Thierry Berson, Atout vins, à Doué-la-Fontaine (49). « Mon travail, c'est de trouver des nouveautés »
Stéphane Leblanc, 46 ans, La Grande Cave, à Châteauroux (Indre) : vins en vrac, BIB et bouteilles de toutes les régions, sur 400 m2. « Pas la peine de venir avec ses échantillons. Je fais les démarches dans les salons. »
Pascale de Souancé, 55 ans, La Cave du Perche, à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir) : vins de Loire, nombreuses références en BIB. « Les animations, c'est payant pour l'image de notre boutique. » © A. LOMBARD
Anthony Colon, 39 ans, Vin chez moi, vente de vins, bar à vins et restaurant, à Annecy-le-Vieux (Haute-Savoie) : vins bio ou en culture raisonnée. « Je ne discute pas les tarifs. Je connais le boulot que cela représente. »
Marché d'avenir, les cavistes ? Oui, si l'on en croit le Syndicat des cavistes professionnels, qui annonce une hausse des points de vente (+ 12 % entre 2011 et 2014) et des volumes vendus. Certes, ce réseau n'a pas la force de frappe de la grande distribution, mais il valorise plutôt bien les vins et fait preuve de curiosité. Un bon plan pour les vignerons, à condition de connaître les codes.
L'approche. Faut-il démarcher les cavistes pour décrocher des marchés ? Sur ce point, les intéressés sont partagés. Les cavistes interrogés par La Vigne affirment aller à la rencontre des vignerons. « Pas la peine de venir avec ses échantillons. Je prospecte sur les salons », indique Stéphane Leblanc, caviste à Châteauroux (Indre). Même son de cloche chez Thierry Berson, à Doué-la-Fontaine (Maine-et-Loire), qui sélectionne tout en direct. « Je me rends sur les salons. En une journée, je peux déguster une centaine de vins. C'est comme un speed-dating. On goûte et on imagine la suite : comment le vin va se tenir, avec quel plat il va se marier... Je vais aussi dans des domaines, mais on ne peut pas en visiter plus de quatre ou cinq en une journée. »
Installé à Paris, Olivier Thibaut se fournit à 70 % directement auprès de vignerons. Il travaille aussi avec des agents et des grossistes. « Je sélectionne beaucoup de vins après avoir rencontré des vignerons. À cette fin, je me déplace dans les vignobles et sur des salons. Mais ma porte reste toujours ouverte aux vignerons qui viennent démarcher. Je les reçois et déguste leurs échantillons. Ils peuvent aussi m'en envoyer. J'en ai ainsi recontacté certains. »
Caviste à Tours (Indre-et-Loire), Stéphane Chazaud profite de sa proximité avec les vignerons du Val de Loire pour choisir ses produits en direct. « Pour les autres vignobles, je travaille avec des agents. » Pour nombre de cavistes, l'un des points de départ reste le bouche-à-oreille entre cavistes ou restaurateurs, voire avec les clients. Sans négliger la lecture de la presse spécialisée ou des guides.
L'offre. S'ils n'osent pas dire qu'ils réclament l'exclusivité, les cavistes aiment bien que les vignerons leur réservent des cuvées que les consommateurs ne trouveront pas ailleurs et surtout pas en GD. « Notre rôle est de proposer au client des vins qui sortent des sentiers battus comme des assemblages atypiques », signale Stéphane Chazaud.
« Quand je sélectionne une cuvée chez un vigneron, je préfère qu'elle ne soit pas vendue à proximité », indique Anthony Colon, à Annecy-le-Vieux (Haute-Savoie). Ce caviste, qui fait également bar à vins et restaurant, commande entre 200 et 600 bouteilles par référence et apprécie les vieux millésimes.
« Quand des vignerons travaillent avec moi, j'attends d'eux qu'ils ne vendent pas leurs vins à des chaînes de cavistes ou en grande distribution. Et si un vigneron est déjà présent chez un confrère proche de mon secteur, j'apprécie qu'il me prévienne », souligne Olivier Thibaut.
« Certains vignerons m'ont confié l'exclusivité sur de millésimes de plus de dix ans. C'est le fruit d'une relation de confiance. Je demande toujours aux vignerons quels sont leurs autres circuits de distribution. S'ils écoulent des cuvées en grande distribution, je souhaite qu'ils m'en informent », ajoute Stéphane Chazaud.
Plus tranchant, Stéphane Leblanc est clair : « Je ne veux pas de vins vendus en GD, sinon j'arrête de travailler avec eux. C'est pour cela que je cherche plutôt des petits domaines. Je comprends que les gros aient besoin de vendre à tout le monde. Quand je trouve un vin qui me plaît, je peux réserver 1 000 à 2 000 bouteilles, à livrer en plusieurs fois. Ce volume peut correspondre à une seule cuvée chez certains vignerons. »
Pour Thierry Berson, les deux marchés sont complémentaires, mais ne doivent pas se mêler : « Je ne travaille pas avec des vignerons qui vendent aussi en GD. Je ne suis pas contre, mais à chacun son marché. De toute façon, les viticulteurs que je sélectionne n'ont pas assez de volume pour attaquer la GD. » Au final, un préalable revient au-delà des cuvées et des disponibilités : « On veut du bon vin ! »
Les animations. La plupart des cavistes programment des animations avec leurs fournisseurs, surtout le vendredi ou le samedi. « Ça fait partie du contrat : je leur demande une présence », souligne Stéphane Leblanc, qui organise deux à quatre animations par mois avec des vignerons. Pascale de Souancé, caviste à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), insiste sur le contact direct entre les clients et les producteurs. « C'est important. Et à long terme, c'est payant pour l'image de notre boutique. » Sur ce point, Thierry Berson en est convaincu, les vignerons ont fait de réels progrès. « Ils parlent de mieux en mieux de leurs vins. Il faut maintenant qu'ils prennent l'habitude de penser encore plus à l'accord avec un plat », souligne le sommelier de formation. Au final, toutes ces animations sont profitables au commerce des vins. C'est donc gagnant-gagnant.
Le tarif. « Je ne discute pas les tarifs. Je connais le boulot que ça représente. Soit les vins sont dans le marché, à des prix raisonnables, soit hors marché et je ne les prends pas », tranche Anthony Colon. « Le prix n'est pas un critère prédominant. En général, entre les vignerons et moi, il n'y a pas de rude négociation. On n'est pas en GD ! », indique Stéphane Chazaud. Et de préciser : « Les vignerons ne peuvent pas nous proposer le même tarif qu'aux particuliers. Beaucoup de vignerons de l'ancienne génération ne savaient pas évaluer leurs coûts de production. Ils vendaient leurs vins à bas prix aux particuliers et plus cher aux cavistes. Les producteurs doivent avoir des tarifs cohérents, de telle sorte que les prix dans nos magasins soient proches de ceux appliqués aux particuliers dans les domaines. »
Pour Olivier Thibaut, tout est histoire de cohérence : « Je ne peux pas vendre une bouteille à 16 € TTC lorsqu'elle est à 8 € au domaine. Néanmoins, pour des vins connus, je peux rogner sur ma marge pour rester compétitif. »
Au-delà du prix, Stéphane Leblanc trouve que « les vignerons sont de plus en plus à l'écoute des marchés et de nos demandes. Ils sont plus réactifs. Désormais, quand on a une bouteille bouchonnée, le vigneron nous en remet une gratuite dans la commande suivante. Et si on a un retard de livraison, c'est lui qui contacte le transporteur ».
Les médailles et les guides. Les médailles ne sont pas forcément un critère d'achat pour les cavistes. « Les médailles, ça m'incite à déguster, mais ça ne me fait pas acheter », constate Stéphane Leblanc. Même sentiment de la part de Thierry Berson. « Mon travail, c'est de trouver des nouveautés. Il faut que les vins soient bons sur toute une gamme et plusieurs millésimes. C'est pour cela que je ne me fie pas aux médailles. Je goûte les vins médaillés, mais je veux être sûr que le vin tienne dans le temps. »
De son côté, Olivier Thibaut ne porte pas attention aux guides ni aux médailles : « J'ai fait le tour de la question. Il est souvent facile de décrocher une médaille dans un concours.»
En revanche, pour Stéphane Chazaud, les guides sont incontournables. « Certains clients n'achètent qu'en fonction des guides. Mais je fonde avant tout mon choix sur le vigneron et ses vins. »
Des vins vendus en moyenne près de 10 € TTC le col
Le chiffre d'affaires en vins et champagne des cavistes en 2013 s'est élevé à 1,06 milliard d'euros selon le Syndicat des cavistes professionnels. Il représente près des deux tiers de leurs ventes globales de boissons alcoolisées. L'année dernière, le prix moyen d'une bouteille de vin (hors champagne) vendue chez un caviste s'est établi à 9,56 €, précise le syndicat. Le panier moyen est environ de 30 € par client. On dénombre aujourd'hui 5 525 cavistes, dont près de 80 % sont indépendants. Ces professionnels ne sont pas répartis de façon homogène sur le territoire : « 21 % sont concentrés sur Paris, la Gironde, le Var, la Loire-Atlantique et le Rhône. Mais plus de 20 % des cavistes sont installés dans des zones rurales. » Chaque caviste propose en moyenne cinq cents références de vins tranquilles et effervescents. La profession connaît un certain rajeunissement avec l'arrivée de quadragénaires, souvent orientés sur les vins bio et proposant des ateliers de dégustation.
LES CONSEILS
- Avant d'envoyer des échantillons à un caviste ou de le démarcher, renseignez-vous pour savoir s'il s'approvisionne en direct et comment il opère.
- Votre tarif doit être inférieur aux prix que vous pratiquez pour les particuliers sur votre domaine. S'il est raisonnable, il ne donnera pas lieu à beaucoup de discussions. En général, votre prix HT pour les cavistes doit être la moitié du prix public TTC chez les cavistes. Reste donc à calculer le bon tarif pour ne pas trop s'éloigner de vos prix de vente aux particuliers.
- Attention aux produits multimarchés. Le vin que vous proposez à un caviste ne doit pas être présent en GD ou chez un autre caviste à proximité du premier. Sauf si vous êtes très connu. Si un détaillant vous réclame une exclusivité, définissez le secteur géographique pour cette exclusivité et le nombre de bouteilles qu'il peut vendre.
- Pensez à proposer vos nouveautés en priorité aux cavistes. Ils y sont très sensibles.
N'hésitez pas à participer à des animations.