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La nature de la responsabilité de l'Institut national des AOC

La vigne - n°89 - juin 1998 - page 0

Un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon a condamné l'Institut national des AOC. Le motif : un vigneron a subi un préjudice car il n'a pas pu présenter ses vins à l'agrément. L'Institut a commis une erreur au sujet des superficies de ce producteur.

Lorsque les juridictions administratives sont appelées à statuer en matière de responsabilité des collectivités et établissements publics, tantôt elles admettent la responsabilité sans faute (notamment en matière de travaux publics), tantôt pour faute simple (établissements hospitaliers), tantôt pour faute lourde (tels les services de police ou fiscaux). Avec cette éclairage, on peut se demander quelle est la nature de la responsabilité de l'Inao agissant dans le cadre de ses missions. L'Institut est un organisme doté de pouvoirs forts : par exemple, les décrets signés par le ministre doivent strictement reproduire les propositions de l'Inao (Conseil d'Etat, 30 juillet 1997) sous peine d'annulation. L'affaire que nous étudions aujourd'hui concerne l'agrément. Un sujet important et sensible car il est à la base même de la notion d'appellation : on se souvient, par exemple, de cette affaire dans le Muscadet où l'Inao refusa de livrer des échantillons à l'analyse, au motif qu'ils provenaient de vignes plantées frauduleusement (ramification de l'affaire des baux fictifs).La mésaventure contentieuse vécue par M. X. en est un nouvel exemple : depuis des années, sans difficulté, ce vigneron obtenait l'agrément de sa récolte; aucune contestation ne s'était élevée jusque-là et son vin portait l'étiquette d'une très belle appellation. Or, voilà que la vinification achevée, l'Inao refuse de suivre la procédure d'agrément au motif que le propriétaire n'aurait pas les surfaces nécessaires pour produire la quantité annoncée et qu'ainsi, la récolte proviendrait, pour partie, de surfaces non aptes à porter une telle appellation. Des centaines d'hectolitres bloqués, une obligation de les conserver en cuve, des frais financiers générés par cette rupture des opérations commerciales : il est inévitable que M. X. porte la difficulté devant la juridiction administrative. Par jugement définitif, il est admis que la prétention de l'Inao est infondée car les superficies nécessaires sont reconnues existantes.C'est à la suite de cette décision que M. X. engage une action en dommages et intérêts contre l'Inao. A cette demande est d'abord opposé l'article L 122 du livre des procédures fiscales : l'Administration est en droit d'opposer au demandeur ses déclarations fiscales ou évaluations dans la mesure où elles sont antérieures au fait sur lequel se fonde la demande. A cet argument de l'Inao, il sera répondu : ' l'évaluation de la perte de bénéfices subie par M. X., en raison de la décision de l'Inao du 8 janvier 1988, ne saurait prendre pour base les déclarations de revenus que l'intéressé devait faire à l'Administration fiscale au titre des années 1987-1989, dès lors que ces déclarations ne pouvaient être, compte tenu de la date de la décision critiquée, exigées du contribuable par l'Administration antérieurement au fait générateur de sa créance '. Le moyen d'irrecevabilité rejeté, reste à examiner le préjudice dont réparation est sollicitée du tribunal, la faute de l'Inao étant établie par le jugement précédent.Pour l'évaluer, la juridiction retiendra l'impossibilité pour M. X. de vendre sa récolte avant le 12 septembre 1989, date à laquelle l'erreur de l'Inao est reconnue. Cette erreur constitue la conséquence directe de la faute de l'établissement public qui a causé un préjudice commercial, résultant notamment du refus manifesté par les caveaux d'acquérir les vins mis en bouteilles provenant de la récolte litigieuse après l'apparition d'un nouveau millésime. Ce préjudice résultera en outre de la perte de débouchés à l'exportation, de la nécessité de vendre des lots de vin qui auraient pu être cédés au détail à un prix plus élevé et des surcoûts de vieillissement en fûts de chêne, auxquels s'ajoutent les frais de transport et de stockage des vins commercialisés tardivement.Partant de ces éléments, les juges fixent le préjudice à 75 000 F auxquels s'ajoutent 15 000 F pour tracas causés par la faute de l'Inao. La leçon à tirer s'impose : parce qu'un technicien ou autre agent de l'Inao s'est trompé sur ses superficies aptes à produire l'appellation, M. X. a subi un dommage qui n'a été sûrement réparé que pour partie et l'établissement public a dû régler une somme qui aurait été plus utile pour financer ses missions.(Référence de l'arrêt : cour administrative d'appel de Lyon, 5 mai 1997, Brusset).

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