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Copeaux : Le débat sur leur emploi n'est pas clos

La vigne - n°181 - novembre 2006 - page 0

Les copeaux s'affichent comme une pratique complémentaire de la barrique. Ils offrent des débouchés supplé- mentaires sur le marché à l'exportation. Les appellations redoutent qu'ils ne viennent ternir leur image.

Après une interminable période d'essai, l'emploi des copeaux vient d'être autorisé. Le vinificateur dispose maintenant d'une technique bon marché pour boiser ses vins. L'ITV a fait le calcul : le boisage coûte 5 euros/hl avec des copeaux utilisés à raison de 5 g/l, contre 74 euros/hl avec des barriques neuves amorties sur trois ans.
De plus, la supériorité aromatique de la barrique est loin d'être évidente. Quantité de dégustations professionnelles n'ont pas permis de distinguer les vins boisés aux copeaux de ceux élevés en fûts. « En utilisant une seule catégorie de copeaux, le vin perdra en complexité aromatique par rapport à un élevage en fûts, tempère François Davaux, de l'ITV (Institut technique de la vigne et du vin) de Midi-Pyrénées. Par contre, si on réfléchit en termes d'assemblages de chauffes différentes, on se rapproche du fût. Les essais montrent qu'un dégustateur lambda ne fait pas la différence entre les deux élevages. »
Dernier avantage des copeaux : la rapidité de diffusion des arômes boisés. Avec eux, il suffit de deux à trois mois, contre douze à dix-huit mois avec les fûts. Dans ces conditions, reste-t-il un intérêt à la barrique ?
Premiers concernés, les tonneliers restent confiants. « Les copeaux ne vont pas entraîner de bouleversements, prévient Jean-Marcel Jaeglé, président de la Fédération française de la tonnellerie. Ils vont prendre des parts de marché sur les vins qui n'étaient pas élevés en fûts. Nous avons, d'un côté, un outil pour l'image et l'élevage des vins haut de gamme, de l'autre, une méthode de boisage rapide. Les deux sont complémentaires. » Ces prévisions s'appuient sur l'expérience des pays du Nouveau Monde, où fûts et copeaux coexistent depuis longtemps. « On ne peut pas employer des copeaux sur un vin vendu 20 à 30 euros, résume François Davaux . Ce serait mesquin. »

Les copeaux sont donc destinés aux coeurs de gamme, voire aux entrées de gamme. Jean-Luc Liberto, directeur du laboratoire Méditerranée-OEnologie, précise : « Ils sont intéressants pour l'exportation, car c'est un avantage de mettre rapidement en marché des vins boisés. »
Les vins de pays se sont ralliés à ces arguments. Mais dans les appellations, on continue de s'interroger. L'emploi de morceaux de chêne peut coller une étiquette industrielle à ces produits, aux dépens des notions associées aux AOC : terroir et tradition. Les producteurs ont-ils à y perdre ? Il est difficile de le dire. Aucun des pays ouvertement utilisateur de copeaux n'a une image aussi traditionnelle que la France à défendre. On ne peut donc pas s'appuyer sur leur expérience. Mais à l'exportation, le consommateur ne s'offusque pas de l'ajout de copeaux dans le vin. « Le client étranger s'en moque, tant que le vin lui plaît », résume Francis Etourneaud, directeur du Syndicat Médoc et Haut-Médoc. L'essentiel, c'est que le consommateur ne soit pas trompé.
« Les copeaux, ce n'est pas terrible pour l'image de nos hauts de gamme », déclare Guillaume Wilette, du Comité des associations viticoles de Bourgogne. Cette région n'en veut pas pour ces AOC, mais les admettrait pour une autre catégorie. « Dans le système où on distingue les AO simples des AOC, nous envisageons l'emploi des copeaux pour l'AO et une interdiction ferme pour les AOC », explique Guillaume Wilette.
Cette vision recoupe les intentions déclarées de l'Inao. « Les appellations qui décideront d'utiliser les morceaux de bois de chêne renonceront, par là même, à conserver leur statut d'AOC », prévient François Roncin, de l'Inao. Pourtant, à Bordeaux, la tentation est grande. « La question de l'utilisation des copeaux dans le cadre AOC est typiquement française , déclare Francis Etourneaud. Or, dans notre région, une bouteille sur deux part à l'export. » En octobre, plusieurs régions étaient suspendues à la décision qu'allait prendre le Comité de novembre de l'Inao.

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