Appliqués en fin de saison, plusieurs produits phytosanitaires communiquent des notes réduites aux vins. Les matières actives soufrées en sont responsables. Mais des adjuvants de formulation semblent également à l'origine de ces défauts.
L'incidence directe des résidus de produits phytosanitaires sur les caractéristiques sensorielles des vins a été mise en évidence de manière inattendue il y a une quinzaine d'année. En 1983 et 1985 (années sèches) sont apparus, dans certains vins, des défauts de réduction très tenaces. Dès 1986, le lien est établi entre ces déviations et un insecticide, l'acéphate, dont la dégradation conduit à la libération de méthyl-mercaptan qui évolue rapidement en diméthyl-disulfure. Ces deux molécules ont une odeur nauséabonde rappelant le chou en cuisson.Deux autres insecticides, le méthomyl et le thiodicarbe, se dégradent rapidement en diméthyl-disulfure. De ce fait, l'absence de résidus sur le raisin n'est pas une garantie d'innocuité car ce ne sont pas ces matières actives qui posent des problèmes mais leurs produits de dégradation. Les expérimentations réalisées, en plein champ, par l'ITV de Colmar entre 1989 et 1992 ont montré sans ambiguïté l'incidence négative de ces deux insecticides sur la qualité des vins. Elle est d'autant plus marquée que le traitement est réalisé près de la récolte.Les mêmes observations ont été faites en Champagne et en Charente. Le défaut peut apparaître après la mise en bouteilles. Dans les conditions normales d'utilisation, avec un dernier traitement au plus tard un mois avant la récolte, il reste cependant toujours inférieur à celui généré par l'acéphate.Ces résultats nous ont conduit à étudier d'autres produits. Les comparaisons ont eu lieu en plein champ, entre 1993 à 1995, sur une parcelle de pinot auxerrois. Huit produits, utilisés à la dose d'homologation à la mi-véraison, sont comparés à une référence non traitée. Avant cette dernière intervention, la protection était identique sur l'ensemble de la parcelle. Les vinifications sont réalisées sur environ 25 kg de raisin en appliquant la méthode CEB (commission des essais biologiques) n° 143 d'étude des effets non intentionnels des produits sur la qualité des productions vinicoles. Les vins sont dégustés à trois reprises au cours de leur vieillissement en bouteilles. Une première fois, sept à huit mois après la récolte, puis après un et deux ans. Les vins sont soumis, dans un ordre aléatoire, à un jury d'une quinzaine de dégustateurs.L'analyse globale des résultats des trois dégustations réalisées sur les vins des trois années d'expérimentation met en évidence des différences. Elles concernent surtout les notes de qualité des arômes, de qualité globale et l'intensité du caractère réduit. Les descripteurs de gustation (structure, équilibre, persistance) ne diffèrent jamais entre les vins. Le vin témoin présente la meilleure qualité globale et le caractère de réduction le moins marqué. Ces différences, même si elles ne sont pas toujours significatives, se retrouvent systématiquement lors de chaque dégustation.Les produits phytosanitaires étudiés ont été soumis au dosage des composés soufrés légers par le laboratoire d'oenologie de l'université de Reims. Les résultats sont très variables. Le Lannate et le Larvin se caractérisent par une forte proportion de diméthyl-disulfure. La répartition des produits de dégradation des organophosphorés étudiés (Dursban, Ultracide et Méthyl Bladan) est variable. Ils contiennent tous des sulfures.Les fongicides (Silbos et Folpel) se dégradent en COS (sulfure de carbonyle), SO2 (dioxyde de soufre), H2S (hydrogène sulfuré) et CS 2 (disulfure de carbone). Les autres composés soufrés ne sont pas détectés. Le cas du Cascade est particulier car sa matière active (le flufénoxuron) ne contient pas de soufre. Or, l'analyse met en évidence les mêmes composés que pour le Silbos. Ce résultat indiquerait la présence de différents composés soufrés parmi les adjuvants de formulation du Cascade.Nos essais montrent que les produits phytosanitaires, notamment les formulations contenant des molécules soufrées, ont une incidence non insignifiante sur la qualité des vins. Pour autant, ils n'entraînent pas une dépréciation préjudiciable à leur commercialisation.Le vigneron doit en être conscient et respecter les règles d'utilisation. Les préconisations sont celles qui permettent de limiter les résidus, à savoir : augmenter le délai de carence (en Alsace, l'arrêt des traitements est conseillé à la mi-véraison), respecter les doses d'utilisation, éviter les applications inutiles (insecticides à chaque traitement), utiliser des appareils de traitements adaptés et bien réglés.