Après avoir fait ses comptes, Jeannine Gantzer a cessé de mettre elle-même ses vins en bouteilles pour faire appel à un prestataire de service. Elle ne regrette rien de son choix, même s'il l'oblige à planifier son travail longtemps à l'avance.
Depuis plusieurs années déjà, l'embouteilleuse donnait d'évidents signes de fatigue. Affaiblie par les sévices de l'âge, elle accumulait les pannes. Lucien Gantzer, le père de Jeannine, l'avait achetée avec deux de ses collègues en 1976. Quand la machine fut à bout, s'est posée la question de son remplacement. ' On ne voulait plus acheter à plusieurs, explique notre vigneronne. C'est toujours délicat de travailler ainsi. Quand une panne se déclare à la mise en service, allez savoir qui en est responsable. Est-ce celui qui vient de la mettre en route ou celui qui l'avait eue avant lui? 'Le choix était donc entre l'achat en propre d'une machine neuve, qu'il aurait fallu ranger dans des locaux déjà exigus, ou l'appel aux services d'un entrepreneur. Jeannine Gantzer a fait ses comptes et tranché en faveur de la seconde option. Le domaine Lucien Gantzer, SCEA dont elle est chef d'exploitation, couvre 5,35 ha et produit 45 000 à 55 000 bouteilles par an. ' C'est simple, dit-elle. On a calculé qu'au bout de sept à huit ans, l'embouteillage à façon nous aura coûté aussi cher qu'une machine. De plus, au bout de ce temps, elle aurait été dépassée par le progrès technique. 'Le millésime 97 est le deuxième qu'elle confie à l'entreprise Hertzog, le principal embouteilleur à façon d'Alsace. Avant de faire appel à ses services, Jeannine Gantzer s'est renseignée auprès de ses collègues de Gueberschwihr (Haut-Rhin) : ' J'ai demandé à gauche et à droite dans le village ce que les gens en pensaient '. Du bien. L'entreprise est réputée pour son sérieux et la propreté de son matériel. ' Nous avons fait un coup d'essai qui s'est bien passé, confirme-t-elle. Ils sont consciencieux. Quand il nous disent qu'on commence à 7 heures, ils viennent à 6 heures pour tout mettre en place et être prêts à temps. 'L'essai fut confirmé. Depuis, l'ensemble de la production est tiré et bouché en trois jours, alors qu'il en fallait dix à douze précédemment. La première mise a lieu en juin ou juillet. Elle porte sur les cépages et les cuvées qui sont épuisés ou en passe de l'être. Le solde est embouteillé en septembre. A ce moment, l'essentiel du millésime précédent est déjà vendu. Le chai à bouteilles qui ne peut contenir plus d'une récolte, est vide ou presque. Il est prêt à recevoir la nouvelle livraison. De plus, il faut libérer les cuves pour les vendanges à venir.' Pour une journée d'embouteillage, il faut prévenir huit jours à l'avance. Pour les deux jours au cours desquels on fait 40 000 bouteilles, il faut s'y prendre un mois à l'avance. C'est le seul inconvénient. On ne peut plus se dire : tiens, il pleut, on va mettre en bouteilles ', regrette Jeannine Gantzer. L'adaptation à la cadence extrêmement rapide de l'embouteilleur n'a pas soulevé de difficulté insurmontable. La première année, Jeannine Gantzer fut débordée car elle n'avait pas préparé le chai à bouteilles avant l'arrivée de la tireuse. Maintenant, elle s'y prend à l'avance. La veille, elle sort le vieux millésime afin qu'il ne se retrouve pas au fond, derrière le nouveau. Le jour même, elle fait appel à ses parents et à son beau-frère qui l'aident à charger la machine, à empiler les bouteilles dans les caisses palettes et à les ranger. ' On remplit une palette en un quart d'heure. Il ne faut pas chômer ', précise-t-elle.Si les journées sont longues et intenses, elles se passent dans une sérénité qui avait disparu au fur et à mesure de la dégradation de l'ancienne machine. ' Quand on mettait en bouteilles, il fallait prier le matin pour que la mise se passe sans avoir à appeler le réparateur, rappelle Jeannine Gantzer. Là, on n'a pas eu le moindre problème. ' Elle a une telle confiance dans son prestataire de service qu'elle ne s'est pas préoccupée de savoir ce qui se passerait en cas de pépin. Comment s'arrangerait-elle avec lui si le vin refermentait en bouteilles, s'il apparaissait un trouble ou un précipité après la mise? Elle n'y a pas vraiment pensé. ' J'imagine qu'il est assuré ', avance-t-elle.Elle n'a pas davantage comparé ses tarifs avec ceux des autres embouteilleurs de la région. Le sérieux de l'ouvrier que le patron dépêche chez elle, l'entente qui s'est établie entre eux, la proximité de l'entreprise, la propreté du matériel, le tout pour 57 centimes par col, cela ne lui paraît pas trop cher payé. C'est le prix auquel lui est revenu la mise du millésime 97, filtration stérile sur membrane comprise.Ces avantages ne sont pas les seuls qu'elle voit à la mise à façon. Elle apprécie également que la journée s'achève si tôt que les vins sont tirés. Lorsqu'elle avait sa propre machine, ce n'était pas le cas. ' Avant, même lorsqu'on arrêtait à 22 heures, on n'avait pas fini. Il fallait encore laver et rincer le matériel. Il était hors de question de remettre cela au lendemain. ' Elle est ainsi déchargée d'un travail aggravé d'une importante responsabilité dès lors que l'on partage une machine avec des confrères qu'il ne faut surtout pas leur rendre contaminée. Mais surtout, elle est déchargée d'une bonne semaine de travail en septembre, l'un des rares mois de l'année où les vignes lui accordent des vacances. Avant, elle ne pouvait pas en profiter car la mise en bouteilles la retenait au domaine. Ce n'est plus le cas et elle sera la dernière à s'en plaindre.