Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 1999

Languedoc: le millésime rare

La vigne - n°95 - janvier 1999 - page 0

Touchés par le gel et la sécheresse, l'Aude et l'Hérault enregistrent une récolte exceptionnellement faible. La qualité atteint des sommets. Les prix du millésime 1998 se sont envolés.

Dans la nuit du 13 au 14 avril, une coulée d'air froid est descendue de la montagne noire, taillée dans les derniers contreforts du massif central. Ce vent glacial a grillé des pousses de vigne qui avaient alors quelques centimètres de longueur. Il a emporté une bonne partie de la récolte de l'Aude et de l'Hérault. Et en été, la sécheresse est venue la rogner encore un peu plus.Dès la fin des vendanges, dans ces deux départements, on a fouillé les archives pour trouver trace d'un millésime aussi menu. On s'est arrêté en 1915. La production de l'Hérault était alors de 5,5 millions d'hectolitres. En 1998, elle s'établit autour de 5,4 Mhl, en perte de 20 % par rapport à la récolte précédente. L'Aude est encore plus mal lotie. Avec moins de 4 Mhl, elle doit se contenter d'un volume inférieur de 30 % à celui de 1997.Ce sinistre a remis en selle le comité régional d'action viticole. Il a commis quelques attentats mineurs pour rappeler aux pouvoirs publics l'urgence de la situation. La pression professionnelle a porté ses fruits. Le 23 décembre, à l'issue d'une réunion avec les organisations audoises, le ministre de l'Agriculture annonçait six mesures exceptionnelles. Au nombre d'entre elles, notons que l'indemnisation au titre des calamités agricoles et le paiement des aides à l'encépagement seront accélérés. Signalons également que le versement des cotisations sociales sera étalé et pris partiellement en charge pour les vignerons touchés à plus de 70 %. Ces mesures semblent avoir satisfait les négociateurs.Du fait des faibles rendements, il y avait de quoi obtenir une belle concentration de matière au sein des baies. Tout au long de la saison, le climat y fut propice. A l'approche des vendanges, il n'est rien venu gâcher. L'accumulation des sucres s'est poursuivie jusqu'au dernier moment, pour atteindre des niveaux très élevés. Les raisins sont rentrés parfaitement sains dans les chais. Il en résulte des vins riches, gras, enrobés et très aromatiques. Cependant, cette grande maturité ne fut pas sans poser de difficultés, notamment sur les blancs. L'Institut coopératif du vin avait très tôt signalé la sensibilité de leurs jus au brunissement. Il fallait veiller à les sulfiter dès leur libération.Au vu des faibles rendements, du bas niveau des stocks et de l'exceptionnelle qualité du millésime, la coopération a décidé de relever les prix. Les vins de table ne devaient pas être cédés en dessous d'une fourchette de 29,50 à 30 F/°hl alors qu'au cours de la campagne 1997-1998, les rouges s'étaient échangés, en moyenne, à 25,60 F/°hl. Ceci correspond à une augmentation de 15 %. Elle fut rapidement obtenue. En contrepartie, les négociants ont retardé leurs prises de commande. Ils n'étaient pas pressés par la nécessité de dénicher et de réserver les meilleurs lots car l'ensemble de la production était de haut niveau.Le marché des vins de table s'anime le premier. Ceux des vins de pays et d'appellation lui emboîtent le pas. ' Le prix moyen pour des chardonnays de qualité courante se situe autour de 900 à 950 F/hl ', signalait, fin décembre, un courtier biterrois. A titre de comparaison, le cours de ce blanc s'était établi à 782 F/hl durant la campagne 1997-1998. Par rapport à cette valeur moyenne, la hausse est de 15 à 20 %. A la même époque, le merlot n'avait gagné que 10 %. Les Américains qui l'avaient activement recherché en 1996 et 1997, semblaient moins pressés de se couvrir. De ce fait, sa valeur ne s'est pas envolée autant que celle du cabernet-sauvignon. Ce dernier a pris 30 % en l'espace de quelques semaines, se négociant entre 530 et 580 F/hl à la fin 1998.Les AOC ont suivi le même mouvement. Dans les Corbières, il fut accueilli avec un soulagement certain. Cette appellation, la plus grande du Languedoc, est la seule de la région dont les cours ont chuté pendant la campagne 1997-1998. Dès l'automne, ils se sont ressaisis. Et d'une belle manière. En décembre, ils s'établissaient autour de 550 F/hl. Ils valaient un quart de plus que douze mois plus tôt. ' Cette année sera celle de la reconquête, prévient Jean-Marie Sanchis, le président du syndicat AOC Corbières. Nos vins, comme tous ceux du Languedoc-Roussillon, vont bousculer les a priori des consommateurs. 'Bien avant la récolte, la campagne avait commencé dans le bruissement de la signature des contrats d'achats de vendanges fraîches qui s'appose dès l'été. ' Nous avons obtenu les prix demandés par le syndicat des producteurs de raisin et que les acheteurs n'avaient pas accepté au départ ', constate Jean Gauget, le président de cette organisation. Comme ils ont fini par s'y résigner, ils ne pouvaient faire autrement que de céder, quelques semaines plus tard, aux prétentions des vendeurs de vins. Le marché du raisin a donc donné le ton à celui du vin. Son développement irrite de plus en plus la coopération qui y voit une régression. Elle n'hésite pas à intervenir auprès des pouvoirs publics pour leur dire ' qu'il n'est pas judicieux d'aider à l'installation de producteurs de raisins '. Ne serait-elle pas de taille à affronter cette nouvelle forme de concurrence? Toujours est-il que les rapports se sont envenimés cette année. Espérons que les vignerons du Midi ne dissiperont pas dans ces rivalités les forces nécessaires à l'établissement et au renforcement de la réputation de leurs produits. Ce dernier objectif devrait être prioritaire car, s'ils n'y prennent pas garde, l'envolée des cours ouvrira grand la porte à des produits d'autres provenances.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :