L'Association des viticulteurs d'Alsace (Ava) a dû s'y reprendre à deux fois. L'Inao a refusé son premier projet de maîtrise des rendements. Présenté fin mars, il fixait un plafond par groupe de cépages. Quatre groupes avaient été définis au sein desquels des reports étaient autorisés. Auparavant, ces reports étaient entièrement libres. A condition de respecter la limite de 80 hl/ha (+10% de PLC) sur son exploitation, chaque producteur pouvait récolter des volumes plus importants d'un cépage bien payé. En contrepartie, il devait limiter ses prélèvements sur les cépages peu rémunérateurs. Désormais, les Alsaciens n'ont plus cette possibilité.Le schéma finalement adopté distingue les vins rouges des blancs. Pour les premiers, issus du cépage pinot noir, le rendement de base s'établit à 75 hl/ha. Pour les seconds, il s'élève à 80 hl. Dans les deux cas, 10% de PLC peuvent être accordés, ce qui fut le cas pour la vendange 1999. Par ailleurs, chacun des cépages blancs s'est vu attribuer un rendement butoir. Il est de 96 hl/ha pour le pinot gris (tokay) et le gewurztraminer, de 100 hl pour le riesling, le sylvaner, le pinot blanc, le chasselas et le muscat. Ces plafonds ne peuvent pas être dépassés.Pour Raymond Baltenweck, le président de l'Ava, il était vital que la réforme entre en application cette année. 'Nous avions un énorme volume sur pied, explique-t-il sans détour. Si nous n'avions pas modifié les règles, nous aurions eu de très grosses récoltes de tokay, de gewurztraminer, de pinot blanc ou de riesling au détriment du sylvaner. Au lieu de cela, les vignerons ont ramassé ce qu'il y avait de mûr et laissé sur souche les raisins plus verts. Alors qu'on ne vienne plus nous dire que nous ne faisons pas d'efforts pour maîtriser nos rendements.' A l'issue de ces tris, la récolte 1999 devrait totaliser 1,25 Mhl, un volume proche de la moyenne, légèrement supérieur à celui de 1998. Elle porte la marque de la générosité des vignes. 'Le millésime est hétérogène, constate un oenologue. Les gens ayant maîtrisé leurs vignes ont de très belles choses. Ceux qui ont laissé courir ont des vins maigres et dilués.' Les pluies ont accentué ces défauts. Elles n'ont cessé de perturber les vendanges qui ont commencé le 20 septembre par le crémant. Le 4 octobre, lorsque démarrait la récolte des alsaces, le temps était revenu au beau. Mais durant tout le mois, la météo était capricieuse. Les vignerons ont été contraints d'étaler leurs cueillettes durant plus d'un mois. Ces pluies ont fini par altérer l'état sanitaire des raisins. Malgré cela, bien des cuves se sont passées de chaptalisation.Sur le plan commercial, la campagne 1998-1999 fut une réussite. 'Les ventes des vins d'Alsace, tous marchés et toutes appellations confondus, ont continué de progresser (3,5%) pour atteindre leur record absolu avec 1,15 Mhl, soit 153 M de cols', claironne l'interprofession. Le crémant a connu la plus forte croissance. Ses ventes sont en hausse de 6%. Elles ont porté sur 18,4 M de cols. A la fin de l'année, les opérateurs signalaient que la demande se faisait de plus en plus soutenue. A n'en pas douter, ce vin effervescent était de la fête lors du passage à l'an 2000. Les Alsaciens espèrent que les consommateurs qui y ont goutté à cette occasion lui resteront fidèle. Dans le cas contraire, ils déchanteront car ils ont récolté plus de 175 000 hl de vin de base en 1999, ce qui représente un potentiel de 23 M de cols.Sur le marché du vrac qui donne le ton, bien qu'il ne représente que 10 à 15% d'une récolte, le gewurztraminer a fortement chuté. Les producteurs s'y attendaient car lors de la précédente campagne, son prix s'était envolé en raison de disponibilité anormalement faible. On revient à un niveau normal. En revanche, l'évolution des cours du riesling suscite plus d'inquiétude. Il ne cesse de baisser depuis plusieurs saisons. En 1998-1999, il a encore perdu 5% pour s'établir à 950 F/hl, en moyenne. Ce mouvement pousse les vignerons à l'arracher pour le remplacer par le pinot gris. Le sylvaner subit, lui aussi, une désaffection au profit de ce cépage très en vogue. Certains redoutent que l'offre en pinot gris devienne vite supérieure à la demande et que son cours baisse.Autre production locale en difficulté: l'edelzwicker. Il s'agit d'un assemblage de vins indigne d'être vendu sous le nom de leur cépage. En quelques années, le marché allemand, son principal débouché, s'est effondré. Plutôt que d'essayer de le relancer, vingt-quatre entreprises ont décidé de miser sur le gentil, un autre assemblage traditionnel. Elles ont signé une charte imposant un minimum de 50% de cépages nobles (riesling, pinot gris, muscat, gewurztraminer), le reste étant du sylvaner ou du pinot blanc. Elles se sont engagées à lui faire subir une dégustation d'agrément spécifique. En contrepartie, Hugel, la maison propriétaire de cette dénomination, leur a accordé le droit de l'utiliser. Elle a imposé ces règles afin que le gentil ne sombre pas dans les errements du sylvaner.