Beaucoup pensent être passés à côté d'un millésime exceptionnel dans les régions qui ont vendangé après les pluies. Toutefois, le 1998 s'annonce beau, voire exceptionnel dans le Sud.
A Sancerre, les vins n'ont aucun arôme herbacé, témoignant de la maturité satisfaisante du sauvignon. A Chablis et en Champagne, les vins fermentent sans histoire. En Alsace, on craignait le pire : les contrôles de maturité faisaient état d'un manque d'acidité et avec les pluies, certains cépages, dont le tokay, ont commencé à pourrir. ' Tout compte fait, la fermentation s'est bien passée, la fermentesciblité était meilleure qu'en 1997. Lorsque l'état sanitaire était moyen, nous avons essayé de travailler en raisins entiers et limiter la trituration au maximum. Les quelques goûts de pourri ou iodés ont été éliminés au débourbage, éventuellement avec des traitements de caséine plus cellulose. Les parcelles récoltées en dernier ont eu plus de mal à fermenter, la maturité étant supérieure et le jus plus froid ', explique Arnaud Immele, oenologue dans le Haut-Rhin.Dans le pays nantais, la situation était comparable : la folle blanche, plus tardive et plus sensible au botrytis, a souvent été atteinte par la pourriture et il a fallu bien travailler les moûts. ' Les fermentations ont été lentes mais sans qu'il y ait plus de blocages que les autres années. En 1998, elles ont dépassé 20 à 25 jours contre 12 à 16 en moyenne ', ajoute Christophe Marchais, du laboratoire Val-OEno.En Côte-d'Or, les vins blancs présentent un bon équilibre acide, avec une maturité légèrement inférieure à 1997. On note également quelques fins de fermentation un peu lentes. ' Il fallait soigner le débourbage pour éviter la casse aux premiers bâtonnages ', explique-t-on chez SGS oenologie, à Beaune. Dans le Jura, le laboratoire départemental de Poligny note également des fermentations paresseuses, du fait de la fraîcheur des caves. A Cognac, les températures, plus fraîches que d'habitude, ont évité de trop grosses montées en température des moûts, causes d'arrêts de fermentation. Sur le littoral méditerranéen, l'Institut coopératif du vin a mis en garde ses clients contre la tendance oxydative des blancs et le risque élevé de brunissement, il préconise une protection soignée, par inertage et sulfitage.Couleur, matière, bel équilibre... Même lorsque la pluie est venue en trouble-fête avant la récolte, les vins rouges 1998 sont riches. Dans le Sud, les oenologues de l'Institut coopératif du vin exhortent les vignerons à surveiller les fins de fermentation et mettre les vins au propre à temps. ' D'abord, les vins ont une richesse tannique élevée : faire un soutirage après fermentation alcoolique et un ou deux après malolactique apporte l'oxygène indispensable aux combinaisons et aux précipitations. Les vins s'assouplissent sensiblement en dégustation quelques jours après. Ensuite, nous avons cette année des fins de fermentation languissantes, car beaucoup de vins dépassaient 13° : la consommation des derniers grammes de sucre s'est étalée sur plusieurs jours pendant lesquels les lies ont commencé à se déposer et à se tasser. Il était donc indispensable de soutirer dès la fin de la fermentation afin d'éviter le développement de goûts de réduit ', analyse Daniel Granes, de l'ICV de Narbonne.Dans les côtes du Rhône, Bernard Ganichot a également observé un ralentissement général des fermentations, sans montée de volatile. ' L'extraction était facile, les tanins apparaissent très ronds pour l'instant mais l'impression tannique peut augmenter en février-mars. A l'élevage, on n'aura pas de tanins durs à assouplir comme en 1994, mais il faudra veiller à ce que la sensation de l'alcool ne prenne pas le dessus, ajoute Noël Rabot, oenologue à Sorgues. La couleur tient bien pour l'instant : en fin de malo et après sulfitage, on a perdu un point d'intensité colorante alors qu'en 1997, la moitié de la couleur était tombée. ' A Tain-l'Ermitage, malgré 60 mm de pluie début septembre, les vins apparaissent gras, ronds et de bonne charpente tannique. Dans le Beaujolais, Philippe Cottereau, de la Sicarex, souligne que la pellicule étant bien mûre et les tanins très ronds, les macérations pouvaient être prolongées, ce qui permettait en outre d'extraire plus de tanins afin de stabiliser la couleur. Dans le Mâconnais, les vendanges des rouges ont été étalées, l'hétérogénéité est importante du fait du gel, de la grêle, des attaques d'oïdium et de botrytis. En Côte-d'Or, les rouges sont riches. ' L'équilibre entre degré et acidité est bon. Les arômes de framboise et de mûre s'extraient plus vite. Les robes sont jolies, rubis foncé, et pas violacées comme l'an dernier ', ajoute un oenologue de Beaune.Les vignerons du Sud-Ouest sont très satisfaits. Les rouges ont atteint de très belles maturités cette année en Gironde, à Bergerac, à Cahors, dans le Gers et à Gaillac... ' Malgré les vendanges faites sous la pluie dans bien des cas, les vins sont colorés et tanniques, l'extraction était facile. Les pH sont assez bas mais les malo se font bien, car il ne fait pas encore trop froid. Même les merlots sont puissants, ce qui est rare dans le Médoc. Les différences sont venues des terrains : les mieux approvisionnés en eau ont donné de meilleurs raisins que les sols de graves, qui ont souffert de la sécheresse ', commente Jacques Boissenot, oenologue dans le Médoc. Sur la rive droite, les merlots, souvent à maturité et récoltés avant les pluies, sont d'une qualité exceptionnelle.