Velcorin est un additif autorisé dans les boissons rafraîchissantes sans alcool. Les Etats-Unis, la Nouvelle- Zélande et l'Afrique du Sud l'utilisent déjà pour le vin. Apporté à la mise, ce produit, qui agit sur les levures et les bactéries, pourrait permettre de limiter le sulfitage.
Dans les années cinquante, l'ITV (Institut technique de la vigne et du vin) promettait un prix à qui trouverait un substitut à l'anhydride sulfureux. Personne ne l'a jamais décroché! Les propriétés du SO2 sont nombreuses et, à ce jour, il reste irremplaçable. Cependant, certains additifs permettent de limiter son emploi. Selon Alain Bertrand, à la faculté d'oenologie de Bordeaux, le diméthyle dicarbonate (DMDC), commercialisé par Bayer sous le nom de Velcorin, pourrait jouer ce rôle.Le diméthyle dicarbonate stérilise le milieu dans lequel il est introduit, en se décomposant en dioxyde de carbone et en méthanol. Pour Alain Bertrand, 'cet excellent antilevures' pourrait, ajouté à la mise en bouteilles, limiter le sulfitage des vins contenant des sucres résiduels, mais aussi des rouges élevés en barriques.Dans les vins liquoreux, l'anhydride sulfureux combine énormément. Il faut donc en mettre beaucoup pour obtenir une dose de SO2 libre efficace contre les levures. En revanche, si du DMDC est ajouté à ces vins, le sulfitage ne servira plus qu'à éviter leur oxydation, le rôle antimicrobien étant tenu par Velcorin. Et pour prévenir l'oxydation, la dose de SO2 libre nécessaire est beaucoup moins importante que celle convenant pour éviter un développement levurien. 'On pourrait peut-être réduire de moitié la dose de SO2 total dans les liquoreux', considère Alain Bertrand.Aline Lonvaud, de la faculté d'oenologie, expliquait dans notre dernier numéro que les altérations bactériennes connaissent une recrudescence au cours de l'élevage des vins rouges. De plus, des levures de contamination posent de gros problèmes. Le DMDC a-t-il une incidence sur ces accidents? La faculté d'oenologie a testé ce produit sur un vin présentant des odeurs phénolées très marquées, donc contenant des brettanomyces. 130 mg/l de DMDC ont été ajoutés à cet échantillon. Les levures d'altération étaient au nombre de 6,5 × 10² par millilitre avant cet ajout. Trois jours après, elles n'étaient plus que 3 par millilitre. Quant aux bactéries, leur population avait baissé d'un facteur dix. Même si l'action bactéricide n'est pas aussi prononcée que l'effet antilevure, elle demeure intéressante. 'Pour les vins rouges, l'utilisation du DMDC pourrait permettre de descendre à un SO2 total maximal de 100 mg/l, donc 50 mg/l de moins que la dose maximale recommandée par l'OIV', considère Alain Bertrand.Ajouter à la mise en bouteilles, ce produit permet de limiter le réajustement en SO2, pour les vins contenant des sucres résiduels comme pour les rouges. On peut également envisager d'utiliser ce produit pour muter les vins, ou pour limiter les contaminations au cours d'un élevage en fûts. Cependant, le DMDC est un produit à utiliser avec beaucoup de précautions: il ne faut pas l'inhaler, ni le mettre en contact avec la peau. Il est déjà utilisé en agroalimentaire, dans des boissons rafraîchissantes sans alcool. Il est alors apporté avant le conditionnement à l'aide de pompes doseuses très particulières. La société Bayer ne veut pas que ce produit soit diffusé avant qu'un moyen de l'utiliser sans risque soit complètement au point.Une fois dans le vin, Velcorin se décompose. Alain Bertrand a étudié quels étaient les produits de cette décomposition. La crainte était de voir apparaître du carbamate d'éthyle. Lors de ses travaux, ce chercheur a mis en oeuvre des tests à la chaleur sur des vins contenant des sucres résiduels, tests qui révèlent le carbamate d'éthyle potentiel (trois jours à 70°C). Il n'y a pas plus de carbamate d'éthyle après ce stress dans le vin traité avec 200 mg/l de DMDC que dans le témoin. En revanche, on y trouve du carbamate de méthyle, qui n'aurait pratiquement aucune toxicité.Le DMDC se décomposant en dioxyde de carbone et en méthanol, il est donc logique de retrouver dans le vin traité davantage de méthanol que dans le vin témoin. Après les fraudes au méthanol, cette molécule incite à la prudence. Cependant, les doses apportées par le produit Velcorin (entre 88 et 110 mg/l en plus dans les vins dans lesquels 200 mg/l de DMDC ont été ajoutés) sont sans risque. Une autre molécule se forme dans les vins traités: le carbonate de méthyle éthyle, qui ne semble pas non plus poser de problèmes. Ce produit dérivé pourrait même devenir un marqueur et permettre de contrôler que les apports de DMDC ont respecté les normes.Les experts du Codex alimentarius jugent également que les produits de décomposition du DMDC ne posent aucun problème pour la santé humaine. Les Américains sont du même avis puisqu'ils autorisent ce produit dans le vin depuis la fin des années quatre-vingt. C'est aussi un produit oenologique en Nouvelle-Zélande et en Afrique du Sud. De plus, c'est un additif alimentaire autorisé par l'Union depuis 1995 pour les boissons rafraîchissantes sans alcool. A l'heure actuelle, la société Bayer commercialise dans le monde environ 200 tonnes de DMDC. Avec des doses maximales de 250 mg/l, cela représente un volume de liquide traité plutôt conséquent!Cependant, avant d'aller plus loin et d'expérimenter Velcorin sur le vin dans les conditions de la pratique en Europe, Bayer souhaite que l'OIV prenne position sur ce produit. L'Office l'étudie actuellement et Velcorin, si tout va bien, devrait être inscrit au code international des pratiques oenologiques au plus tôt en 2001.