« Suivez-vous des viticulteurs sur les réseaux sociaux ? » La question en a surpris plus d'un. D'abord, il a fallu préciser ce que nous entendions par « réseaux sociaux ». Facebook, Twitter, Linkedin, Instagram ? Nous nous sommes ainsi aperçus que l'utilisation de Facebook est généralisée chez les jeunes comme chez les moins jeunes. Mais c'est loin d'être le cas pour les autres plateformes.
Une fois la précision faite, la réponse a été très claire. « Sûrement pas ! Je ne prends même pas la peine d'ouvrir les mails que les vignerons m'envoient ! Pourquoi j'irais les voir sur Facebook ? tranche Alain, retraité de 68 ans. Je me fiche de savoir s'il neige ou s'il vente dans les vignes : ce qui m'intéresse, c'est de goûter. » Voilà quinze ans qu'il se rend au Salon des vignerons indépendants de Bordeaux où nous avons mené notre enquête, le 17 mars, sur l'intérêt que portent les consommateurs à la communication des vignerons sur les réseaux sociaux.
Comme toujours, Alain est venu au salon avec sa femme Isabelle, cadre dans les services à la personne. « Ce que nous recherchons, c'est le relationnel, temporise-t-elle. Tous les ans, nous venons voir les mêmes vignerons. Ils nous connaissent bien et nous prenons plaisir à discuter avec eux. »
Très active sur Facebook, Delphine est du même avis. « Je ne suis aucune page liée au vin sur les réseaux sociaux. J'aime le contact, aller à un salon, voir quelle génération est là, si Untel travaille toujours ou s'il a passé le relais à son fils... » Cette agent immobilier de 45 ans aime aussi écouter les vignerons parler de leurs produits. « Ce matin, nous avons par exemple appris que l'on peut associer le sauternes avec du poulet ou des fruits exotiques pour casser le côté sucré. » Des astuces qu'elle n'aurait pas trouvées ailleurs.
Guillaume, un autre amateur, n'a jamais eu l'idée d'aller voir si les viticulteurs qu'il connaît ont un compte Facebook. Ce menuisier quadragénaire avoue même espérer que cela ne soit pas le cas. « Ça m'embêterait que le vin se démocratise trop. Je ne partage mes bons plans qu'avec un cercle restreint d'amis, dont certains ont fait des études d'oenologie. »
Sur Facebook, il consulte des pages liées à la pêche, son deuxième hobby. Mais le vin, c'est une autre affaire. « Cela doit rester confidentiel. Chaque année, nous nous regroupons pour acheter du vin à un petit vigneron auvergnat. S'il s'exposait trop sur Facebook, il aurait davantage de demandes et serait incité à augmenter ses prix. Or, nous recherchons de bons rapports qualité-prix et commandons toujours franco de port. »
À 66 ans, Serge a également ses petites habitudes. Dès 11 heures, il ressort du salon avec une pile de cartons de sancerre, bourgogne, saint-joseph et menetou-salon. « Tous les ans, je viens voir les mêmes vignerons. Je refais mes stocks pour l'année. Je ne vais même pas déguster d'autres vins : il y en a tellement qu'il faudrait quinze jours. » De tous les visiteurs rencontrés ce 17 mars, c'est le plus hostile à Facebook. « Si on ne le maîtrise pas bien, tout le monde peut voir ce que l'on y fait. En plus, je suis sûr que c'est un nid à publicité. Très peu pour moi. »
Pour Vincent, responsable de communication de 38 ans, Facebook n'est pas un endroit où les vignerons doivent faire leur promotion. « Je réserve Facebook à mes contacts amicaux et professionnels. Je ne veux pas y voir de messages de vignerons. Pour m'indiquer leur présence aux salons et leurs tarifs - les seules informations qui m'intéressent - un mail suffit », lance-t-il.
S'ils sont plus ou moins à l'aise avec les réseaux sociaux, tous les consommateurs avec qui La Vigne a échangé ont un point commun : ce qu'ils aiment dans le vin, c'est la dégustation et les échanges qui vont avec.
En dehors des salons, beaucoup visitent les propriétés bordelaises. Plusieurs font également partie d'un club d'oenologie. C'est le cas de la bande de cinq amis que nous interrompons alors qu'ils profitent de la percée du soleil pour s'accorder une pause sandwich. « Nous nous retrouvons tous au club de Cestas une fois par mois. Pour dénicher de bonnes bouteilles, je lis aussi Terre de Vins, La Revue du vin de France et Cuisine et Vins. Je fais une grande partie de mes achats lors des foires aux vins », explique Jean-Pierre, 63 ans, désigné par ses pairs comme "le plus calé de la bande". Je consulte également des blogs. Je suis inscrit sur Facebook, mais je le réserve à la famille et aux amis. » Pour suivre les viticulteurs qu'il apprécie, il se rend directement sur leur site internet, « notamment pour y trouver des informations sur la dernière récolte et l'évolution des tarifs ». Son camarade Alain se montre encore plus traditionnel : « J'aime bien recevoir des nouvelles des vignerons par courrier. »
Delphine a, elle aussi, le réflexe d'aller sur le site des vignerons lorsqu'ils lui envoient des mails. C'est une des rares à s'intéresser, outre à la dégustation, à la vie de la filière. « Il m'arrive régulièrement d'aller sur le site de Terre de Vins. J'aime bien y lire des articles sur l'économie du vin », explique-t-elle. Pour autant, elle n'a jusqu'ici jamais pensé à rechercher des informations sur les réseaux sociaux.
Jeune retraitée, Marie sort du lot : « Je me suis abonnée à la page du Château Cap Léon Veyrin sur Facebook parce que c'est un domaine que j'aime bien et à celles de plusieurs propriétés espagnoles que j'ai déjà visitées. Je suis friande d'informations sur les vendanges et la qualité du millésime. » Marie est passionnée : comme chaque année, elle passe son vendredi et le week-end sur le salon. « J'adore rencontrer les vignerons. » Pa r ailleurs, au cours de l'année, elle lit assidûment La Revue du vin de France et essaye de se rendre à toutes les journées portes ouvertes organisées en Gironde : Sauternes et Barsac, les Graves, le Printemps des vins de Blaye... Elle est même juré dans plusieurs concours de dégustation.
Une exception. Après elle, hormis quatre étudiants en oenologie et un professionnel (voir l'encadré ci-dessus), nous n'avons plus rencontré aucun amateur qui se serve de Facebook pour se renseigner sur le vin. « Lorsque je me pose une question sur un cépage ou sur un château, je fais simplement une recherche sur Google, illustre ainsi Marc, ingénieur au CNRS de 53 ans. Je n'ai pas de site de référence, je fais des découvertes au gré de mes recherches. »
À l'heure où tous les pros de la communication n'ont que les réseaux sociaux à la bouche, cette enquête a surpris La Vigne. S'ils se lancent sur Facebook ou Twitter, les vignerons ne doivent pas abandonner les traditionnels mails et courriers, tant les consommateurs y semblent attachés.
SUIVEZ-VOUS DES VITICULTEURS SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX ?
Marc (à droite), 53 ans, ingénieur « Non. Je fais des découvertes sur Internet au gré de mes recherches sur Google. » PHOTO : M. BAZIREAU
Delphine, 45 ans, salariée dans l'immobilier « Non. Le relationnel est primordial. Ce n'est pas sur Facebook que je vais le trouver. » PHOTO : M. BAZIREAU
Marie (à gauche), 60 ans, retraitée « Oui, je suis abonnée à des châteaux sur Facebook. Mais, rien ne remplace les rencontres. » PHOTO : M. BAZIREAU
Étienne (à droite), 20 ans, en BTS viti-oeno « Oui. j'ai rejoint un groupe d'oenologues étrangers sur Facebook. Mais je suis un seul vigneron. » PHOTO : M. BAZIREAU
Marc, 53 ans, ingénieur « Non. Je fais des découvertes sur Internet au gré de mes recherches sur Google. »
Delphine, 45 ans, salariée dans l'immobilier « Non. Le relationnel est primordial. Ce n'est pas sur Facebook que je vais le trouver. »
Marie, 60 ans, retraitée « Oui, je suis abonnée à des châteaux sur Facebook. Mais, rien ne remplace les rencontres. »
Étienne, 20 ans, en BTS viti-oeno « Oui. j'ai rejoint un groupe d'oenologues étrangers sur Facebook. Mais je suis un seul vigneron. »
Arthur, 32 ans, conseiller en optimisation des coûts « Oui. Facebook me permet de suivre mes clients. J'y déniche aussi des astuces sur la dégustation. »
Jean-Pierre, 63 ans, retraité « Non. Si je souhaite me renseigner sur un domaine, je vais directement sur son site internet. »
Le vin sur les réseaux sociaux, d'abord pour les pros
À l'exception de Marie, les seuls visiteurs intéressés par le vin sur les réseaux sociaux que La Vigne a rencontrés sont des « pros » de la filière. D'abord, quatre étudiants, âgés de 19 à 22 ans, en deuxième année de BTS viticulture-oenologie. Quentin et Étienne ont rejoint le groupe Facebook « Travelling Winemakers » pour suivre les péripéties des oenologues aux quatre coins du monde. « Je recherche des informations techniques, explique Quentin, 20 ans. Je suis intéressé par tout ce qui touche aux pratiques plus respectueuses de l'environnement. » Étienne suit un seul vigneron, « parce que c'est un ami de mes parents ». Élodie et Erwan font, eux, du repérage marketing. « On se tient au courant sur ce qui se fait de bien en packaging », détaille la jeune femme. Pour cela, ils utilisent Facebook et Instagram. Aucun ne s'est inscrit sur Twitter. Plus loin, nous discutons avec Juliette et Arthur, conseillers en optimisation des coûts auprès de vignerons. « Je suis quelques vignerons sur Facebook pour savoir où ils sont, concède Arthur. Au gré des suggestions, je me suis abonné à des propriétés que je ne connaissais pas. J'aime apprendre des astuces sur les méthodes de dégustation et le travail de la vigne. »
NOS CONSEILS
- Si vous espérez toucher le grand public via les réseaux sociaux, privilégiez Facebook. Peu de consommateurs sont inscrits sur Twitter ou Linkedin.
- Nombre de consommateurs ont d'abord le réflexe d'aller voir les sites des vignerons. Veillez à ce que le vôtre soit à jour, affichez vos tarifs et n'hésitez pas à commenter les conditions de vendanges et la qualité du millésime.
- Ne négligez pas le mailing et l'e-mailing. C'est pour beaucoup de clients le seul moyen de s'informer de votre présence aux salons. Certains sont encore attachés au papier.