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Utilisation des copeaux : les ap pellations doivent trancher

La vigne - n°173 - février 2006 - page 0

Les appellations françaises qui ne veulent pas des copeaux doivent le faire savoir très vite. Nombreuses sont celles qui y sont favorables ou ne souhaitent pas les interdire. Mais en Bourgogne ou à Bergerac, on juge qu'ils sont contraires à l'AOC.

L'Europe vient d'autoriser les copeaux. Les producteurs de vins de pays s'en réjouissent, notamment ceux du pays d'Oc qui les réclament depuis des années. Dans les appellations, le débat n'est pas clos. Mais il est urgent pour elles de prendre position, si elles souhaitent une réglementation plus restrictive, car l'Europe doit encore préciser les modalités pratiques d'emploi des copeaux. A cette occasion, elle peut les interdire aux VQPRD.

La question se pose surtout pour les appellations régionales, qui se battent sur des marchés de prix à l'exportation, contre des vins élaborés avec des copeaux. ' Pour le haut de gamme, pour un boisage fin, la barrique reste indispensable ', reconnaît Vincent Fabre, président du Syndicat du Médoc et Haut-Médoc. ' En Saint-Emilion grand cru, nous souhaitons rester sur une appellation traditionnelle, mythique ', renchérit Hubert de Boüard, président du Syndicat de Saint-Emilion. Mais pour les marchés de volumes plus importants, plusieurs appellations du Bordelais souhaitent bénéficier de la nouvelle marge de manoeuvre. C'est le cas des AOC Bordeaux et Bordeaux supérieur, Médoc et Haut-Médoc, de Saint-Emilion et ses satellites.
Le Médoc, Bordeaux et les satellites de Saint-émilion ont pris position dans le cadre de la réécriture de leurs décrets. ' Nous souhaitons la possibilité d'utiliser les copeaux pour être compétitifs face aux vins du Nouveau Monde, en termes de style de vin et de coût de production ', explique Max Silvestrini, président du Syndicat de Lussac Saint-Emilion et de la commission de réflexion sur l'agrément de l'Union des satellites. Hubert de Boüard estime qu'ils permettront ' d'être compétitif sans perdre son âme '. Cela vaut mieux que l'abandon de la barrique ou l'utilisation de fûts trop vieux. Bien sûr, les copeaux ne sont pas la solution miracle. ' On ne fera jamais un bon vin sans une bonne matière première ', dit Max Silvestrini. Mais pourquoi se les interdire ?
En Premières Côtes de Bordeaux, le débat n'est pas encore tranché : on attend que les positions soient officiellement annoncées. ' Si seul Bordeaux y va, nous n'avons aucun intérêt à y prétendre , estime Damien Berlureau, directeur du syndicat. En revanche, si Saint-Emilion se déclare favorable, comment pourrons-nous justifier de nous l'interdire ? '
Comme le Bordelais, d'autres régions ont senti l'urgence de relancer le débat et d'arrêter une décision. En Languedoc, par exemple, les syndicats l'ont fait au sein de la Fédération sud des appellations fin janvier. Que ce soit pour la future appellation régionale ou pour les diverses appellations déjà existantes, les choses sont claires. ' Dans notre région, les copeaux sont déjà largement utilisés, résume Jacques Fanet, directeur du Syndicat des Coteaux du Languedoc. Nous ne voulons pas les interdire, même si nous ne pensons pas qu'ils apportent quoi que ce soit. Cela fera sûrement comme pour l'enrichissement, que tout le monde réclamait à cor et à cri, qui est autorisé mais jamais utilisé. '

La Bourgogne doit également trancher. La Fédération des appellations régionales a abordé le sujet dès la mi-janvier. ' Nous sommes contre les copeaux pour les appellations, indique Guillaume Willette, animateur de la fédération. Nous voulons conserver des conditions strictes en appellation car, quoi que nous fassions, nous ne serons pas compétitifs. Nous envisageons d'inscrire ce refus dans nos nouveaux décrets. En revanche, le débat reste ouvert pour les VDQS, que l'Inao envisage d'assouplir. Le bourgogne grand ordinaire et le passe-tout-grains pourraient y trouver leur place. ' Cela leur donnerait le droit d'utiliser des copeaux.
Dans certaines régions, les syndicats n'ont pas réagi à la nouvelle donne. Soit ils ont déjà pris une décision bien arrêtée, soit ils attendent l'avis de l'Inao. Christian Paly, président du Syndicat des Côtes du Rhône, estime ainsi qu'il faut attendre que le Comité national de l'Inao aborde la question en mars. ' Dans ce cas, si nécessaire, nous en rediscuterons, poursuit-il. Il y a deux ans, nous avions émis un avis plutôt défavorable, mais le contexte a changé. '
A Bergerac, aucun débat n'est prévu : la position adoptée précédemment reste ferme. ' Pour nous, c'est non, même pour l'appellation régionale ', affirme Pierre-Henri Cougnaud, directeur de la Fédération des vins du Bergeracois. Selon lui, il ne sert à rien de chercher à tirer trop les prix vers le bas, car cela reviendrait à sortir de sa cible. Surtout, ce refus s'accompagne d'une réflexion sur le boisage de l'appellation régionale : ' Il faudrait peut-être interdire la barrique en appellation Bergerac. Cela permettrait de revenir à un produit plus stable, plus homogène entre les divers producteurs. Nous réserverions alors le bois à nos crus, pour lesquels les copeaux ne se justifient évidemment pas. '
Quant à l'Anjou ou la Touraine, elles n'ont pris aucune position officielle pour l'instant. Techniquement, certains de leurs vins pourraient bénéficier du petit plus de sucrosité qu'apportent les copeaux. Mais comme le débat reste centré sur l'aromatisation et le boisage, elles ne se sentent pas concernées.

D'autres points restent en suspens. ' Dans tous les cas, il faudra bien éviter d'induire le consommateur en erreur, poursuit Damien Berlureau. Il est hors de question que les vins avec copeaux bénéficient de mentions telles que 'élevé sous bois'. Il faudra aussi que cela soit vérifié de façon stricte . ' Pas question pour autant de rendre la mention ' copeaux ' obligatoire, selon lui.
Pour Hubert de Boüard, il faudra aussi que l'Inao statue sur les conditions d'utilisation. Le président de Saint-Emilion estime qu'il faudrait, par exemple, se limiter aux copeaux de chêne français, pour ne pas sombrer dans l'aromatisation et une transformation trop radicale du vin. Selon lui, on a déjà franchi ce pas avec le chêne américain ou l'acacia pour les barriques. Quitte à s'autoriser les copeaux, autant faire mieux.

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