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Impossible d'identifier la source d'un boisé

La vigne - n°96 - février 1999 - page 0

L'Institut de dégustation de Tours a comparé des vins élevés en barriques et les mêmes vins avec ajout de copeaux. Ces dégustations ne permettent pas de trancher en faveur de l'une ou l'autre de ces deux techniques.

L'Institut de dégustation de Tours a effectué des dégustations comparatives entre des vins élevés en barriques et des vins boisés par un ajout de copeaux de chêne. Les vins étudiés étaient soit d'un cépage (chardonnay, chasselas, gamay et pinot noir), soit des assemblages (syrah-grenache, syrah-carignan, cabernet-tannat). Les copeaux testés ont deux origines, l'une américaine et l'autre française (Boisé France). Ils ont été employés à des doses variant de 0,25 à 10 g/l. Les premiers résultats, qui demandent à être confirmés, sont les suivants.Lors d'un premier test discriminant de type triangulaire, on demandait au jury s'il percevait une différence entre les vins qu'on lui soumettait, les uns étant élevés en barriques, les autres boisés à l'aide de copeaux. Sa réponse fut positive. Il a noté des différences, mettant ensemble les échantillons qui avaient été vinifiés de la même manière. Mais cette différence n'est pas plus marquée entre deux lots de copeaux ou entre deux barriques.Par la suite, on demandait au jury de désigner quels étaient les échantillons qui avaient vu la barrique et ceux qui avaient vu les copeaux. Le taux d'erreur s'est alors élevé à 60 %. Maurice Chassin, de l'Institut de dégustation de Tours, a noté que les dégustateurs avaient tendance à reconnaître la barrique dans le vin qu'ils jugeaient le meilleur. Ils sous-estimaient donc l'apport organoleptique des copeaux.Il est par conséquent difficile, actuellement, de reconnaître à la dégustation l'une ou l'autre technique. Jean-Luc Liberto, de l'Union des oenologues de France, note dans les essais effectués par cet organisme que ' les vins élevés en barriques sont beaucoup plus complexes au niveau aromatique '. Il est vrai que l'élevage dans un contenant en bois provoque un phénomène d'oxydation ménagée contribuant à la structure du produit final. Le niveau de chauffe est aussi responsable d'une évolution différente du vin. Maurice Chassin signale que les copeaux sont intéressants pour étudier ce phénomène. En effet, il est plus facile de maîtriser ce paramètre avec ces derniers. On peut procurer aux copeaux une chauffe homogène, ce qui n'est pas le cas de la barrique où il existe toujours un gradient de chauffe, ce qui participe sans doute à l'obtention d'un produit plus complexe.Il a donc pu tirer quelques conclusions de ses observations. ' Ainsi, il semblerait que sans chauffe, l'effet aromatique est faible et surtout de type végétal, le taux de sucre augmentant légèrement. Les faibles chauffes sont marquées par un caractère lacté et un taux de sucre important. Les chauffes moyennes sont dominées par le caractère toasté et une bouche plus astringente, avec parfois une légère amertume. Les chauffes fortes sont fortement vanillées mais, en bouche, légèrement sèches et amères. ' Ces conclusions ont été confirmées par Patrick Ducournau, de la société Boisé France, dans le Gers. L'utilisation de copeaux peut donc permettre de choisir avec précision le niveau de chauffe souhaité, ainsi que la quantité de ' bois ' apportée au vin. L'adaptation au vin peut être très précise. Il est aussi possible de mélanger plusieurs chauffes si on le souhaite, la maîtrise de l'intensité et du type de boisé semble donc plus facile avec les copeaux.Une question souvent posée est de déterminer la meilleure des deux techniques. Pour ce faire, une dernière dégustation a été réalisée. Les dégustateurs ont classé les vins par ordre de préférence. Ce test n'a pas permis de démontrer la supériorité d'une technique sur l'autre. Il n'y a pas de préférence. Quelquefois, ce sont les vins élevés en barriques qui sortent en tête, mais les copeaux peuvent aussi être mieux classés par les dégustateurs.Maurice Chassin conclut qu'il existe de bons et de mauvais copeaux, tout comme il existe de bonne ou de mauvaise utilisation des barriques. Ces dernières, tout comme les copeaux, peuvent être utilisées uniquement dans un but d'aromatisation des vins plutôt que comme une technique d'élevage. Le marché est responsable de cette évolution.En effet, les consommateurs ont tendance à considérer le caractère aromatique boisé comme un marqueur de la qualité du vin. Mais les copeaux peuvent tout à fait s'utiliser sans pour autant laisser transparaître ce caractère. Ils apportent seulement, à faible dose, une amélioration de la structure de certains vins. En effet, Patrick Ducournau signale que tous les vins ne peuvent admettre l'utilisation de copeaux. Il est partisan de les réserver aux vins de milieu de gamme, qui ne peuvent pas passer en barriques. Les hauts de gamme, quant à eux, doivent être élevés en barriques, tandis que les vins du bas de l'échelle ne peuvent ni passer en barriques, ni bénéficier d'un apport de copeaux. ' Quand le vin de départ n'est pas suffisamment structuré, les copeaux ne donnent pas un très bon boisé; quand il a un défaut au départ, le caractère boisé ne pourra pas cacher ce défaut ', explique Jean-Luc Liberto.(D'après les interventions de Maurice Chassin, Patrick Ducourneau et Jean-Luc Liberto, lors de la seizième journée de rencontres oenologiques organisée par l'Association des oenologues de Montpellier le 21 janvier 1999 et intitulée : ' De l'utilisation du bois sous toutes ses formes '.

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