Perte de typicité, standardisation... Les clichés ont la peau dure. Pourtant, la qualité globale et la diversité des vins n'ont jamais été aussi marquées.
Cela nous est tous arrivé : une belle table, des convives intéressés et des bouteilles prometteuses de vieux millésimes. Au rythme de la dégustation, les langues se délient et la nostalgie gagne : 'quelle qualité!', 'à l'époque, on savait travailler!', 'ce sont des vins de terroir!'... Il est vrai que certains millésimes du passé sont de véritables chefs-d'oeuvre, comme le mouton-rothschild 1945 ou l'année 1959 en Champagne, mais à côté de ces réussites, combien de ratages! 'Le grand apport du progrès en viticulture, c'est qu'on ne peut plus se retrouver avec une année sans récolte, sauf événement exceptionnel. Nous avons des outils', explique un ancien vigneron, qui cite alors des millésimes noirs de légende. Dans tous les vignobles, on constate un mouvement des professionnels visant à déguster de vieux millésimes. Il en est de même chez les consommateurs qui stockent de plus en plus dans leurs caves, quitte à garder n'importe quoi quand on sait que plus de 80% des vins sont à boire jeunes. A l'image d'une société qui court à en perdre haleine (OGM, internet...), tous recherchent des racines rassurantes. C'est le même mouvement qui amène à s'intéresser aux vieilles pierres. Cette nostalgie s'alimente aussi, sur le plan de la communication, d'une gêne à montrer au public que la filière a évolué : il y a des machines à vendanger dans les vignes et des cuves en Inox dans les caves. Une étude récente de l'Onivins montre l'extraordinaire décalage entre la perception de la filière et la réalité du progrès qui a pénétré dans les exploitations. Comme le montre ce dossier, la filière, à l'image de la société, a fait plus de progrès ces cinquante dernières années que depuis l'implantation de la vigne autour du bassin méditerranéen. Dans ces conditions, comment pourrait-on penser que les vins d'aujourd'hui ne sont pas meilleurs que ceux d'hier? L'autre 'pensée unique' circulant dans la filière consiste à dire que tous les vins se ressemblent et que les vignerons, notamment ceux situés en AOC, ont perdu leur âme sur l'autel de l'efficacité économique. Cette affirmation nous semble fausse. Même s'il reste beaucoup à faire, jamais les appellations n'ont été aussi bien délimitées, les rendements contrôlés et les vins vinifiés. Le tout dans une régularité qui doit assurer la pérennité économique des exploitations.