Les vignerons embouteillant leurs vins avec de faibles niveaux de SO total le doivent à l'état sanitaire de la vendange, à l'hygiène du matériel vinaire, à une cave fraîche et à la surveillance constante de leurs cuves.
Anne-Marie Schmitt ne conçoit pas de vinifier ses vins dans un chai moins propre que sa cuisine. ' Le carrelage est lavé tout le temps, affirme cette vigneronne, installée à Bergbieten (Bas-Rhin). On ne met jamais de raisin dans le pressoir avant qu'il soit nettoyé. Et on passe une heure après chaque pressurage. On ne se sert jamais d'une pompe ou d'un tuyau sans les avoir passés à l'eau chaude. A la fin des vendanges, nous consacrons une journée à lessiver la cave. Nous démontons tous les robinets pour sortir tous les joints, les désinfecter et les laver. Ce sont des nids à bactéries. Pour moi, tout part de là, c'est évident. ' Evident peut-être, rare sûrement. Cette hygiène rigoureuse porte ses fruits. Lorsqu'Anne-Marie Schmitt embouteille ses blancs secs, ils titrent 60 à 70 mg/l de SO 2 total pour 30 à 35 mg/l de SO2 libre. Pour le premier de ces paramètres, les normes régionales sont presque deux fois supérieures. Notre vigneronne vise des niveaux bas car les vins trop sulfités lui donnent ' mal au crâne '. Si elle atteint ces niveaux, ce n'est pas seulement en raison de la propreté qui règne dans sa cave. C'est le résultat de tout un programme qu'elle met en oeuvre pour aller ' de plus en plus vers des vins purs '. Les vendanges sont manuelles. Elles nécessitent une protection moindre que celles récoltées à la machine car l'oxydation ne démarre qu'après le pressurage. Les raisins altérés sont éliminés. Cela réduit les pertes par combinaison. Les terroirs préservent naturellement l'acidité et donc l'efficacité du SO 2. La cave est enterrée. Même en plein été, la température ne dépasse pas 15°C. Les malos y démarrent difficilement. Anne-Marie Schmitt peut attendre que ses blancs se clarifient avant de les sulfiter. Là encore, elle diminue les pertes par combinaison. Entre la fin de la fermentation alcoolique et le premier sulfitage, il s'écoule plusieurs semaines pendant lesquelles les vins sont dégustés tous les jours afin de déceler les premiers signes de fatigue. Dès qu'elle se fait sentir, ils sont sulfités pour qu'ils conservent leur fraîcheur. Xavier Decourt redoute aussi l'excès de sulfitage qui lui provoque des brûlures digestives. De ce fait, il vise de bas niveaux. Il possède un domaine de 20 ha à Ouveillan (Aude). Ses vignes sont peu sensibles à la pourriture. Depuis son installation en 1993, il n'a pas réalisé un seul traitement antibotrytis, même pas sur le sauvignon pourtant réputé sensible. Malgré cela, il récolte, à la machine, une vendange régulièrement saine. C'est son principal atout. Il prend soin de le conserver en nettoyant à l'eau les bennes après chaque déchargement, en lavant le quai de réception, l'égrappoir et la pompe à vendange dès qu'un arrivage est encuvé. Le soir, il désinfecte tous les matériels vinaires à l'eau de Javel et les rince. Avant l'encuvage, il applique de la soude et de l'eau de Javel sur ses cuves en béton, puis les affranchit. Au départ, il pensait aboutir à de faibles niveaux de SO 2 dans ses vins en sulfitant peu ses vendanges. Il a obtenu le résultat inverse. ' Je ne mettais que 3 à 5 g/hl de SO 2 à l'encuvage, explique-t-il. Mais j'avais des montées en volatile avant le décuvage et cela m'agaçait. Je récolte mes rouges à forts degrés et je les laisse macérer trois semaines à un mois. Puis je suis passé à 6 à 7 g/hl. J'ai perdu quinze points d'acidité volatile. La malo terminée, je tourne autour de 0,35 à 0,40 g/l. ' Xavier Decourt applique les mêmes doses à ses blancs, mais en deux temps : d'abord, à l'aide d'un arrosoir, 4 à 5 g/hl sur les raisins à leur arrivée au conquet, puis 3 g/hl de jus. Il assure qu'elles ne se retrouvent pas en fin de fermentation et qu'elles n'entravent pas la malo sur les rouges. Notre vigneron vend l'essentiel de sa production en vrac et élève, pendant dix mois, vingt barriques de rouge pour la cuvée qu'il vend en bouteilles. La fermentation malolactique se déroule sous bois neuf. En novembre, à son achèvement, il sulfite à l'aide de cachets effervescents. Il ne réajuste qu'une fois le niveau de SO 2 libre en cours d'élevage, vers le mois de juin. A la mise, ses vins titrent 50 à 60 mg/l de SO 2 total pour 25 mg/l de libre. Les sulfites combinent peu pour trois raisons : la vendange est saine, ' j'aseptise bien au départ ; cela me permet de ne pas y revenir souvent par la suite ', et la cave se réchauffe peu en été. Denis Durantou, quant à lui, insiste sur la surveillance des vins : ' Nous ne faisons pas seulement des analyses tous les trois mois à l'occasion des soutirages, mais au minimum tous les quinze jours, par sondage. Nous avons très peu de moyens pour intervenir sur un vin. Le niveau de SO 2 libre en est un, très économique, avec lequel il faut toujours agir préventivement. ' Dans son chai de l'Eglise Clinet, à Pomerol (Gironde), ce paramètre ne doit pas être trop élevé, faute de quoi il bloquerait toute oxydation ménagée des vins élevés sous bois. Il ne doit pas être trop bas pour ne pas éveiller l'appétit des levures et des bactéries de contamination. ' En hiver, nous laissons tomber le niveau de SO 2 libre, reconnaît-il. Mais dès qu'arrive l'été et que les températures dépassent 18 à 20°C, nous les montons sans hésiter entre 25 et 30 g/l. ' Denis Durantou procède à un élevage très classique, long de dix-huit mois. Les fermentations malolactiques n'ont pas lieu sous bois, mais en cuve. Lorsqu'elles sont achevées, les vins sont refroidis, puis sulfités. ' Je n'hésite pas à stabiliser rapidement. Il faut se défaire des populations microbiennes indésirables. Je mets 5 g/hl d'un coup. Cela nettoie le milieu. ' Ensuite, les vins sont entonnés. Comme le veut la règle, ils sont soutirés tous les trois à quatre mois. A chaque fois, les barriques sont lavées, puis méchées à l'aide d'une pastille dont le poids dépend du niveau de SO 2 libre recherché. Les cavistes ne l'allument pas avant que le bois soit sec pour que l'humidité n'entrave pas l'aseptisation. Trois semaines avant la date prévue de la mise en bouteilles, ils remontent les vins en cuve pour s'assurer que le SO 2 libre est stable. Au moment du tirage, pour Denis Durantou, il est nécessaire d'atteindre 25 mg/l de libre. ' Les vins ne sont pas toujours au mieux de leur forme après la mise ', concède-t-il. Bien qu'il n'hésite pas à sulfiter, ses bouteilles ne titrent pas plus de 80 à 90 mg/l de SO 2total. C'est le signe de faibles taux de combinaison qui sont le résultat d'un travail préventif et d'une chasse à l'oxydation lors de toutes les interventions sur les vins. ' Nous n'avons jamais aussi bien maîtrisé le sulfitage qu'aujourd'hui, estime-t-il. Nous n'en avons jamais mis aussi peu. '