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Quitter la coopérative pour créer son affaire

La vigne - n°93 - novembre 1998 - page 0

Après s'être installé en cave coopérative, Pascal Rossignol l'a quittée partiellement pour monter une cave particulière et maîtriser ainsi son produit jusqu'au bout.

L'union fait la force, j'en suis convaincu. Quand tous les adhérents travaillent ensemble et s'impliquent pour suivre leur produit, c'est formidable. Mais quand la coopérative ne rassemble que des individualistes et que l'inertie domine, ça ne va plus , estime Pascal Rossignol, un jeune vigneron de Passa (Pyrénées-Orientales), qui a quitté la cave coopérative du village en 1995.Il cultive aujourd'hui 25 ha de vignes et possède sa propre cave, mais il a dû commencer à zéro car son père, également viticulteur, ne voulait pas qu'il exerce ce métier. ' J'ai été salarié agricole de 1984 à 1990, le temps de me constituer un vignoble que je travaillais le week-end. Puis, en 1991, j'ai franchi le pas et je me suis installé sur 16 ha en cave coopérative. ' Avec un petit groupe d'adhérents dynamiques, il s'est investi dans le développement de la vente en bouteilles et a participé activement à la création d'un caveau.' A plusieurs, nous avons repeint entièrement la cave. Nous voulions démontrer que si chacun s'investissait dans l'outil commun, il était possible de progresser tout en diminuant les charges fixes. Mais nous n'avons pas été suivis et, finalement, nous avons choisi de partir, en payant des indemnités de départ. ' Pour limiter les frais, il n'a repris que 19 ha et a laissé 6 ha en coopérative. ' J'avais planté une parcelle de syrah avec des aides de la cave et j'aurais dû rembourser la prime en plus de l'indemnité ', précise-t-il.Il a installé sa cave dans un hangar qu'il venait d'acquérir et a commencé, la première année, par vinifier 500 hl de muscat de Rivesaltes et de vins de pays rouges. ' Pour démarrer, j'ai acheté quatre cuves en béton et un pressoir d'occasion, deux tanks à lait pour refroidir les moûts et une pompe à vendange, le tout pour 100 000 F, financés grâce à un prêt. ' Il a ensuite monté un programme d'investissement sur trois ans pour lequel il a bénéficier de subventions, à hauteur de 25 % dans le cadre du contrat de plan Etat-région, à condition d'acheter neuf.De 1995 à 1997, il a investi 500 000 F dans le matériel de cave et dispose aujourd'hui d'un pressoir neuf, d'un groupe de froid et d'une batterie de cuves en béton, en acier émaillé, en résine et en Inox. ' J'en ai financé une partie en commercialisant des coffrets de bouteilles pour les fêtes auprès des comités d'entreprise, que je suis allé démarcher en région parisienne, et le reste par emprunt. J'ai encore trois annuités de 75 000 F à payer. 'Pendant ce temps, il a continué à investir dans le vignoble, à raison de 1 ha/an en moyenne. Après avoir planté du muscat d'Alexandrie, du muscat petit grain et de la syrah, il compte encore installer du merlot pour compléter la gamme des cépages régionaux (grenaches noir, blanc et gris, maccabeu et carignan). ' Nous avons une large palette, qui nous ouvre beaucoup de possibilités. L'an dernier, j'ai commencé à vinifier du rivesaltes, que j'élève en fûts de chêne. Cette année, je vais faire des côtes-du-roussillon. 'Pour financer ces investissements, il a misé sur la bouteille, qui lui a permis d'augmenter nettement son chiffre d'affaires avec le même volume de vin. ' Je viens de passer au réel ', souligne-t-il. En direct, il commercialise son muscat à 42,00 F le col, les vins de pays d'Oc à 20,00 F et les vins de pays standard à 17,50 F. Les ventes sont passées de 5 000 bouteilles la première année à près de 20 000 unités la quatrième, et il ne compte pas s'arrêter là.' En vrac, je n'obtiendrai pas de meilleurs prix que la coopérative. Pour avoir un avenir dans la région, nous devons sortir de la vente en citerne et créer de la valeur ajoutée. ' Il a commencé par démarcher des cavistes puis, après s'être heurté à des problèmes d'impayés, il s'est tourné vers les GMS (grande et moyenne surfaces). Il est déjà référencé au niveau départemental chez Auchan et Intermarché et compte élargir sa zone de prospection l'an prochain.S'il regrette le travail d'équipe, il apprécie l'autonomie dont il dispose en cave particulière. ' Je suis en contact avec les consommateurs et j'ai un retour direct sur mes vins. Si je veux modifier ma façon de travailler, je peux le faire facilement. Si je réussis, j'en tire le bénéfice. Si j'échoue, j'assume. A la coopérative, tout le monde était payé au même prix quelle que soit la qualité du raisin apporté, ce n'était pas motivant. 'Après le travail à la vigne, qu'il juge assez répétitif, la vinification et la commercialisation lui ont ouvert de nouveaux horizons. ' J'avais des appréhensions à aborder ces nouveaux métiers mais, finalement, j'y trouve beaucoup de plaisir, je me sens comme un explorateur. Chaque année, le raisin est différent et la vinification aussi. J'ai déjà fait deux stages d'oenologie et j'apprend tous les jours. ' A moyen terme, il projette de replanter encore quelques hectares, pour améliorer son encépagement, d'agrandir sa cave pour augmenter la cuverie et installer un chai d'élevage. ' Lorsque tout sera en production, je vinifierai à peu près 1 000 hl. Pour bien travailler, il me faut le double en cuverie. 'Jusqu'à présent, il a réinvesti tout ce qu'il gagnait dans l'exploitation, la famille vivant sur le salaire de sa femme. Pour continuer à investir tout en dégageant un revenu, il lui faut absolument progresser sur la vente en bouteilles, ce qui nécessite de dégager du temps pour la commercialisation, sans pour autant perdre de vue le vignoble et la cave. ' J'ai eu pendant deux ans un apprenti et, à terme, je vais devoir embaucher un ouvrier. Etre bon à toutes les étapes, c'est un sacré challenge. '

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