Retour

imprimer l'article Imprimer

Vin

Première année réussie pour les vinifications bios

Michèle Trévoux - La vigne - n°253 - mai 2013 - page 56

La réglementation sur la vinification bio entrée en vigueur avec le millésime 2012 n'a pas posé de difficulté. Cependant, les producteurs du Midi doivent être vigilants et inventifs pour ne pas dépasser les teneurs maximales en SO2 admises dans les vins.
À LA CAVE DE VERGÈZE, dans le Gard, premier producteur de vins bios en France, Jean-Luc Andrieu, à droite sur la photo, imagine déjà d'autres itinéraires techniques pour les prochaines vendanges. © M. GASARIAN

À LA CAVE DE VERGÈZE, dans le Gard, premier producteur de vins bios en France, Jean-Luc Andrieu, à droite sur la photo, imagine déjà d'autres itinéraires techniques pour les prochaines vendanges. © M. GASARIAN

Bonne pioche ! Pour l'entrée en vigueur de la réglementation européenne sur les vins bios, la nature s'est montrée plutôt clémente. Le bon état sanitaire des raisins récoltés en septembre et en octobre derniers a facilité la vie des vignerons et des oenologues. « En bio, les rendements sont inférieurs à la viticulture conventionnelle. Nous avons eu une matière première de qualité, avec des raisins à une bonne maturité », estime Stéphane Becquet, technicien conseil du Syndicat des vins bios d'Aquitaine (SVBA).

Globalement, la nouvelle réglementation n'a pas posé de problèmes majeurs. « La plupart de nos adhérents l'avaient anticipée. Dès 2011, nous avions mis en place le cahier des charges adopté début 2012 », confie le technicien.

Les adhérents du syndicat utilisent peu d'intrants oenologiques et ne le font que ponctuellement, pour relancer une fermentation ou si l'état sanitaire des raisins l'exige. « Nos vignerons utilisent majoritairement les levures indigènes », ajoute Stéphane Becquet.

Des mesures pour limiter le sulfitage

Dans le sud de la France, le point le plus délicat a été la réduction des doses de SO2 (150 mg/l pour les blancs et rosés et 100 mg/l pour les rouges, contre 200 mg/l et 150 mg/l en vinification classique). « Nous avons des vins avec des pH et des températures élevées, deux facteurs qui accélèrent la combinaison du SO2 libre. Il faut sulfiter avec vigilance pour rester dans les clous. D'autant que le négoce fixe à ses fournisseurs des limites encore plus basses pour se conserver une marge de manoeuvre lors du conditionnement », soutient Noël Laurens, oenologue conseil à l'ICV.

Paola Godoy oenologue chez TWS, un prestataire de service en vinification à Capestang, dans l'Hérault, a mis en oeuvre une série de mesures pour limiter les sulfitages.

En premier lieu, elle a renforcé les mesures d'hygiène avec une désinfection systématique de tout le matériel : polybenne, machine à vendanger, tracteur et tout le matériel de cave. Pour obtenir les rosés très pâles réclamés par le marché, elle a misé sur les protéines de pois. Avec ces colles, elle obtient de meilleurs résultats qu'avec la PVPP, interdite en vinification bio.

« Après les vinifications, nous nous sommes attachés à minimiser le déplacement des vins et nous avons eu un recours accru à la protection sous azote ou gaz carbonique au moment des soutirages », détaille l'oenologue. Enfin, elle a utilisé un appareil Franz Paul pour un dosage très précis du SO2 et un microscope pour le contrôle microbiologique des vins, et notamment des Brettanomyces.

« Pour économiser le SO2, certaines caves ont pratiqué l'hyperoxydation des moûts blancs et rosés, relate Noël Laurens. Cela consiste à leur apporter de l'oxygène avant de les débourber afin d'éliminer toute la matière oxydée. Les profils gustatifs sont modifiés : les vins sont moins amyliques et présentent des arômes de fruits blancs avec des notes florales. » Cette technique fonctionne bien sur les jus de presse et pour des cépages comme le chardonnay, le grenache blanc et le viognier. Elle est à pratiquer avec précaution sur la roussanne ou la marsanne. Mieux vaut ne pas s'y risquer avec le sauvignon, dont les arômes sont très sensibles à l'oxydation.

Certains ont également fait des essais de malo sur blancs, ce qui permet d'économiser le SO2 utilisé pour empêcher le départ de la FML. Mais les profils de vins sont également modifiés et ne correspondent pas forcément à la demande du marché.

À la cave de Vergèze, dans le Gard, premier producteur français de vins bios avec 30 000 hl cette année, Jean-Luc Andrieu, le directeur, imagine déjà d'autres itinéraires techniques pour les prochaines vendanges. « En 2013, nous allons tenter d'élaborer des bases sans SO2. Nous allons faire ces cuvées avec des vendanges saines, d'un bon équilibre acide. Nous les assemblerons en fin de fermentation avec des cuvées qu'il a fallu sulfiter. Nous serons également vigilants sur le choix de nos levures. Certaines, comme la K1 ou la D34, produisent plus de SO2 que d'autres. »

« La réduction des doses de SO2 est un axe de travail où nous avons encore des progrès à faire, estime Noël Laurens. Il y a certainement des points que nous pouvons encore améliorer et d'autres pistes à explorer. »

Une assommante exigence de traçabilité pour les producteurs

« Le changement majeur pour moi, c'est la paperasserie induite par les exigences de traçabilité. J'ai le sentiment de devenir bureaucrate. » Richard Doughty exploite depuis vingt-cinq ans un vignoble de 12,5 ha dans le Bergeracois. En bio depuis vingt et un an, la nouvelle réglementation n'a rien changé de fondamental dans sa façon de travailler. En revanche, elle a induit un pesant surcroît de travail administratif. « L'ODG nous imposait déjà un certain niveau de traçabilité, mais la réglementation bio est encore plus exigeante. Pour chaque parcelle, il faut noter le cheminement des raisins puis des vins jusqu'à la mise en bouteille. Il faut avoir la fiche technique de tous les intrants et noter où et quand nous les avons utilisés. Pour une petite exploitation, c'est très lourd. » De son côté, la cave de Vergèze, dans le Gard, a investi dans un logiciel et embauché pendant trois mois une oenologue qui s'est entièrement consacrée à la traçabilité. Elle s'est même équipée d'un écran géant où s'affichent toutes ses cuves. Un simple clic sur chacune d'entre elles permet d'afficher toutes les données du vin qu'elle contient. Efficace pour le personnel de la cave, les contrôleurs ou même les clients.

Trois points à clarifier avant les prochaines vinifications

- Thermovinification. La réglementation autorise un traitement thermique de la vendange jusqu'à 70°C. Mais à quel niveau ce seuil s'applique-t-il ? En sortie de l'appareil de thermotraitement ? Au coeur du système ? Comment les contrôleurs peuvent-ils vérifier ces températures ? Pour cette première année, les auditeurs ont fait comme ils l'entendaient. D'où l'intérêt de préciser cette règle.

- Enzymage. Les enzymes pectolytiques ne sont autorisées que pour la clarification. Néanmoins, la plupart d'entre elles ont un usage secondaire (extraction, macération ou révélation d'arôme) interdit. L'Organisation internationale de la vigne et du vin travaille actuellement sur une liste d'enzymes utilisables avec leurs caractéristiques techniques. Elle devrait être disponible pour les prochaines vendanges. Pour cette première année, les syndicats de producteurs bios ont demandé à l'Inao d'être tolérant sur ce point avec les producteurs qui, en toute bonne foi, n'auraient pas utilisé les bonnes enzymes.

- Flash pasteurisation. Cette pratique n'est pas autorisée dans le règlement actuel mais certains envisagent de la demander dans le cadre de la réévaluation du règlement prévu d'ici 2015. « La flash pasteurisation ne modifie pas le profil des vins. À la différence de la filtration, elle n'élimine pas de matière. C'est une bonne technique pour éliminer les Brett », argumente Stéphane Becquet, du SVBA.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :