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Les droits de plantation sont attachés à l'exploitation

La vigne - n°88 - mai 1998 - page 0

A l'heure où de nombreux vignerons, désireux d'agrandir leur propriété, s'efforcent d'acquérir des droits de plantation - un sujet très tendu! - le mécanisme des transferts est passé au peigne fin, à la lumière d'une décision de la Cour de cassation du 7 janvier dernier.

L'article 35-2 du décret du 26 février 1987, modifiant celui du 30 septembre 1953 qui réglemente les autorisations de plantations nouvelles et droits de replantation de vignes, indique que ' les droits de replantation de vignes peuvent être transférés, en fin de bail rural, du preneur au propriétaire de l'exploitation sur le fonds de laquelle ils ont été exercés, si le preneur n'a pas procédé à l'arrachage de la vigne avant la restitution du fonds '.Dans l'affaire qui nous concerne, M. X avait pris à bail des terres nues aptes à recevoir des vignes AOC. Il disposait de droits de plantation qui lui avaient été accordés. Avec l'autorisation du propriétaire, il met en place les plants. Pendant des années, le contrat de location se poursuit sans accroc; le preneur règle son dû au bailleur et commercialise sa récolte.Vient le moment de la retraite. N'ayant pas de continuateur, M. X décide de ne pas renouveler le bail. Un litige s'élève sur les indemnités éventuelles au preneur sortant. Par décision de justice, il sera alloué à M. X une somme d'argent représentant le coût de la plantation au jour de la cessation du bail, sous déduction de l'amortissement tel que prévu par l'article L 411-71 du code rural. Les choses auraient pu en rester là. M. X se ravise : alors qu'il a quitté l'exploitation, un ' amateur ' de droits de plantation lui fait remarquer que s'il avait arraché les vignes, il aurait recouvré ses droits de plantation et, éventuellement, aurait pu les lui céder.Alléché par l'offre, M. X sollicite de son ex-bailleur l'arrachage des vignes. Le propriétaire s'y oppose et un procès s'engage devant le tribunal paritaire. Dans cette procédure, M. X demande que le propriétaire soit condamné à arracher les vignes laissées sur les terres.La cour d'appel, après le tribunal, rejettera la requête avec les motifs suivants : les droits de plantation sont tout à la fois personnels à leur titulaire, rattachés au fonds planté en vignes et incessibles; l'incessibilité étant une disposition d'ordre public, les droits de plantation n'ont pas pu être cédés au propriétaire.Cependant, faute par M. X d'avoir arraché les pieds de vignes avant la fin du bail, il est resté titulaire des droits de plantation mais il ne peut pas exiger l'arrachage des vignes qui sont, en application de l'article 551 du code civil, devenues la propriété du bailleur. Les juges ajoutent, sans que l'on sache si le motif est déterminant, que le bail étant expiré, M. X n'a pas ou n'a plus qualité pour réclamer l'arrachage.Comme il se doit, M. X formule un pourvoi contre la décision des juges du fonds. Le point principal de sa contestation s'articule sur un raisonnement simplifié : dans le cadre de l'article 35-2 du décret, les droits de plantation ne peuvent être cédés qu'en fin de bail au propriétaire, lui-même exploitant viticole; son ex-bailleur étant non exploitant, les droits n'ont pas pu lui être transférés et il n'est donc pas devenu propriétaire des pieds par le jeu de l'accession.La Cour suprême rejette le pourvoi, affirmant que les droits de plantation et de replantation étant attachés à l'exploitation et M. X ayant perçu l'indemnité pour améliorations culturales dans le cadre de l'article L 411-69 du code rural au titre des plantations, cette personne est sans titre pour solliciter l'arrachage des pieds de vignes devenus la propriété du bailleur par le jeu de l'accession. Le débat juridique instauré est cependant tronqué; certes, sur un point important, une solution est donnée : les vignes plantées par le preneur deviennent la propriété du bailleur si le preneur a été indemnisé pour la plantation effectuée, même si les droits lui appartiennent. L'essentiel découlant de l'argumentation du fermier reste occulté : si en application de l'article 35-2 du décret, les droits de plantation du preneur utilisés sur la propriété louée sont transférés au bailleur, à défaut d'arrachage à l'expiration du bail, est-il nécessaire que le propriétaire soit déjà exploitant viticole? Le décret parle de transfert ' au propriétaire de l'exploitation '. Or, propriétaire ne veut pas dire obligatoirement exploitant. Il est à retenir que la Cour a repris la formulation de son arrêt Dethune : ' les droits de plantation ou de replantation sont attachés à l'exploitation '.Peut-on, comme certaines argumentations l'ont suggéré, soutenir qu'il faut distinguer les pieds de vignes devenant propriété du bailleur et le droit d'utiliser ces vignes pour produire des vins commercialisables sous appellations.(Référence : Cour de cassation, 7 janvier 1998. Entreprise agricole, février 1998, 3454.)

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