie indûment de la notoriété des AOC. L'Inao s'apprête même à mettre en place un comité d'éthique pour examiner ces questions. Une décision de la Cour de cassation vient de condamner en l'espèce une enseigne de la grande distribution.

Une stratégie s'était instaurée entre une grande surface et sa centrale d'achats : le but était de vendre un vin de table, peut-être de qualité mais sans qualification particulière, pour tenter le chaland. C'est de cette opération que va naître un contentieux soumis à la chambre criminelle de la Cour de cassation. Certes, le magasin pouvait présenter dans ses rayons des vins d'appellation d'origine contrôlée provenant du terroir de Savoie : apremont et roussette de Savoie dans notre cas précis. Certains ont peut-être pensé qu'il y avait là des ' noms d'appel ' à utiliser. Dans la masse du matériel publicitaire distribué dans les boîtes aux lettres environnantes, figurait un catalogue édité pour la grande surface incriminée, intitulé : ' Le guide de nos vins ', présentant une sélection de bouteilles mises en vente dans les magasins.Il y avait les chapitres ' Bordeaux ', ' Vins de Loire ', ' Côtes du Rhône ', et une rubrique ' Savoie ' et là, à côté de vin d'appellation, figurait une bouteille vendue sous la dénomination ' Perle des neiges ', blanc de blanc. L'image fixée sur les flacons représentait un paysage montagnard avec vue sur des sommets neigeux, le tout étant apte à faire vivre le désir de vacances et à raviver les souvenirs de glissades entre les mélèzes... Dans le rayon, offert à la ' tentation ', ' La perle des neiges ' s'alignait à côté de l'apremont et de la roussette de Savoie.La mise en scène n'a pas échappé au service de la répression des fraudes : le responsable de la centrale d'achats, chargé de la publicité, sera poursuivi en application de l'article L 115-16 du code de la consommation, pour apposition de fausse appellation d'origine ' Savoie ' sur un simple vin de table. Car, en plus, le vin provenait en réalité du Midi de la France.Loin de s'avouer vaincu, le prévenu fera valoir que le terme ' Savoie ' n'est pas une appellation d'origine mais une simple indication d'origine, échappant aux prévisions du texte, fondement de la poursuite. Sur le plan formel, il avait peut-être raison mais les faits constatés demeuraient et les juges, comme ils en ont la faculté, vont requalifier les poursuites en ' mise en vente de produits portant une appellation d'origine sciemment inexacte ', poursuites prévues par le même texte de l'article L 115-16 du code de la consommation. Il restait aux magistrats à établir la réalité du délit incriminé et c'est ici que la décision qui sera rendue, prend valeur d'enseignement : il existe un décret protégeant l'appellation contrôlée vin de Savoie, employée seule ou suivie du nom du cru, mais l'unique indication du terme ' Savoie ' pour désigner, à côté de deux vins d'appellation contrôlée, un vin de table dont la dénomination et l'étiquette laissent croire qu'il a été produit dans l'aire géographique de production du vin d'appellation d'origine contrôlée, caractérise l'infraction; et même cette infraction est constituée dans les simples énonciations d'un catalogue.La publicité n'avait pas offert un produit de mauvaise qualité, il était peut-être excellent. Le problème concernait la protection d'une appellation contrôlée et la prohibition de moyens détournés pour faire croire au consommateur que le vin en vente sous la dénomination ' Savoie ' équivalait à l'appellation contrôlée. Pour parvenir à ce titre, le viticulteur doit répondre aux exigences du décret et rien ne prouvait, bien au contraire, que le liquide mis en vente répondait à ces critères. Il est tentant pour le commerce d'utiliser des appellations géographiques pour créer la confusion chez le consommateur. Qu'on mette en vente une bouteille de vin rosé portant l'appellation Provence avec une étiquette représentant une calanque méditerranéenne ou le profil de Sainte-Victoire, la confusion sera facile avec l'appellation contrôlée côtes de Provence.L'appellation se mérite. Elle a ses exigences de terroir, de cépages, de façons culturales. N'importe qui ne peut s'en servir de manière détournée pour écouler un vin de pays, même de bonne qualité.Chambre criminelle, Cour de cassation, 18 juin 1997, Gazette du Palais du 29 octobre 1997, page 221.

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