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La replantation concerne le bailleur et le preneur

La vigne - n°108 - mars 2000 - page 0

La jurisprudence est claire: pas plus un bail écrit qu'un contrat-type ne peuvent imposer la charge de la replantation des ceps manquants au seul preneur. Le bailleur est également concerné.

Dans une parcelle de vignes donnée à bail à ferme, même si elle n'est pas vétuste, des pieds peuvent mourir brutalement sans que rien n'ait pu le laisser présager. Le fermier en subit les conséquences directes. Quelles sont alors les obligations des parties? Faut-il remplacer les manquants et aux frais de qui? En application de l'article 1 719 du code civil, résultant de la loi du 13 avril 1946 complétant le statut du fermage, le bailleur doit assurer la permanence et la qualité des plantations; l'article L 415-8 du code rural édicte: 'La commission consultative des baux ruraux détermine l'étendue et les modalités des obligations du bailleur relatives à la permanence et à la qualité des plantations prévues au §4 de l'article 1 719 du code civil'.S'inscrivant dans ce cadre législatif, de nombreux contrats-type prévoient 'que le preneur devra arracher les pieds de vigne qui seront morts, à charge, si la vigne a moins de quinze ans, de les remplacer par d'autres dont les plants seront fournis par le bailleur et aux frais de celui-ci, les frais de mise en place incombant au preneur'. On retrouve la même clause dans un grand nombre de baux écrits.Ceci posé, un contentieux s'instaure entre une société, propriétaire de vignobles, et la société d'exploitation locataire (1). Un fait est avéré: il existe de nombreux manquants dans le vignoble. La propriété en est dépréciée. La société propriétaire engage une action en résiliation des baux pour mauvais entretien du vignoble, et invoque la clause contractuelle contenue dans le bail écrit, aux termes de laquelle le preneur aura la charge des remplacements de manquants. Donc, selon le bailleur, le mauvais état du vignoble est uniquement dû à la violation du contrat par le preneur. Cette obligation est-elle légale?Selon la cour d'appel, les stipulations conventionnelles ne sont pas contraires à l'ordre public. Pour ce faire, elle fait état du contrat-type du département. C'était donner à l'acte réglementaire une portée prohibée par la loi puisque la clause imposant au preneur la replantation est jugée illégale (voir La Vigne janvier 1999). Pour les juges du fond, l'article 1 719, le §4 n'est pas d'ordre public; seul l'article L 415-8, renvoyant à la commission consultative des baux ruraux les modalités de l'exécution de l'obligation imposée au bailleur, s'inscrit dans le cadre du statut. Erreur, semble-t-il, car ce §4 résulte de la loi du 13 avril 1946, portant modification au statut du fermage, et le L 415-8 l'applique; on ne peut donc pas séparer l'un de l'autre.Sur cet arrêt, la Cour de cassation interviendra en donnant au contrat-type invoqué par le propriétaire sa véritable signification: il ne prévoit pas une dérogation conventionnelle à la charge de replantation imposée par la loi au bailleur. Que dira la cour de renvoi au soutien de la décision de la Cour de cassation qui estime que la charge des replantations incombe au bailleur?De toute manière, le contrat-type ne concerne que les baux faits sans écrit; c'était en l'espèce un conflit entre un bail écrit et la loi, l'acte réglementaire ne pouvant être invoqué que pour la fixation des modalités de l'exécution de l'obligation. D'autre part, si s'appuyant sur le contrat-type, on avait soutenu qu'il permettait d'imposer la replantation au preneur, on aurait pu faire valoir l'illégalité de cet acte réglementaire allant à l'encontre d'une obligation résultant de la loi (article 1 719), même si elle n'est pas d'ordre public.L'intérêt de l'arrêt rendu s'impose: pas plus un bail écrit qu'un contrat-type ne peuvent imposer au preneur la replantation des manquants, sans prévoir une répartition de la charge. Ce n'est pas pour rien que les formules de baux ruraux, lorsqu'il s'agit des manquants, précisent les modalités d'exécution d'une obligation qui doit rester à la charge du bailleur, au moins pour partie.(1) Cour de cassation, 21 juillet 1999, château des Tours (Gironde)

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