Outre la complexité des formalités douanières, le risque d'impayé figure parmi les principales craintes des viticulteurs tentés par l'export. Pour se couvrir contre ce risque, la grande majorité des assureurs propose l'assurance-crédit, valable aussi pour la France.
« Le premier service de l'assureur, c'est le renseignement, précise Jean-Loup Pons, du département Partenariat et marketing chez Groupama assurances, leader sur le marché de l'assurance-crédit avec plus de 1 500 professionnels assurés. Pour les encours supérieurs à 3 000 euros, nous sélectionnons la clientèle du viticulteur que nous acceptons d'assurer grâce à nos informations sur les entreprises. Pour les encours inférieurs à 3 000 euros, les viticulteurs n'ont pas besoin de nous communiquer au préalable l'identité de leur client. Refuser d'assurer, c'est aussi important que de garantir. »
Ces refus déroutent parfois les viticulteurs. « Les assureurs ne couvrent que les bons acheteurs, surtout depuis 2008, souligne un viticulteur des côtes du Rhône. Tous les clients qui sont un peu juste sont éliminés. Pourtant, ils nous payent malgré tout. Ils devraient donc être couverts. »
À ce reproche, Jean-Loup Pons répond par une boutade : « C'est un principe de base, les assureurs n'assurent que le beau riche ! Plus sérieusement, quand nous couvrons 80 % des demandes et que nous en refusons 20 %, le viticulteur a le sentiment d'une non-couverture. C'est humain. Les vignerons voient le potentiel commercial d'un contact. Nous, nous raisonnons en terme de prise de risque. »
Recouvrement et indemnisation
« Notre deuxième service est le recouvrement, poursuit Jean-Loup Pons. Si le viticulteur n'est pas payé au bout de soixante jours, il nous fait une déclaration de non-paiement et nous intervenons en contentieux à sa place. Si nous récupérons l'argent, nous le rendons au viticulteur au prorata de sa garantie. Dans le cas contraire, nous l'indemnisons selon les modalités de son contrat. Cela peut alors prendre plusieurs mois, car il nous faut la preuve de l'insolvabilité de l'acheteur. »
Pour éviter les impayés, plusieurs précautions sont à prendre avant d'expédier des vins. La première consiste à bien rédiger ses conditions générales de vente (CGV). Il faut qu'elles soient claires, sans ambiguïté et qu'elles contiennent un paragraphe sur la réserve de propriété. « En Europe, on peut faire jouer cette dernière, confirme Jean-Loup Pons. Avec le vin, c'est d'autant plus facile du fait que les bouteilles sont étiquetées au nom du domaine. Elles sont donc facilement identifiables. »
Le deuxième point à respecter est de bien connaître le pays vers lequel on exporte. Cela sous-entend d'y être allé et d'avoir rencontré physiquement l'acheteur.
Mieux vaut ne pas faire trop confiance
La troisième précaution consiste à ne pas trop faire confiance, notamment aux importateurs qui deviennent des amis au fil des ans. « Les vignerons sont des paysans dans l'âme, commente Jean-Loup Pons. Ils font trop confiance. Le plus gros risque, pour nous, c'est le meilleur ami, car on accepte de lui ce que l'on n'accepterait pas d'autres acheteurs. Le viticulteur se dit qu'avec lui, il ne risque pas d'impayé. Sauf que cet ami y est parfois obligé, notamment s'il a lui aussi un impayé ou s'il subit un revers commercial. »
Il arrive qu'un importateur traverse une mauvaise passe et qu'il confie ses difficultés à son fournisseur. Plutôt que d'abandonner un tel client, certains viticulteurs continuent de le livrer par solidarité. « Pourtant, il faut respecter une règle d'or, poursuit l'assureur. Ne jamais expédier une commande si la livraison précédente n'a pas été réglée. On ne peut pas assurer une maison qui brûle ! »
On peut assurer la livraison faite à un ami acheteur à son insu, pour ne pas hypothéquer la relation de confiance que l'on entretient avec lui. Mais s'il est en situation délicate, il y a peu de chances que l'assurance suive. Il faut en effet savoir que la couverture de l'assureur cesse dès que l'importateur est en « état de manquement » vis-à-vis du viticulteur. C'est-à-dire pour les vins expédiés alors qu'il existe une créance antérieure impayée.
En cas de retard de paiement, les viticulteurs sont confrontés à un dilemme : soit déclencher un contentieux au risque de perdre un client, soit poursuivre la relation commerciale au risque de perdre de l'argent. Ils ont un délai maximal, généralement soixante jours après l'expédition, pour signaler la défaillance de l'acheteur à leur assureur. Passé ce délai, ils ne peuvent plus demander de remboursement.
« Il n'est pas toujours simple d'utiliser la couverture de l'assurance-crédit, résume Jean-Marc Charpentier, viticulteur à Villers-sous-Chatillon, dans la Marne. Quand on s'en sert, on est presque sûr de perdre le client, car celui-ci vous en voudra d'avoir déclenché un contentieux contre lui. Or, parfois, l'entreprise est en mesure de payer. Elle fait traîner le paiement pour gagner en trésorerie, mais finit par régler ses factures. »
La Coface soutient la prospection
La Coface est très présente sur le marché du vin, notamment auprès des plus grosses structures. Elle gère pour le compte de l'État plusieurs garanties destinées à aider les entreprises françaises à exporter. L'assurance prospection est particulièrement appréciée des viticulteurs. Elle apporte une garantie contre le risque d'échec commercial lors de prospections à l'étranger. Cette assurance est intéressante lors de la participation à un salon. Elle couvre l'éventuel écart entre le chiffre d'affaires réalisé et le coût que représente la participation à l'événement.
Le Point de vue de
«J'exporte entre 10 000 et 15 000 bouteilles de champagne par an au Brésil, au Togo, au Bénin, au Gabon et au Japon. Je travaille sans assurance-crédit, car les pays vers lesquels j'exporte sont considérés à risque. Ils figurent donc dans les tranches les plus chères. Je pense que cela doit être plus simple et moins coûteux de s'assurer pour les ventes en Europe. Pour le Brésil, j'avais contacté un assureur, mais il ne couvrait pas mon importateur. Je travaille maintenant depuis plusieurs années avec ce dernier sans problème. Jusqu'à présent, je n'ai eu aucun impayé. Dans la majorité des cas, mes acheteurs payent avant l'expédition. Je ne leur laisse pas trop le choix et cette façon de procéder est entrée dans les moeurs. Quand on commande sur internet, on paye avant... Parfois, l'importateur ne paye qu'une partie avant l'expédition et règle le solde à trente jours. Je fais en sorte que ce solde ne dépasse jamais les 3 000 à 4 000 euros. Ubifrance ne peut pas nous donner des renseignements sur la solvabilité d'un importateur, mais ils connaissent bien les acteurs du milieu. On peut les interroger avant de débuter une relation car ils sont vite informés en cas d'impayés d'un importateur invité à l'un de leurs salons ! »