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Sept appellations autorisées à « sortir du bois »

La vigne - n°182 - décembre 2006 - page 0

L'Inao s'oppose à l'emploi des copeaux en AOC. Pourtant, il ne leur ferme pas complètement la porte. Sept appellations ont obtenu le droit d'expérimenter les morceaux de bois de chêne, en grandeur nature dans les chais.

Sept appellations ont demandé le droit d'expérimenter l'ajout de morceaux de bois de chêne durant l'élevage ou en cours de fermentation. Ce sont les Côtes du Rhône, le Muscadet, l'Anjou en rouge, les Bordeaux et Bordeaux supérieurs ainsi que le Médoc et Haut-Médoc.
Les Côtes du Rhône ont été les premières à se lancer. Dans cette région, un programme d'expérimentations, encadré par la commission technique de l'Inao, répond à une demande des caves et du syndicat d'appellation. « C'est un essai à grande échelle qui concerne des cuves d'environ 200 hl de vins témoins et 'copeautés', répartis sur une dizaine de caves , précise Christophe Riou, directeur d'Inter-Rhône. Nous ne cherchons pas à travailler sur l'apport de notes boisées au vin. Les propriétés des copeaux que nous cherchons à exploiter et à valider sur nos AOC sont la stabilisation de la couleur et le renforcement des arômes. »

Pour cela, les caves participantes apportent, durant l'élevage, des copeaux de bois frais ou de chauffe légère, d'un diamètre supérieur à 2 cm. Le temps de contact est d'environ deux mois. « Nous avons aussi un protocole supplémentaire pour observer l'effet d'un apport à l'encuvage. Stabiliser la couleur des vins de printemps, souligner le fruit et apporter de la sucrosité en bouche constituent des enjeux pour les exportations de nos vins. Nous espérons, à terme, gagner des parts de marché à l'étranger. »
D'autres syndicats ont manifesté la volonté de tester l'effet des copeaux sur les arômes des vins d'appellation. Le Muscadet espère souligner les arômes du cépage melon. L'essai est mené par un négociant sur environ 100 hl. Dans l'Anjou, où le cabernet franc pose parfois des soucis d'amertume et de goûts végétaux, on étudie l'aptitude des copeaux à gommer ces imperfections. Cette expérimentation porte sur une centaine d'hectolitres.

Comme les autres régions, le Bordelais veut évaluer l'effet organoleptique des copeaux sur la typicité de ses vins. Mais il veut aussi mesurer les difficultés de mise en oeuvre et l'impact économique des ajouts en situation réelle. En Bordeaux et Bordeaux supérieur, des essais ont lieu dans deux caves et sur 800 hl.
De leur côté, le Médoc et le Haut-Médoc ont mis en place deux expérimentations dans des caves particulières. La première concerne 200 hl de merlot AOC Médoc, au château Bessan-Ségur, à Civrac-en-Médoc. La seconde porte sur 200 hl de cabernet-sauvignon, AOC Haut-Médoc, au Château Lanessan. « J'essaie les copeaux, car j'y crois », déclare à nos confrères de Sud-Ouest, Hubert Bouteiller, propriétaire du domaine et ancien président du CIVB.
Les copeaux utilisés sont de taille classique, en chêne français. Ils ont subi des chauffes se rapprochant de celles appliquées aux barriques.
« Nous avons un essai sur moût avec 2 et 3 g/l de copeaux, précise Francis Etourneaud, directeur du Syndicat Médoc et Haut-Médoc. Il est complété par un essai d'élaboration de vins boisés. Dans ce second cas, nous comparons un vin élevé en barriques, un vin élevé en cuve avec 3 g/l de copeaux et un vin élevé en cuve avec 3 g/l de copeaux et micro-oxygéné. Cette expérimentation porte sur le millésime 2006 et sera reconduite en 2007. »
« Nos concurrents étrangers contre lesquels nous luttons sur tous les marchés à l'exportation ajoutent depuis longtemps des copeaux. Nos deux AOC exportant la moitié de leurs productions, la prise en compte des prix des coûts de production et des marges brutes d'exploitation sont capitaux pour nous. L'ajout de copeaux peut permettre de faire progresser le ratio des ventes à l'exportation, et donc de faire perdurer la viticulture médocaine. »

« Ces expérimentations abordent deux points importants dans le cadre des vins AOC , explique François Roncin, responsable de leur suivi à l'Inao. Tout d'abord, il faut déterminer dans quelles conditions l'utilisation de copeaux de chêne détourne le caractère organoleptique traditionnel du vin. En appellation, on ne fabrique pas le goût du vin. Peut-on améliorer la structure sans aromatiser ? L'avenir des copeaux en AOC en dépend. »
« Le deuxième point clé, c'est la tenue dans le temps. Même si on dit que l'essentiel des vins d'appellation sont vendus dans l'année, ils ne peuvent être bus que plus tard, et on ne peut pas accepter que des vins s'écroulent entre temps. L'étude du vieillissement des vins 'copeautés' dans les différentes appellations portera sur trois ans. Les résultats de ces expérimentations pourront faire évoluer la position de l'Inao. Mais ce ne sera pas simple, il y aura encore débat. »

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