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archiveXML - 1998

Le pigeage progresse

La vigne - n°89 - juin 1998 - page 0

Utilisé à bon escient, le pigeage semble être un facteur de qualité des vins rouges, ce qui explique l'engouement actuel pour cette technique que l'on redécouvre.

Le pigeage est une technique traditionnelle de la vinification des vins rouges en Bourgogne. Elle a pour but d'enfoncer le chapeau dans le jus, afin de le mettre en contact avec lui. Cette opération se faisait par le passé de façon manuelle. Elle a été mécanisée.Les cuves de pigeage laissent peu à peu la place aux robots. Ce sont ces derniers qui se rapprochent le plus du geste humain, ce qui, selon Dominique Peyron de l'institut Jules Guyot, à Dijon, est plus favorable à la qualité des vins. Les cuves qui tournent sur elles-mêmes ont l'inconvénient de tout remettre en suspension, y compris les pépins. D'autres systèmes existent. Il s'agit d'hélices de formes diverses, qui tournent sur un axe central, ou de râteaux entraînés par une chaîne. Mais les robots pigeurs, plus facilement adaptables (ils se déplacent de cuve en cuve), semblent recueillir plus de suffrages. Ils sont en général composés de vérins qui enfoncent dans la cuve un système (pales, coupelles...) appuyant sur le chapeau.L'intérêt du pigeage, comme de toutes les techniques permettant de mettre en contact jus et baies, est de favoriser l'extraction. Des essais ont été réalisés, sur le pinot noir, par Dominique Peyron afin de comparer pigeage et remontage. Le pigeage améliore l'extraction (couleur et tanins) et la qualité de ces vins, qui ont été préférés à la dégustation.Aux caves Rocbère (Portel-des-Corbières, Aude), Luc Mazot souhaite monter prochainement des robots pigeurs sur certaines cuves. Il explique cette décision. ' Depuis deux ans, nous n'avons pas trop de chance. En 1996, la présence d'araignées jaunes nous a donné des raisins avec une mauvaise maturité. Les vins ont alors manqué de matière. En 1997, nous avons eu de grosses sorties, surtout sur carignan. La pluie d'août n'a rien arrangé. La récolte importante a donc, elle aussi, donné des produits manquant de matière. ' De ce fait, il souhaite essayer le pigeage. Il explique que ' son utilisation sera fonction du millésime. Sur carignan, quand la maturité est bonne, il n'y a pas besoin de trop d'extraction. 'Au château Canon-la-Gaffelière (Saint-Emilion, Gironde), le pigeage a remplacé les remontages sur certaines cuves. Le maître-mot ici est le respect du produit. ' Nous recherchons la structure mais aussi beaucoup de finesse. Les pompages répétés occasionnés par les remontages ne vont pas forcément de pair avec cette finesse ', signale Stéphane Derenoncourt, responsable technique du château. Le pigeage permet de fouler plus légèrement le raisin et de ne pas toucher au jus.Les anciennes cuves en Inox, équipées de systèmes de remontage automatiques, ont laissé la place à des cuves en bois ouvertes, équipées de robots pigeurs. Le cuvier fonctionne ainsi depuis le millésime 1997. ' Nous effectuons un pigeage doux et non pas une extraction maximum, car nous n'avons pas de problème d'extraction. Nous souhaitons seulement un système qui respecte le plus possible la vendange ', explique Stéphane Derenoncourt. Il note aussi qu'avec un tel système, les pépins tombent au fond de la cuve et ne sont pas remis en circulation, ce qui évite l'extraction de leurs composés. Le marc est aussi plus ferme et plus aéré, provoquant une fermentation plus lente.Denis Clavel, vigneron à Saint-Gervais (Gard), a quitté la coopérative pour monter sa propre cave en 1991. ' J'ai été satisfait de la qualité de mes vins blancs mais pour les rouges, j'ai eu l'impression de passer à côté du potentiel que je sentais dans les raisins, explique-t-il. Je n'arrivais pas à extraire ce que je souhaitais. Je me suis donc intéressé au pigeage. ' Jugeant le matériel existant sur le marché trop cher ou peu adapté à ses besoins, ce producteur a la bonne idée d'inventer lui-même son robot pigeur.Deux pales se déplient sur le marc et viennent appuyer sur le chapeau. Ces pales s'effacent en remontant, ce qui permet au raisin qui a été enfoncé de ne pas remonter avec les bras du robot. Une fois en haut, l'appareil fait un sixième de tour et recommence son mouvement afin de travailler le chapeau en totalité.Ce système se transporte d'une cuve à l'autre. Il a fait l'objet d'un brevet de la part de son inventeur. Il est prévu que des essais soient menés avec l'Institut rhodanien. Denis Clavel l'utilise déjà avec satisfaction sur tous ses cépages rouges (grenache, syrah, cinsault, carignan...). Il a d'ores et déjà remarqué que ses rouges présentent plus de couleur, de tanins et de gras qu'auparavant. ' Cela a été particulièrement spectaculaire sur le carignan, raconte-t-il. Certaines cuves de carignan avaient la couleur d'une syrah. 'Mais contrairement au château Canon-la-Gaffelière, le pigeage n'a pas supprimé les autres opérations. Le robot tourne pendant une heure et demie par jour pendant la cuvaison. Mais Denis Clavel continue à exécuter deux remontages de 30 minutes par jour et trois délestages pendant toute la durée de la fermentation. L'efficacité du remontage est grandement améliorée par le pigeage. Le chapeau est moins compact et il se forme moins de chemins préférentiels. L'ensemble du marc est donc mieux lessivé. Remontage et pigeage ne sont donc pas forcément contradictoires, ils peuvent être complémentaires. Dominique Peyron précise ' qu'un remontage est souvent effectué en Bourgogne, non pas dans un but d'extraction, mais dans un souci d'humidification du chapeau, pour éviter son dessèchement et son oxydation '.A chacun donc d'adapter la technique à ses besoins.

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