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Un syndicat réactif

La vigne - n°96 - février 1999 - page 0

Sous l'impulsion de leur syndicat, les vignerons de Vosne-Romanée ont pratiquement abandonné les herbicides qui contaminent leur source. La qualité de l'eau s'est améliorée. D'autres difficultés sont survenues.

Fin 1996, le président du syndicat des eaux de Vosne-Romanée, un vigneron, contacte le syndicat viticole de cette commune de Côte-d'Or. Leur rencontre porte sur le captage qui se trouve à une dizaine de mètres du village. Il délivre une eau dont les teneurs en simazine, diuron et terbuthylazine dépassent la norme européenne de 0,1 microgramme/l. Pour Michel Gros, il est temps d'agir. Le président du syndicat viticole de Vosne-Romanée était déjà informé du problème. Les dernières analyses lui révèlent, non pas la contamination, mais sa persistance.Au début de l'année suivante, Michel Gros convie ses confrères à une réunion à laquelle participent des distributeurs et où interviennent des techniciens de la Protection des végétaux et de la chambre d'agriculture. L'état de l'eau est décrit ouvertement. ' Les gens étaient assez secoués, surtout ceux qui habitent à Vosne-Romanée, se souvient notre interlocuteur. Ils étaient secoués en tant que consommateurs d'eau et responsables, en partie du moins, du problème. ' Des mesures sont annoncées, notamment l'interdiction d'utiliser les herbicides de prélevée sur un périmètre de 6 ha autour de la source. Cette interdiction, ne relevant pas du pouvoir du syndicat, n'était en fait qu'une recommandation très insistante.Pour le reste de la zone d'alimentation du captage, un conseil moins précis fut diffusé : ' Nous avons dit : faites votre possible pour ne pas appliquer de résiduaires '. Les organisateurs de la réunion n'ont distingué aucun produit de prélevée car les recherches n'avaient porté que sur la simazine, la terbuthylazine et le diuron. Ils ne savaient pas si la source était contaminée par d'autres matières actives. Par prudence, ils ont préféré mettre dans le même panier tous les herbicides de mode d'action similaire.Depuis, les choses se sont éclaircies. En 1997, DowAgroscience intervient. La firme prélève des échantillons tout au long de l'année et les adresse à un laboratoire indépendant, lui demandant s'ils renferment de l'oryzalin ou de l'isoxaben. La réponse est non. En février 1998, lors de la seconde réunion consacrée au captage, les vignerons l'apprennent. Les nouvelles recommandations du syndicat en tiennent compte et libèrent les herbicides concernés (Cent 7 et Surflan) de toute restriction. ' Là, nous avons fait une petite erreur, reconnaît Michel Gros. La plupart des gens ont alors utilisé l'association des deux herbicides. Leurs coûts de traitement ont doublé. Ils en ont eu la surprise à la réception des factures car ils achètent sans trop regarder les prix. ' Les mélanges avaient pour but d'obtenir un spectre complet.Courant 1998, deux nouveaux problèmes surgissent. Les analyses commandées par la Protection des végétaux révèlent la présence d'oxadixyl, un antimildiou, en plus des trois matières actives déjà présentes. Le 30 mai, la contamination dépasse tous les niveaux précédemment enregistrés. La concentration en diuron et en terbuthylazine atteint dix fois la norme européenne. L'eau renferme également de l'aminotriazole, substance qui n'avait jamais été retrouvée auparavant et qui disparaît à nouveau au bout de quelques semaines. ' Nous en avons conclu qu'il s'agissait d'une pollution ponctuelle due au largage d'un fond de cuve pas loin du captage ', indique Jean-Noël Garnier, de la Protection des végétaux de Beaune. Le suivi mensuel de la source a matérialisé les conséquences d'un acte que l'on considère trop souvent comme anodin. En plus d'avoir provoqué un fort pic de pollution, le déversement inconsidéré a retardé l'assainissement de l'eau (voir infographie) dont la contamination chutait, en moyenne, de 3 à 5 % par mois.En décembre dernier, tous ces faits sont présentés lors d'une nouvelle réunion. Les participants sont également informés des résultats d'une enquête portant sur leurs habitudes de traitement. Au printemps, 96 d'entre eux avaient répondu à un questionnaire alors qu'ils sont 104 à cultiver les 144 ha de vigne que comprend le bassin d'alimentation de la source. Tout le monde ou presque s'est donc prêté au jeu. Il en ressort que la moitié des vignerons ont modifié leur désherbage et tiennent compte des risques de contamination des eaux. Matériellement, cela se traduit par une très forte réduction de la consommation de certains herbicides. En 1996, 179 kg de terbuthylazine, 130 kg de diuron et 12 kg de simazine avaient été épandus sur le périmètre. Deux ans plus tard, ces quantités étaient tombées respectivement à 40, 30 et 1 kg. Les vignerons ont opté pour d'autres matières actives mais plus d'un sur deux continue à désherber en un seul passage. Un sur dix n'utilise plus que des foliaires. Le même pourcentage s'est tourné vers le travail du sol, abandonnant tout herbicide. Ces changements ont porté leurs fruits, comme le montre le recul du taux de pollution jusqu'à l'incident malheureux.L'assainissement n'étant pas encore atteint, l'action continue. Cette année, elle prend un nouveau tournant avec l'engagement signé par les distributeurs locaux d'élaborer des programmes excluant toutes les matières actives retrouvées dans l'eau. Certes, le problème initial n'est pas résolu, mais cela ne saurait tarder. Plus personne n'emploie les produits polluants. Les vignerons ont pris conscience de l'impact du déversement sauvage d'un fond de cuve. En contrepartie, leur travail s'est soit compliqué, soit alourdi. L'herbicide qu'ils emploient en majorité n'a pas de spectre complet. Il faut repasser en été dans certaines parcelles. Ceux qui ont opté pour les foliaires sont contraints à trois passages car les vignes sont établies très près du sol. Ceux qui ont opté pour l'entretien mécanique en font autant, sinon plus. En fait, beaucoup attendent la nouvelle génération d'herbicides dont on nous promet qu'ils sont sûrs, complets et propres.

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