ImprimerUn artiste parisien, inspiré par les arts primitifs, imprime de surprenants personnages sur des douelles de foudres promis à la casse.
Un vieux foude, ça ne vaut pas grand-chose. Le menuisier ou l'ébéniste ne peuvent rien en faire. Le feu renâcle à le brûler. Sa vie se termine généralement dans une décharge. Ceux du château du grand Talancé, à Denicé dans le Beaujolais, connaissent un sort plus enviable. Denis Chilliet, le propriétaire, les démonte pour expédier douelles et fonds à Sandor Sagi (prononcer Chandor Chagi).Ce jeune artiste, né à Lyon, de père hongrois et de mère auvergnate, les récupère dans l'atelier parisien où il travaille, un local au rez-de-chaussée d'un immeuble franchement défraîchi, situé à l'écart de la place de la Nation. Là, il les nettoie, puis les observe. Il jauge les aspérités, les fentes, les fêlures et les marques d'herminette. Il apprécie ces irrégularités, empreintes de l'homme, du vin et du temps. ' J'aime intervenir sur une matière qui a sa propre mémoire ', dit-il. Une façon sophistiquée d'expliquer son choix d'utiliser des matériaux de récupération. Outre les vieilles douelles, Sandor Sagi se sert d'affiches publicitaires pour en faire des collages aux couleurs criardes. Il décore également des plaques de métal rouillé ou de bois qui, comme les affiches, finiraient aux ordures s'il n'était pas là pour leur donner une seconde vie. Ce n'est pas au premier coup d'oeil qu'il voit comment transformer ses douelles. Il lui faut du temps pour fondre leurs irrégularités dans les corps des personnages qu'il dessine. Ces personnages ' sont inspirés des arts primitifs d'Océanie et du paléolithique, décrit Sandor Sagi. Ils ont une grande bouche, de grandes mains et selon qu'ils sont hommes ou femmes, un grand sexe ou de grands seins '. La taille de ces organes contraste avec la maigreur des corps masculins. Les lèvres charnues des sujets suggèrent qu'ils sont noirs mais leurs cheveux sont lisses. Bien souvent, ils sont gais. Ils ont l'air de s'amuser. Peut-être se prennent-ils au jeu de tenir dans l'étroitesse des pièces de bois qui les oblige à lever les bras ou à grimper les uns sur les autres.L'artiste fut influencé lors de son enfance par la collection d'art primitif et contemporain que possédaient les parents de l'un de ses copains. Lorsqu'une douelle l'inspire, il en fait un patron. Sur ce papier, il repère les principaux accidents qui parcourent le bois avant de dessiner ses personnages. Il reproduit ensuite son dessin sur une plaque de polystyrène, puis grave cette plaque au pyrograveur. En creux, apparaissent les yeux, les contours de la bouche, les sourcils, les poitrines ou les côtes qui seront autant de traits noirs sur l'oeuvre finale. La chair des corps est la peinture acrylique dont il recouvre le polystyrène avant de l'appliquer, tel un tampon encreur, sur le bois. Il termine en rehaussant au pinceau ce dépôt initial de couleur. Sandor Sagi ne fait pas de reproduction. Chacune de ses impressions est unique. Il les vend entre 1 800 et 2 200 F l'unité. Depuis trois ans, il a enluminé une bonne cinquantaine de douelles. Il dit qu'il n'a pas encore épuisé son sujet et qu'il est suffisamment riche pour continuer à l'explorer encore quelques temps.Sandor Sagi, tél. : 01.43.70.64.27.