En 1994, Laurence et Jean-François Rière vinifiaient leur première cuvée. Sept ans plus tard, ils revoient de fond en comble leur façon de travailler. Aujourd'hui, ils commencent à recueillir les fruits de ce nouveau départ.
'Nous avons pris conscience que nous étions bloqués en 1999. Pour sortir de l'impasse, nous avons dû revoir nos méthodes de travail. Depuis, notre domaine est en pleine reconstruction, et notre trésorerie aussi. Heureusement, le banquier nous suit ', affirment Laurence et Jean-François Rière, deux jeunes vignerons de Perpignan.
En 1988, Jean-François s'installe sur 24 ha de vignes en cave coopérative. En 1994, Laurence le rejoint. Ils décident de monter leur cave. ' Les quatre cuves en béton dataient de l'arrière-grand-père. Nous les avons rénovées, avons acheté un pressoir d'occasion, et avons vinifié notre première cuvée de 50 hl ', raconte Laurence.
Le départ de la coopérative s'est étalé sur plusieurs années. En 1999, ils ont pu tout vinifier au domaine. Les surfaces ont augmenté pour atteindre 45 ha, mais les résultats économiques n'ont pas suivi. ' Nos vins étaient bons, mais ne se démarquaient pas suffisamment. Nous ne savions pas comment utiliser pleinement le potentiel de notre terroir, et n'avions pas de stratégie commerciale. Nous vendions surtout sur le marché local, et notre chiffre d'affaires stagnait. '
Début 2001, le hasard place Jacques Rousseau sur leur route. Il travaille alors à l'ICV (Institut coopératif du vin), qui venait de créer un service agronomie. ' Nous avons fait appel à lui. Il est venu sur l'exploitation et, pendant deux jours, nous avons observé la vigne et le sol dans chaque parcelle ', raconte Jean-François.
Avec Brigitte Soriano, leur oenologue, ils ont réfléchi aux vins qu'ils voulaient élaborer. Ils ont déterminé les parcelles qui allaient les produire, en fonction de leur potentiel. ' Auparavant, nous attendions de voir l'état sanitaire au moment des vendanges pour prendre des décisions. Aujourd'hui, nous connaissons la destination des raisins dès le début de la campagne, et ajustons le travail à la vigne en conséquence. A la cave, nous travaillons plus sereinement ', explique Laurence.
Au vignoble, le suivi agronomique s'est poursuivi en 2001 et 2002, à raison d'une journée par mois et pour un coût de 2 000 euros par an. ' Nous avions la tête dans le guidon, et nous ne prenions pas le temps de fignoler. Nous avons dû revoir nos méthodes de A à Z pour progresser ', affirme Jean-François. Ils ont raccourci la taille, introduit l'ébourgeonnage et l'éclaircissage pour affiner la maîtrise de la charge ! Ils ont différencié les rendements selon les parcelles. Avant, ils approchaient 50 hl/ha.
' Sur les meilleures, nous descendons à 25 hl/ha, alors que sur les autres, nous restons à 45 hl/ha, car produire moins n'apporterait rien . '
Ils ont appris à travailler le feuillage. ' Nous avons installé des palissages hauts, et écimons régulièrement les jeunes pousses. Avant, nous nous contentions d'un rognage en cours de saison. ' Le calendrier de traitements a été affiné, et l'état sanitaire s'est amélioré. ' Nous attendons sans problème la maturité phénolique, que nous évaluons en dégustant les baies et les pépins. Et comme la vendange est plus saine, nous réalisons des macérations longues sans craindre de devoir intervenir en urgence ', commente Jean-François. Accepter le jugement et les conseils d'une personne extérieure à l'exploitation n'a pas été facile. ' Nous avons attendu les premières vendanges pour voir les résultats. Les vins étaient beaucoup plus typés. Cela nous a encouragés à poursuivre ', souligne Laurence. L'amélioration s'est confirmée en 2002 et 2003, avec des rendements qui se sont maintenus malgré la sécheresse et la canicule.
Le domaine est situé dans l'aire des Côtes du Roussillon, une appellation que le domaine décline en trois niveaux qualitatifs. A côté de cela, il propose un muscat sec en vin de pays de la Côte catalane, des vins de pays d'Oc et des vins doux naturels : du muscat-de-rivesaltes et des rivesaltes ambrés, tuilés et hors d'âge.
Laurence et Jean-François Rière vendent principalement en vrac. En 2002, sur 1 250 hl produits, ils n'ont élaboré que 45 000 cols. Pour développer les débouchés auprès des cavistes et des restaurateurs, ils ont embauché une jeune commerciale, et ont pris un agent sur Paris. ' Nous préférons déléguer la vente et rester au vignoble. C'est la meilleure façon de conserver une qualité dans la durée . '
La commerciale part sur les routes une semaine par mois pour prospecter de nouveaux clients, et fait les salons professionnels. Laurence ou Jean-François l'accompagnent régulièrement. ' En 2003, nous avons fidélisé vingt-sept nouveaux acheteurs professionnels. Nous allons continuer à prospecter le marché français, et démarrer à l'export. Notre chiffre d'affaires progresse à nouveau, malgré la morosité du marché. Nous espérons pouvoir bientôt nous rémunérer ! ' Pour l'instant, le couple vit du revenu de trois gîtes restaurés. Il réinvestit tout ce qu'il gagne dans l'exploitation.
L'exploitation en dates :
1988 Installation de Jean-François sur 24 ha, en cave coopérative
1994 Installation de Laurence. Création d'une cave particulière
1999 Vinification totale sur le domaine
2001 Suivi agronomique au vignoble, restructuration de la gamme
2003 Embauche e commerciale, 27 nouveaux clients