Il en est des impayés comme des maladies: mieux vaut prévenir que guérir. La prudence s'impose avant de traiter car il est difficile de savoir si un client ne cache pas un futur mauvais payeur.
Nous sommes désolés de vous annoncer que vous ne faites pas partie des heureux fournisseurs tirés au sort, qui verront leur facture honorée ce mois-ci. Aussi aberrant que cela puisse paraître, ce type de courrier existe. Il est envoyé par ce que les professionnels du recouvrement appellent des 'spécialistes de l'impayé'. Pour Michel Gouveia, président du Syndicat national des professionnels du recouvrement (SNPR), 'personne n'est à l'abri d'un problème de règlement. Sans parler des débiteurs de mauvaise foi, on peut avoir un client dans une mauvaise passe. Vis-à-vis des acheteurs inscrits au RCS (registre du commerce et des sociétés), il est plus facile de prévenir le risque.'L'idéal est de se faire payer cash. Mais attention, les spécialistes de l'impayé savent mettre en confiance. Les trois premières commandes, peu onéreuses, sont payées rubis sur l'ongle. La quatrième, plus conséquente, n'est jamais réglée...'Lorsqu'une personne passe une commande, le réflexe est de vouloir conclure la vente rapidement, explique Etienne Bénédetti, du Syndicat général des vignerons de la Champagne. Pourtant, avant de livrer, mieux vaut savoir avec qui on fait affaire.' Il faut tenter de recueillir, avec délicatesse, le maximum d'informations (nom, adresse, statut professionnel, domiciliation bancaire...). Cela permettra aux plus intuitifs 'de flairer les éventuels imposteurs'.C'est aussi se préparer des pistes pour retrouver un débiteur 'parti sans laisser de trace'. Ne pas hésiter à demander une pièce d'identité pour les paiements par chèque. Pour les particuliers venant à la cave, il est bon de noter le numéro d'immatriculation du véhicule.La même prudence s'impose pour la clientèle professionnelle. Les commerçants en nom propre et les sociétés commerciales sont inscrits au RCS. Sa consultation peut se faire par Minitel ou via internet sur le site des greffes des tribunaux de commerce. Là, les informations sont facturées en fonction du niveau de recherche. Ces précautions permettent de vérifier l'existence légale de l'entreprise sous le nom de laquelle un client se présente.Se renseigner sur l'état de solvabilité de son interlocuteur est plus complexe. Là encore, pour la clientèle professionnelle, on peut consulter le greffe du tribunal de commerce qui délivre 'les chiffres clés des bilans'. Encore faut-il savoir les analyser... On peut également faire appel à une société de renseignement commercial (entre 200 et 400 F selon les informations recherchées). En cas de doute, on peut demander à sa banque d'interroger le fichier national de la Banque de France.Certaines organisations professionnelles proposent à leurs adhérents des services permettant de gérer le risque d'impayés. Par exemple, l'Union viticole du Beaujolais travaille avec des sociétés de recouvrement et d'enquête commerciale.'Pour 250 F, un vigneron obtient une étude de la situation financière de son interlocuteur. Cela ne concerne que les acheteurs professionnels. Concrètement, le client se voit attribuer une note de 1 à 20 en fonction du risque d'impayé et un montant d'encours possible', explique la responsable du service. Outre l'intérêt d'être informé à temps, ce service offre une aide en cas de nécessité. 'Si la société donne une note supérieure à la moyenne et que le client se révèle être un mauvais payeur, le vigneron dispose d'une garantie qui prend en charge les frais de contentieux pour recouvrer l'impayé.' La Confédération nationale des caves particulières (CNCP) propose à ses adhérents une assurance-crédit négociée avec le Gipac, filiale de Groupama. Depuis peu, le contrat Millésime peut garantir des clients particuliers.'Trop souvent, la commande se fait par téléphone et le vigneron envoie ses bouteilles sans avoir un écrit, explique Etienne Benedetti. En cas de procédure ultérieure, on ne peut même pas prouver la réalité de la transaction.' Il est donc essentiel d'agir avec un minimum de formalisme: bon de commande signé de l'acheteur, bon de livraison tamponné par le destinataire et facture pour chaque transaction.L'idéal est de prévoir sur ces documents des 'conditions générales de vente'. Celles-ci doivent pouvoir être vérifiées par celui qui s'engage, donc figurer sur les documents commerciaux échangés avant la réception des marchandises. 'On peut rédiger une clause précisant qu'au-delà d'une date déterminée, celui qui a une obligation de paiement et ne la respecte pas sera débiteur d'un intérêt. Elle peut venir s'ajouter à une clause pénale fixant forfaitairement des dommages et intérêts en cas d'impayé. Toutefois, le juge n'est pas tenu d'appliquer cette dernière. En cas de paiements successifs, on peut inscrire une clause de déchéance du terme. Celle-ci permet au vendeur de prétendre, en cas d'impayé sur une seule échéance, à l'exigibilité de la totalité des échéances. La clause attributive de compétence détermine, dans le cas d'un litige, le tribunal de commerce compétent', explique Marie-Noël Roux, avocate à Beaune (Côte-d'Or).Autre disposition: la clause de réserve de propriété (CRP). Elle permet au fournisseur, si sa marchandise n'est pas payée, de la reprendre. Par définition, cette clause ne peut s'exercer que sur des biens identifiables, non incorporés à d'autres biens. 'La CRP permet d'aller chercher la marchandise chez un client qui vient de déposer le bilan. Cela suppose que les bouteilles soient encore en stock', poursuit l'avocate. Attention, il faut agir vite: dans les trois mois qui suivent la publication au Bodacc (Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales) du dépôt de bilan.Dernière précaution: lorsque le crédit d'un client paraît incertain, il est préférable de prendre des garanties, par exemple un cautionnement bancaire. Si malgré tout, des impayés apparaissent, le fait de les avoir anticipés facilitera les démarches contentieuses. Celles-ci seront présentées dans un prochain numéro.