Après un millésime fortement déficitaire, le Languedoc retrouve une récolte légèrement supérieure à la normale. Les caves coopératives de l'Hérault annoncent 7,4 millions d'hectolitres, celles de l'Aude prévoient entre 5,4 et 5,5 Mhl. Ces volumes dépassent de quelques points la moyenne des cinq années de 1993 à 1997. Dans le Gard, les vignes étaient plus généreuses. Avec 4,9 Mhl, elles ont produit un dixième de plus qu'en temps normal.Les cuves étant pleines, les acheteurs n'avaient aucune raison de se précipiter dans les chais, comme ils l'avaient fait à l'automne 1998. La nouvelle campagne a démarré par de timides transactions conclues sur des cours en nette baisse. Les négociants n'avaient pas le souci de se couvrir mais celui de repérer les meilleurs lots au sein d'un millésime hétérogène. Avant la fin des vendanges, il était certain que l'euphorie n'allait pas se renouveler. Comme elle avait profité aux vins de pays d'Oc plus qu'à toutes les autres productions régionales, une question était sur toutes les lèvres: allaient-ils poursuivre sur leur lancée?Les vins de pays d'Oc sont les seuls à avoir progressé en volume et en valeur. Alors que les disponibilités étaient en baisse, le marché du vrac a dépassé 2,7 Mhl. Il n'avait totalisé que 2,5 Mhl en 1997-1998. Dans le même temps, les transactions de vins de pays de zone reculaient de 10%. Quant à celles de vins de pays de département, elles s'effondraient, passant de 3,1 à 2 Mhl. 'Cette catégorie a tendance à se substituer aux vins de table', note-t-on à la fédération des caves coopératives de l'Hérault.Les prix se sont aussi envolés, gagnant 15% pour les rouges et un peu moins pour les blancs. C'est toujours le chardonnay qui caracole en tête. Il valait en moyenne à 916 F /hl, soit 17% plus cher que la campagne précédente. Le merlot qui, avec un quart des volumes, représente la production la plus importante, est passé de 457 à 528 F/hl. Et c'est le cabernet-sauvignon qui a bénéficié de la plus forte hausse. Son prix a progressé de 20%, passant de 458 à 553 F/hl. Plus que jamais, les vins de pays d'Oc offraient les meilleurs revenus à l'hectare du Languedoc. Leurs producteurs ont eu d'autres motifs de satisfaction. La nouvelle OCM leur accorde le droit d'utiliser la mention 'vendange tardive'. Pour le syndicat, le développement d'une production de liquoreux est l'une des deux voies qui fera émerger de grands vins. Les volumes seront faibles, 'mais véhiculeront une image de prestige', précise-t-il. Le second axe de développement repose sur les grand'oc. Leur charte de production a été présentée lors de Vinexpo. Ils résulteront d'une sélection par un jury des meilleures cuvées. Sur ce terrain de la hiérarchisation, les vins de pays d'Oc ont devancé les appellations.Cependant, le fête semble terminée. Les prix du chardonnay ont atteint un seuil de rupture que tous les opérateurs n'ont pas été en mesure de répercuter à leurs clients. 'En blanc, il reste pas mal de stock, note un courtier de l'Hérault. Ils pèsent sur le début de campagne. Le chardonnay est retombé entre 700 et 750 F/hl.' Des acheteurs ont fait des offres inférieures pour les cuvées issues des terroirs qui ont le plus souffert des intempéries.L'envolée des cours a provoqué des tensions entre les caves et les acheteurs liés par des accords de partenariat. Les premières ont exigé des seconds qu'ils suivent les hausses, dénonçant ainsi des engagements pris avant les vendanges. Ces tensions pèsent maintenant sur les relations entre les deux familles. Elles confortent des acheteurs de vins de pays dans leur intention de se tourner vers les appellations. De tous ces revirements, celui de Skalli est le plus remarqué et le plus attentivement observé. Ce négociant, qui ne jurait que par les vins de cépage, a présenté des corbières, minervois et autres coteaux du Languedoc lors de Vinexpo.L'interprofession des vins du Languedoc (CIVL) relève d'autres évolutions. 'Depuis deux ans, nous sommes de plus en plus présents lors des foires aux vins, se réjouit Bernard Devic, le directeur. Nos appellations sont celles qui ont gagné le plus de consommateurs en France entre le printemps 1998 et l'automne 1999. Par ailleurs, leur prix au départ de la propriété a gagné en moyenne 100 F/hl. Ce rattrapage économique était nécessaire.' Cependant, il tient autant à un concours de circonstances qu'à une meilleure appréciation des vins. Il s'explique par la faiblesse des disponibilités sur le marché local et les prix élevés atteints à Bordeaux et dans les côtes du Rhône.Malgré cela, la confiance règne. Tant en Corbières qu'en coteaux du Languedoc ou en Minervois, on attend avec sérénité le démarrage de la nouvelle campagne. Ces trois appellations sont, dans l'ordre, les plus importantes pour la région. Leurs cours ont longtemps stagné dans les profondeurs des classements. Mais ils s'en éloignent. A 563 F/hl, le corbières a atteint son plus haut niveau pendant la campagne 1998-1999. Le syndicat profite des circonstances pour mettre en place une réserve qualitative, bloquant jusqu'au 31 août prochain les volumes produits au-dessus de 42 hl/ha, le rendement de base. Il espère ainsi encourager l'élevage afin de relever le niveau des vins. 'La réserve qualitative n'a pas pour but de gérer des volumes. La preuve: elle arrive à un moment où l'on manque presque de produit car les stocks sont au plus bas', remarque Jean-Pierre Thène, le directeur technique du syndicat.A Faugères et dans les coteaux du Languedoc, les stocks sont aussi très bas. Leur niveau s'explique par la faiblesse de la récolte de 1998 ajoutée au succès de la vente directe. 'Les caves particulières de l'appellation ont fait entre +15 et +20% cet été', note-t-on au syndicat des coteaux du Languedoc. Il n'en fallait pas moins pour gonfler le moral au sein des appellation où règne le sentiment que les efforts commencent enfin à être payés.