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Vendre sa récolte en raisins

La vigne - n°93 - novembre 1998 - page 0

Après avoir vinifié durant trente ans dans sa cave particulière, Jean Gauget a décidé de la fermer et de vendre toute sa récolte en raisins.

Renoncer à vinifier après l'avoir pratiqué de longues années n'est pas un choix facile. ' Au moment des vendanges, je ressens un manque, c'est certain. Une cave sans activité, sans odeur de moûts en fermentation, c'est une cave morte. Mais j'ai dû faire un choix ', explique Jean Gauget, viticulteur à Béziers (Hérault).Il y a quatre ans, un problème de santé l'oblige à travailler moins. Pluriactif, il choisit de sacrifier la vinification pour conserver ses deux autres activités, sans abandonner pour autant le vignoble, qui compte 30 ha plantés en merlot, grenaches noir et blanc, muscat d'Alexandrie. ' La cave du domaine est amortie. Dimensionnée pour 13 000 hl à l'origine, elle est équipée de cuves qui contiennent de 400 à 1 300 hl. Pour coller à l'évolution du marché, qui demande de plus en plus de petits volumes personnalisés, j'aurais dû investir dans une cuverie mieux adaptée. A court terme, j'aurais aussi dû mettre les installations aux normes et m'équiper pour la dépollution des effluents ', souligne-t-il.Pour amortir de tels investissements, il aurait fallu qu'il commercialise en bouteilles au moins une partie des 2 500 hl de vins de pays qu'il vinifiait et vendait jusqu'alors en vrac auprès de négociants.' Pour mener le produit jusqu'au consommateur, je ne peux pas m'appuyer sur une cellule familiale comme d'autres le font car ma femme travaille à l'extérieur et mes enfants sont encore jeunes. 'La première année, il a cédé une partie de sa récolte à un négociant auquel il fournissait habituellement du vin, puis l'année suivante, il a vendu la totalité du volume. Dans le même temps, il a créé un syndicat de producteurs de raisins. Il commercialise aujourd'hui sa récolte à trois négociants. Il peut ainsi partager les risques et ne pas dépendre d'une seule entreprise. En début de campagne, le syndicat fixe une grille de prix d'orientation par cépage mais, ensuite, chacun négocie de son côté.' Les acheteurs viennent dans les vignes durant le mois précédant les vendanges, pour évaluer la qualité du raisin avant de s'engager sur un prix. Nous établissons ensuite un contrat, sur lequel figure le volume estimé, le prix ferme et les conditions du paiement, qui s'échelonne en général entre janvier et juin. 'Les cours varient d'une année sur l'autre en fonction de l'équilibre entre l'offre et la demande, comme pour les vins. Cette année, le prix d'orientation s'est établi à 3,30 F/kg pour le merlot, 3,10 F/kg pour le grenache blanc et 2,70 F/kg pour le grenache noir. ' Avec un petite récolte, nous avons obtenu de bons prix, mais cela ne veut pas dire que l'an prochain, ce sera aussi bien. 'Dans la vente en raisins, la qualité reste déterminante pour fidéliser l'acheteur. ' Les metteurs en marché se sont équipés pour la vinification dans le but de mieux maîtriser la qualité de leur approvisionnement et de satisfaire ainsi aux demandes spécifiques de leurs clients ', souligne-t-il. Sur les dix principaux acheteurs recensés en Languedoc-Roussillon, il n'y en a qu'un qui accepte le raisin tout venant pour élaborer des vins vendus en vrac. Les neuf autres travaillent dans le haut de gamme. ' Ils augmentent tous les ans leur potentiel de réception, ce qui laisse supposer qu'ils gagnent des parts de marché. Ce sont des metteurs en marché efficaces, qui ont su se positionner sur le créneau des vins de cépages et de pays au niveau mondial. Ils ne bradent pas. Au contraire, ils tendraient plutôt à tirer les prix vers le haut et participent activement à la réussite de produits comme les vins de pays d'Oc, par exemple. 'Au niveau de l'exploitation, le chiffre d'affaires a, bien sûr, diminué mais les investissements et les frais de fonctionnement aussi. Il y a moins de TVA à brasser, car elle n'est que de 5,5 % sur les raisins, et moins de formalités administratives, puisqu'il suffit de remplir une déclaration de récolte, en mentionnant le poids du raisin et le type de vin qui sera élaboré par l'acheteur.Jean Gauget ne compte pas pour autant arrêter d'investir, car son fils, qui a actuellement 15 ans, est intéressé par le métier de vigneron. ' Je vais maintenir en état la cave et continuer à renouveler le vignoble. Lorsque mon fils aura achevé ses études, il pourra, s'il le souhaite, vinifier à nouveau. Actuellement, les prix des vins du Languedoc, même s'ils ont progressé, ne sont pas encore suffisants pour amortir simultanément des investissements au vignoble et à la cave. Mais dans quelques années, si nous continuons à progresser en notoriété, la situation devrait être plus favorable. '

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