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Arrêtons la course aux hectares

La vigne - n°104 - novembre 1999 - page 0

En quinze ans, Michel Pastor, coopérateur, a réencépagé les deux tiers de son vignoble et porté sa surface à 26 ha. Mais il n'a pas encore trouvé le point d'équilibre en termes de revenu et de charge de travail.

Dans le vignoble languedocien, tout a changé en même temps. 'Nous avons réencépagé pour produire des vins mieux adaptés à la demande. Mon père a commencé, et j'ai poursuivi. Avec ces nouveaux cépages, le mode de conduite a évolué, passant du gobelet au palissage. Les temps de travaux ont augmenté alors que les rendements diminuaient. Mon père produisait 100 à 110 hl/ha ; moi, je tourne entre 55 et 60 hl/ha. Dans le même temps, les prix de vente n'ont pas doublé! Pour conserver un revenu tout en finançant cette mutation, j'ai dû m'agrandir', explique Michel Pastor, vigneron à Laure-Minervois (Aude) et adhérent à la coopérative le Cellier Lauran Cabaret.Installé sur 15 ha en 1984, il en possède aujourd'hui 26, dont 13 ha classés en appellation Minervois. Dans cette zone de coteaux, la pluviométrie ne dépasse pas 300 mm, et les sols sont peu profonds. Les rendements n'ont rien à voir avec ceux de la plaine, et les démarches de qualité s'imposent pour valoriser le travail. Michel Pastor a déjà replanté les deux tiers de son vignoble. Sur la surface classée, il a installé de la syrah et du grenache pour jouer à fond la carte de l'appellation, 'car c'est elle qui nous donne notre identité'. Sur les autres parcelles, il a choisi des cépages comme le merlot ou le caladoc, recherchés sur le marché.Toutes les nouvelles plantations ont été palissées et le reste des vignes a été adapté à la vendange mécanique. 'J'ai opté pour la machine dès le début pour des raisons de coût. La récolte me revient à 1 500 F par ha, contre 4 500 F en manuel. Si c'était à refaire, je continuerais à vendanger le carignan à la main, car les ceps souffrent. Mais pour l'instant, je suis obligé d'amortir mon équipement.' Ces parcelles de carignan ont entre 40 et 70 ans. 'La coopérative en a besoin pour élaborer des cuvées haut de gamme. Je vais essayer de les conserver le plus longtemps possible.'Michel Pastor a commencé à pratiquer la lutte raisonnée en 1988, au sein d'un groupe de jeunes. Aujourd'hui, il évolue vers la production raisonnée. Il travaille l'interrang et ne désherbe chimiquement que sous le rang. Les sarments et l'herbe sont broyés et enfouis. 'Il y a de la vie dans le sol, j'y trouve des vers, des grillons, des mulots. Mais pour accroître le taux de matière organique, j'envisage d'introduire des amendements.' La cave est équipée depuis longtemps d'une lagune d'évaporation et la mairie a installé une aire de lavage pour les pulvérisateurs et le matériel de vendange. 'Respecter l'environnement ou garantir une traçabilité, cela va de soi, je n'envisage pas d'exercer mon métier autrement. J'ai envie de partager cette philosophie, mais je ne cherche pas à en tirer un argument commercial.'Michel Pastor exploite seul ses 26 ha et ne se fait aider que pour la taille. 'J'arrive à un point de rupture. Si je devais m'agrandir, ce serait au détriment de la qualité du travail. J'envisage d'acheter 13 ha de terres nues pour disposer d'une réserve foncière, pratiquer une rotation et achever de restructurer mes parcelles, mais je ne compte pas augmenter la surface en vignes.'La charge de travail est encore accrue du fait des responsabilités professionnelles qu'il a choisi d'assumer. Après avoir milité au CDJA, il s'est investi dans le Syndicat de cru Minervois et à la cave coopérative, dont il est aujourd'hui le vice-président. 'Cet été, pour la première fois depuis plusieurs années, j'ai pris une semaine de vacances en famille. C'était ça ou le divorce!', évoque-t-il avec humour. Afin de se libérer un peu, il aimerait embaucher. 'Si les charges patronales étaient moins lourdes, nous aurions déjà pris un salarié à deux. En étant seuls sur nos exploitations, nous sommes à la merci d'un problème de santé.'Jusqu'à présent, Michel Pastor a investi en moyenne 100 000 F/an et il pense continuer à ce rythme.'Ma femme a un emploi salarié à l'extérieur. J'ai pu choisir de donner la priorité à la construction de l'exploitation, et j'en retire beaucoup de satisfaction, bien que je ne sois pas encore payé en retour en ce qui concerne le revenu. L'engagement humain dans le collectif compte également, même si le résultat est plus impalpable. La vie de la coopérative, c'est aussi celle du village.'Pour trouver un nouvel équilibre, Michel Pastor ne voit qu'une seule issue : arrêter la course aux hectares et améliorer la valeur ajoutée. 'A la cave, nous avons pris le problème à bras le corps en créant un chai d'élevage et une SARL de commercialisation. Et en quatre ans, nous sommes passés de 180 000 à 650 000 cols vendus.' La gamme commence à 15 F avec les vins de cépage, et s'étage de 17 F à 42 F pour l'appellation. 'Notre objectif est de faire évoluer le prix moyen de la bouteille de 20 F à 25 F. Nous avons besoin de mieux rémunérer notre travail, sans pour autant perdre de vue le pouvoir d'achat des consommateurs. Nous ne voulons pas produire seulement pour une élite, le plaisir de déguster nos vins doit rester accessible au plus grand nombre.'

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